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A HOLLYWOOD, LE CAS NATE PARKER, REALISATEUR DE “THE BIRTH OF A NATION”, DIVISE LES AFRO-AMERICAINS

par Gaétan Mathieu http://www.telerama.fr/
A HOLLYWOOD, LE CAS NATE PARKER, REALISATEUR DE “THE BIRTH OF A NATION”, DIVISE LES AFRO-AMERICAINS

Porté aux nues à Sundance grâce à son film coup de poing sur la révolte des esclaves américains, le cinéaste est rattrapé par une affaire de viol à quelques mois des Oscars.

Pressenti pour remporter tous les prix du cinéma américain à venir et faire figure de symbole à Hollywood quant à la place des afro-américains dans l’industrie cinématographique, le film The Birth of a Nation, qui raconte la révolte des esclaves américains au début du XIXe siècle, est pris dans une polémique durable sur le passé de son réalisateur et acteur principal, Nate Parker, 36 ans, accusé de viol il y a dix-sept ans. Une fois de plus, l’Amérique s’interroge, peut-on séparer l’art de son artiste ?

Des scandales sexuels, Hollywood en a pourtant vu passer de nombreux. L’industrie cinématographique et son public ont parfois su mettre de côté le profil du cinéaste ou acteur mis en cause, pour se concentrer sur son travail. Du Robin des bois Errol Flynn, accusé de viol sur mineur en 1942 à une époque où être un « homme à femmes » était une défense suffisante – auprès du public masculin en tout cas – jusqu’au réalisateur de Usual Suspect et des X-Men, Bryan Singer, accusé d’abus sexuel en 2014, ce qui ne l’a en rien empêché de poursuivre la réalisation très lucrative des nouvelles aventures des héros de Marvel. Quant à Roman Polanski et Woody Allen, leurs films peuvent être distribués sans que les critiques n’évoquent dans chacun de leurs articles le passé pour le moins controversé de leurs réalisateurs. Une chance que n’aura pas Nate Parker dont le film était promis à un avenir aussi grand que 12 Years a Slave, autre drame historique sur l’esclavagisme et lauréat de l’Oscar du meilleur film en 2014.

Un symbole terni

Avec son message fort et sa qualité cinématographique évidente, « The Birth of a Nation mettait tout le monde d’accord », affirme Sasha Stone, fondatrice du site sur les coulisses d’Hollywood, AwardsDaily. « Jamais un film n’avait eu un tel buzz dans la course aux Oscars. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter. »  Début juillet, la bible d’Hollywood, Variety, titrait sur le long-métrage « le film le plus à propos jamais vu dans la course aux Oscars », alors que les brutalités policières envers la population afro-américaine, le mouvement Black Lives Matter et les tensions raciales ont été au cœur de l’actualité américaine tout l’été. Mais un mois plus tard, le même magazine interrogeait pendant près de deux heures le réalisateur et interprète principal Nate Parker sur le procès pour viol qui lui avait été intenté en 1999 alors qu’il était étudiant à l’université. Un fait qui n’était pas méconnu mais largement ignoré par Hollywood, la presse, et le grand public.

Accusé au côté de son ami Jean Celestin, Nate Parker avait alors plaidé pour une relation sexuelle consentie, alors que la victime affirmait qu’inconsciente et intoxiquée par l’alcool, elle ne pouvait l’être. L’étudiante, dont le nom n’a pas été publié par Variety, aurait également été harcelée sur le campus par ses deux présumés agresseurs après son dépôt de plainte. Nate Parker avait finalement été acquitté, après que des témoins ont affirmé qu’il avait eu précédemment une relation sexuelle consentante avec la victime. Son ami avait lui été reconnu coupable et condamné à six mois de prison. La polémique aurait pu s’estomper jusqu’à la sortie du film en octobre, si, quatre jours plus tard, Variety n’avait pas révélé que la victime qui avait accusé Nate Parker s’est suicidée en 2012, à l’âge de 30 ans et que son certificat de décès mentionnait comme cause du suicide « trouble dépressif majeur avec caractéristiques psychotiques en raison de violence physique et sexuelle et de polytoxicomanie ».

La communauté afro-américaine divisée

La communauté noire comptait beaucoup sur le film pour sa portée historique et son propos qui résonne aujourd’hui avec le mouvement Black Lives Matter. Tout comme l’académie des Oscars, qui après la polémique « OscarsSoWhite » de 2015, née de la nomination uniquement de Blancs dans les catégories majeures, voyait d’un bon œil un film salué autant pour son propos que pour ses qualités cinématographiques intrinsèques. « Etre innocenté par le système judiciaire de ce pays n’a aucune signification », écrit le site à destination des femmes afro-américaines Madamenoire.com, rappelant la non-condamnation de George Zimmerman pour le meurtre de Trayvon Martin. « Et si certains possèdent la carte ‘sortir de prison libre’ car ils sont blancs, le même privilège est souvent vrai également pour les hommes, quelle que soit leur couleur de peau, dans les affaires de viol. » Le site internet refuse de défendre le film et son réalisateur, tout comme BlackNerdProblems, autre site à destination de la communauté noire qui a annoncé qu’il boycotterait le film lors de sa sortie.

Les excuses de Nate Parker sur Facebook, qui affirme notamment « être désormais passé à autre chose dans sa vie » sont mal passées, d'autant plus que son ami Jean Celestin, reconnu lui coupable de viol en 1999, est le coscénariste du film Birth of a Nation. Le distributeur aux Etats-Unis, Fox Searchlight, tente déjà de recentrer la discussion autour du thème du film en organisant plusieurs projections en présence de Nate Parker à Harvard, dans des universités où la majorité des étudiants sont afro-américains, et devant les élus noirs du Congrès. Mais la portée symbolique qu’aurait pu avoir le film pour sa pertinence avec la situation actuelle et le mouvement Black Lives Matter semble désormais impossible sans le soutien de la communauté noire aux Etats-Unis. Tandis que les célébrités afro-américaines qui ont assuré la publicité du film à ses débuts au festival de Sundance – Spike Lee et Oprah Winfrey en tête – ne se sont plus manifestées depuis la polémique, les médias à destination de la communauté afro-américaine sont de plus en plus nombreux à lâcher Nate Parker.

Dernier en date, JetMag, hebdomadaire célèbre pour son rôle dans la défense du mouvement des droits civiques, appelle dans un billet à mettre un terme à l’hypocrisie qui pousse à séparer l’artiste de son art. « Avoir le courage de mes convictions était facile lorsqu’il n’y avait aucun conflit d’intérêt. Quel que soit l’impact qu’a pu avoir sur moi le Cosby Show, cela fait longtemps qu’il n’en avait plus », écrit la bloggeuse Lasha. « Mais Parker avait dans ses mains l’histoire d’une révolution que j’attendais tant. J’ai d’abord défendu l’histoire mais pas celui qui la racontait. (…) Mais aussi précieuse que soit pour moi l’histoire de Turner [l’esclave qui a conduit la révolte et sur lequel est basé le film, ndlr], elle ne vaut pas ma conscience. »

Nate Parker a encore quelques soutiens de poids, comme le révérend Al Sharpton, figure médiatique de la communauté noire aux Etats-Unis, qui comme d’autres s’interroge sur le calendrier de la polémique alors que le film faisait déjà figure de favori aux Oscars. Mais de porte-drapeau de la résistance contre la répression raciale, que celle-ci se déroule en 1830 ou en 2016, le film est devenu le symbole de l’impunité chronique des personnes accusées de violences sexuelles, notamment sur les campus universitaires américains. Pour le Hollywood Reporter, l’avenir du film et de son réalisateur repose désormais sur une seule interrogation : « Entre le sexisme et racisme, laquelle de ces deux importantes questions sociétales sera la plus importante.

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