Fatigué par l’écrasant soleil de sa chère île, la Martinique, et par l’abus du « rhum-vodka », Abel est un romancier tropical en panne d’inspiration. Un héritage colossal provenant de sa grand-mère abhorrée lui permet tout à la fois de noyer son chagrin d’amour pour Anna-Maria de la Huerta, belle de nuit d’Hispaniola, partie sans crier gare, et de se réfugier au bord de la Seine en compagnie de son éternel ami, Saint-Martineau, le mathématicien le plus réputé, des bayous de la Louisiane jusqu’aux bords de l’Orénoque. Embourbé dans la rédaction d’un roman au titre improbable, {Parcours d’un corps}, qui commence romantiquement, se poursuit érotiquement et s’inachève pornographiquement, notre homme se laisse prendre aux sirènes d’un prophète de la régénération de la race noire, promettant à ses fidèles qu’ils seront rapatriés sur la terre-mère africaine grâce à l’évocation des dieux de l’Égypte antique.
Poursuivant dans la veine sarcastique, parfois cynique, qu’il avait inaugurée avec {Bassins des ouragans} (1994) et {La Baignoire de Joséphine} (1997), Raphaël Confiant nous donne à lire l’autre face de son œuvre. Sans sacrifier à la quête identitaire et à la revendication politique, il offre une image dévastatrice de la société coloniale tri-séculaire des Antilles. Tout y est moqué, pour la plus grande joie du lecteur. Un grand bol de rire !
Né en 1951 au Lorrain (Martinique), Raphaël Confiant est l’auteur de nombreux romans tant en créole ({Bitako-a}, 1985, {Kod Yanm}, 1986) qu’en français ({Le Nègre et l’Amiral}, 1988, {Eau de Café}, 1991, {La Panse du chacal}, 2004, {Case à Chine}, 2007). Il est l’un des chefs de file de la nouvelle littérature antillaise, celle de la Créolité, aux côtés de Patrick Chamoiseau, Jean Bernabé et Ernest Pépin. Son œuvre, à l’ambition quasi-balzacienne, sorte de « Comédie créole », ne se limite plus, depuis quelques années, au seul univers créole.