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Partir en LIVRE, en live: Voyages et Patrimoines

Carte blanche aux Éditions Neg Mawon

Rédacteur: Cocks Georges
Carte blanche aux Éditions Neg Mawon

Commencer les vacances  dans un océan de mots bleus et un soleil de slam, c’était le pari des Editions Nèg Mawon (ENM) qui avaient carte blanche en cette fin de mois de juillet. Pari gagné, car la grande salle des congrès du Mémorial Acte était pleine à craquer, certains retardataires n’ayant même pas pu y accéder. Cette jeune entreprise guadeloupéenne a su faire sa place dans le monde difficile de l’édition. Il s’agissait d’une première soirée d’envergure dans ce lieu avec une invitation à la promenade en terre de poésie, de roman, de nouvelles, en compagnie des «auteurs d’ici», annonçaient les Editions Neg Mawon, pour une musique de mots universels sur la thématique «Voyages et Patrimoine».

Les auteurs Davis Erauss, Henri Bistoquet, Georges Cocks, Marie Louison, Frantz Durizot, Didyer Mannette, Henri Maurinier, Jean Galleron, et bien d’autres ont su faire voyager l’auditoire, le tenir en haleine et bousculer les consciences. Tout cela s’est déroulé avec un excellent accompagnement musical du groupe Djenm’Mo constitué de cinq artistes talentueux pétris de la tradition du gwoka et s’épanouissant dans plusieurs aspects de cette tradition: chanteurs, danseurs, tanbouyé, chachayè, stylistes, même, pour l’un d’entre eux, pour le plus grand plaisir d’un public ravi qui ne s’en rassasiait pas.

Si la conscience est une nécessité absolue pour déjouer le jeu de la mondialisation, l’amour aussi en est une des armes et sûrement l’incontournable, l’arme absolue, celle qui a créé la vie mais celle aussi qui la prend quand son absence est un trou noir qui engloutit toutes les valeurs nécessaires à la survie de notre espèce. Voilà le message de ces auteurs qui méritent d’être lus et entendus.

Didyer Mannette, auteur et directeur des ENM, est un promoteur acharné de la culture guadeloupéenne. Sa devise: «Fouyapen pou vant, liv pou tèt», en quelques mots: le ventre ne nourrit pas l’esprit, c’est bien le livre. Didyer Mannette a voulu vous ouvrir la porte de son succès personnel, mais attention, tout envoi de manuscrit sera quand même soumis à la traditionnelle épreuve de lecture, exception faite pour Pluton Magazine!

PM: La littérature antillaise est d’une richesse inestimable encore aujourd’hui, qu’est-ce qui manque à l’essor des nouveaux talents existants?

Petites Antilles, grandes Antilles, Antilles françaises, il faut déjà définir le territoire dans cette question, une interrogation à approfondir aussi avec les quatre langues qui se touchent, qui se côtoient dans ce territoire. Vous voyez donc déjà la difficulté de la question juste à se poser en matière de littérature et de territoire. Sur le département où nous sommes, la Guadeloupe, nous notons la présence d’écrivains de talent maintes fois récompensés, ce qui montre que le territoire a su «fabriquer» des écrivains de talent. En effet, nous peinons un peu à voir de nouvelle étoiles mondiales, c’est un peu le challenge de notre maison, aujourd’hui. Pour cela, il faut franchir plusieurs étapes et la première: conquérir notre terre, notre environnement proche. Nous devons lire nos auteurs et reconnaître leur talent, mais cela pose le problème profond de la reconnaissance de la qualité de ce que nous avons en matière littéraire mais aussi dans maints domaines. Nous aimons parfois ce qui vient d’ailleurs au détriment de ce qui pousse derrière nos cases. Pour cela, tous les acteurs du livre doivent investir davantage, les maisons d’édition, bien sûr, mais aussi les politiques, avec une politique littéraire plus forte, les médias avec un rôle d’informateur et critique plus accru et plus pertinent. Pour nos écrivains, il s’agit pour eux de travailler davantage mais cela passe par plus de résidences d’écriture, plus de relectures croisées, et des ateliers d’échange littéraire. Mais cela rejoint une nouvelle fois la politique.

Votre maison ENM était essentiellement tournée vers la poésie à ses débuts, est-ce toujours le cas?

Nous, les Editions Nèg Mawon, nous avons déjà fait de la route depuis nos débuts privilégiant la poésie. Aujourd’hui, on nous retrouve dans quasiment l’ensemble des styles: la Poésie mais aussi le roman, les nouvelles, le conte, le livre jeunesse. Bientôt, nous allons proposer des titres dans le développement personnel et aussi en cuisine. Pour le livre jeunesse nous avons de vastes ambitions, les auteurs peuvent se mettre au travail.

Quelles difficultés rencontrez-vous?

Le métier d’éditeur sur un petit territoire n’est pas facile. Je répète l’importance pour chaque acteur de faire évoluer les choses. Etre vendeur de livres, c’est un métier exercé par les libraires. Cependant, parfois, nous éditeurs rencontrons des difficultés pour placer nos ouvrages, puis aussi des difficultés de visibilité dans certains espaces… Nous pouvons aussi pointer la fébrilité des distributeurs ne faisant pas confiance à la production locale. Pour nous éditeurs locaux, les libraires privilégient souvent le dépôt-vente avec un taux très important et certains même ne nous laissent aucune place dans leurs rayons.

L’échelle du livre en Guadeloupe, que pouvez-vous en dire?

Le nombre de titres progresse chaque année dans le département. Il n’y a malheureusement pas de chiffres officiels, ce qui est dommage pour bien évaluer le métier. Nous oscillons entre 200 à 300 ouvrages par an. La moyenne des ventes est compliquée à élaborer, chacun disant ou fantasmant à souhait. Vendre 1000 exemplaires est déjà un bon chiffre sur une population de lecteurs qui tourne autour de 200 000.

Comment faite-vous pour aligner le prix de vos ouvrages et la vie chère?

Nous avons fait le choix d’une politique d’accessibilité de nos livres dès le début. Être éditeur, c’est un amour pour le papier, du bonheur dans les joies que peut procurer un bon livre et aussi un engagement sociétal. Le livre devenant un outil pour l’élévation du peuple guadeloupéen. Nous préférons donc vendre 1000 titres à 10 euros que le contraire. Pour proposer des prix attractifs, il s’agit pour nous de faire des marges faibles, l’objectif étant de rendre accessible le livre.

Les géants Amazon et Google semblent avoir changé l’accès au livre ; êtes-vous craintif?

Nous utilisons le numérique dans nos pratiques de communication, de distribution, l’éditeur que je suis veillant à s’adapter. Heureusement pour nous, il y a encore nombre de personnes aimant le chant du papier et du doigt mouillé salivant de lecture.

L’auto édition devient la voie des nouveaux auteurs, pensez-vous que l’édition classique est amenée à disparaitre?

Un comité de lecture, un comité de relecture, un illustrateur, la mise en place d’un programme de vie de l’ouvrage, le regard des professionnels, tout cela permet à un écrit de gagner en qualité et en crédibilité. Aussi l’édition classique continuera à vivre, même s’il faut aussi s’adapter au monde autour de nous.

Vous êtes vous-même auteur/éditeur, êtes-vous confronté aux mêmes obstacles? Est-ce plus facile pour vous de vous éditer?

J’ai déjà publié dans deux autres maisons pour justement avoir des gens qui me disent: oui votre ouvrage est correct, nous prenons un risque financier dessus.  Rien n’est plus facile pour moi, le comité de lecture validant mon ouvrage comme tous les auteurs voulant faire le pari Editions Nèg Mawon.

Quels conseils prodigueriez-vous à un nouvel auteur?

Il y a un seul conseil à donner : il faut écrire. Cela devrait être la seule exigence de l’écrivain sans considération de vente, d’argent et autres. Mais nous ne sommes pas dans un monde parfait. Donc je dirais écrire, travailler avec professionnalisme sa plume et ensuite s’armer de patience, car devenir écrivain, cela se construit, il faut d’ailleurs ne pas confondre écrivain et auteur.

La question inévitable, l’avenir du livre, l’assimilation et la transmission de la connaissance, comment la voyez-vous?

La parole s’en va, l’écriture reste, nous sommes éditeurs mais avant tout acteurs culturels. Il faut travailler davantage pour le rayonnement du livre qui est aussi un moyen de faire briller notre société. Je suis optimiste si tout le monde continue à ramer dans le même sens. L’écart entre lettrés et illettrés s’accentue. Pour endiguer cela, il faut inclure le livre dès le plus jeune âge possible dans la vie de l’enfant, c’est ainsi qu’il y aura un avenir.

Avec sa troupe de nèg mawon qui ne cesse de croître, Didyer Mannette a su, par la force de la patience et de l’endurance, estampiller sur de nombreuses couvertures trois mots rassurants. À l’origine de manifestations mensuelles et de rencontres quotidiennes avec son public, Les Editions Nèg Mawon viennent de prouver qu’on a fort à parier sur sa capacité à offrir des moments de partage hors du commun avec des auteurs qu’on ne présente plus. Il est grand temps de quitter son poste de télévision pour aller à la rencontre des mots, du spectacle du conte et du rire, revenir avec une lecture, il y en a pour tous les goûts et tous les âges.

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