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CASE DEPART

Raphaël Confiant
CASE DEPART

Le film « Case départ » est parti pour faire un gros succès tout comme « La Première étoile » l’an dernier. Caractéristique commune : ils jouent sur l’humour et non la dénonciation ou la revendication au premier degré. Sur le Net, de violentes critiques ont été émises, surtout contre « Case départ », au motif qu’il traiterait de manière comique un sujet gravissime à savoir l’esclavage. En réalité, il y a une grosse méprise de la part de ces internautes : ni « Case départ » ni « La Première étoile » ne sont des films antillais. Ce sont des films de Noirs français ou de Français noirs, ce qui change tout. Les films antillais sont fait par des réalisateurs antillais sur des sujets antillais : Euzhan Palcy, Christian Lara, Guy Deslauriers etc…Le sujet de « Case départ » est de ridiculiser d’une part le racisme dont font preuve les Français blancs à l’égard de leurs compatriotes Français noirs et d’autre part, de mettre en lumière le comportement veule de certains Français noirs.

C’est quoi les « Français noirs », diront certains ? Réponse : les 2è et 3è générations d’Antillais et d’Africains ayant émigré en France à partir des années 60 pour les premiers et 70 pour les seconds. Ces personnes constituent désormais une minorité nationale de la France exactement comme les Noirs américains ou les « Black British ». Elles sont nées en France, y ont vécu, aimé, étudié, souffert. La France est leur pays et il est tout à fait normal qu’elles se battent pour acquérir les mêmes droits que leurs compatriotes blancs. On ne peut pas leur demander d’agir et de réagir comme des Antillais. Nous ne sommes pas une minorité dans nos pays (Guadeloupe, Martinique, Guyane), mais bien une majorité et notre combat n’est pas, et ne peut pas être, celui des Français noirs. Toutes les mesures assimilationnistes du monde ne combleront jamais les 7.000kms qui nous séparent de l’Europe. C’est d’ailleurs pourquoi certains ont été obligés d’inventer le concept baroque d’ultrapériphéricité.

{{Intégration.}}

Quand on est une minorité nationale (Noirs américains, Berbères, Tamouls du Sri-Lanka, Amérindiens, Aborigènes, Black British etc.), on a deux solutions : ou bien on affronte la majorité par les armes ou bien on l’affronte pacifiquement. Les Noirs américains ont essayé la première solution avec les Blacks Panthers : elle a échoué. Les Tamouls du Sri-Lanka, inventeurs des attentats-suicide bien avant les Palestiniens, aussi : ils se sont fait décimer. On peut multiplier les exemples et l’on verra qu’il est impossible à une minorité d’imposer sa loi à une majorité de manière durable. Le meilleur exemple est celui des Blancs sud-africains. Donc 1 million de Noirs Français (descendants d’Antillais et d’Africains) ne peuvent pas imaginer imposer leur vision du monde à 64 millions de Blancs français. La seule solution est l’intégration. Mais pas à n’importe quel prix ! Intégration pour une minorité ne veut pas dire disparition ou dissolution. Aujourd’hui, les Noirs américains sont intégrés mais ils n’ont pas disparu. Ils ont réussi à modifier la culture étasunienne, à y insuffler leur musique, leur art, leurs valeurs. A tel point que le jazz est appelé « musique classique américaine » !

{{Société diverselle.}}

La chance dont bénéficie les Noirs français et que n’avaient pas les Noirs américains dans les années 50-60, c’est qu’aujourd’hui, avec la mondialisation, la plupart des sociétés sont devenues « diverselles ». Très concrètement, un petit Français qui allait à l’école dans les années 50 n’avait pour condisciples que des petits Gaulois alors que de nos jours, c’est impossible (sauf au fin fond de l’Auvergne et encore…). Dans toutes les classes, le Petit Français d’aujourd’hui va côtoyer des Noirs, des Arabes, des Asiatiques etc…Du coup, la conception qu’il aura de l’identité française ne pourra en aucun cas être celle de son père ou de son grand-père qui, eux, ont fréquenté une école monocolore. Cela ne signifiera pas qu’il ne sera pas raciste, mais au moins, il ne considérera pas Noirs, Arabes et Asiatiques comme des étrangers. Exemple : on n’a jamais entendu personne, même du Front National, dire que Harlem Désir est un étranger. Personne n’a contesté, au motif de sa couleur, le fait qu’il assure l’intérim ce Martine Aubry à la tête du PS. Donc intégration, oui, mais intégration dans la Diversalité.

{{Confusion.}}

Ce qui nous trouble, en fait, nous autres Antillais, face à des films comme « La Première étoile » ou « Case départ », c’est le fait que nous soyons encore des territoires français et qu’il ne nous est pas facile de faire la différence, ou plutôt d’admettre la différence entre Antillais et Noirs français. Les Noirs anglais ou Black British n’ont pas ce problème. La Jamaïque, Trinidad, Barbade etc. sont des pays indépendants et la différence est immédiate. Un Noir anglais cherche à acquérir tous ses droits au sein de la société anglaise et il a parfaitement raison. Il ne cherche pas à intervenir dans la vie politique, sociale ou culturelle du pays de ses grands-parents. Les Beurs ou Arabes français bénéficient, eux aussi, de l’indépendance de l’Algérie, du Maroc ou de la Tunisie. Personne n’imaginerait que Zidane ou Rachida Dati essaient d’influer sur la politique de l’Algérie ou du Maroc. S’ils osaient le faire, les Algériens et les Marocains les enverraient se faire voir.

Donc un Noir français n’a pas à venir me dire, par exemple : « Ce ne serait pas une bonne chose que la Martinique devienne indépendante ». C’est pas ton problème, mec ! Occupe-toi de trouver ta place au sein de ta société, la société française, hexagonale, et laisse-moi décider moi-même de mon destin.

{{Films.}}

En tant que films noirs français, « La Première étoile » et « Case départ » sont donc d’excellents films. Ils visent à décrisper les relations entre Blancs français et Noirs français, à les normaliser en quelque sorte. Et en matière de décrispation des relations interethniques, il n’y a pas de meilleure arme que l’humour. Par contre, si ces films avaient été faits par des cinéastes antillais, ces derniers mériteraient évidemment le peloton d’exécution. Sans discussion possible.

Mais ce n’est pas le cas !...

Raphaël Confiant

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