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CELA PROVIENDRA SANS DOUTE DE LA CRISE FRANCAISE ET MONDIALE...

CELA PROVIENDRA SANS DOUTE DE LA CRISE FRANCAISE ET MONDIALE...

   Jusqu'au bout, les possessions françaises d'Outremer se seront démarquées des autres régions jadis colonisées de la planète.

   En effet, on se souvient que ces dernières ont soit fait le choix soit ont été poussées à le faire de l'indépendance entre le milieu des années 50 et les années 70 du siècle dernier. L'Algérie, par exemple, au terme d'une guerre cruelle de sept ans s'est libérée des liens avec la "métropole" tandis que Sainte-Lucie ou la Dominique se sont vues signifier par la leur, l'Angleterre, de prendre toutes leurs dispositions en vue d'un retrait définitif de l'Union Jack. Aucune situation n'a ressemblé à une autre mais partout, il y a eu un mouvement de fond vers plus de responsabilités locales, puis plus d'autonomie avant d'arriver au stade ultime de l'indépendance.

   Les "vieilles colonies" de la France ont fait le choix inverse en 1946 c'est-à-dire une intégration/assimilation à ce que certains appelaient la Mère-Patrie. En contrepartie, elles ont payé ce que les élites locales appelaient "l'impôt du sang" c'est-à-dire payer de son sang l'intégration au sein de la Nation française. Comme si les horreurs des trois siècles d'esclavage n'avaient pas suffi ! C'est ainsi que des volontaires martiniquais et guadeloupéens participèrent à l'Expédition du Mexique de Napoléon III en 1862, puis à la guerre franco-allemande de 1870. Au siècle suivant, ayant obtenu le statut de conscrits à part entière, ils ont fait la Grande Guerre (1914-18), puis la Deuxième Guerre Mondiale, puis la Guerre d'Indochine, puis la Guerre d'Algérie et par la suite, dans toutes les interventions françaises en Afrique noire (Tchad etc.), on a retrouvé des soldats de métier antillais. Jusqu'à la date d'aujourd'hui d'ailleurs !

   Il n'est pas utile de revenir sur le choix de ces élites qui date du 19è siècle et qu'Aimé CESAIRE n'a fait que concrétiser après la Deuxième Guerre Mondiale en étant le rapporteur de la loi de 1946 qui a transformé "les quatre vieilles colonies" en départements d'Outremer. On peut invoquer moult raisons qui permettent d'expliquer pareil choix et on se doit d'éviter les jugements anachroniques. Il ne serait pas honnête non plus de ne pas reconnaître que cette "assimilation" a apporté à nos pays une amélioration considérable du niveau de vie, de l'éducation et des infrastructures. Notre niveau de vie est sans doute l'un des plus élevés, sinon le plus élevé, de la Caraïbe tant insulaire que continentale. Mais ce petit miracle s'est accompli à quel prix ? D'abord, par le transfert massif de toute une jeunesse vers la France par le biais du BUMIDOM, puis de l'ANT, à partir des années 60, ce qui fait qu'aujourd'hui, il y a autant d'Antillais vivant dans l'Hexagone que dans nos îles. Des Antillais qui en sont pratiquement à la 4è génération pour certains et qui ne reviendront pas au pays alors que ce dernier continue de se vider de ses jeunes (3.800 départs par an pour la Martinique, par exemple). Malgré les démagogies "alé-viré" de certains de nos parlementaires, chacun sait très bien que, dans leur écrasante majorité, une fois installés ailleurs, ils ne reverront leur terre natale que pour les vacances...

   Il faudra bien qu'au-delà des chiffres et des statistiques, quelqu'un écrive sur les souffrances endurées dans l'Hexagone par les "Bumidomiens" et leurs enfants car la carte d'identité française ne les a jamais protégés du délit de faciès ni du racisme de basse intensité. Le plus pervers, le plus sournois ! Celui qui vous mine jour après jour et contre lequel il est très difficile de lutter. On a beaucoup écrit sur le racisme de haute intensité que subissent les immigrés africains et arabes, mais personne n'a encore étudié, celui, de basse intensité, qui frappe les nôtres. Cela va du regard méprisant à la plaisanterie grossière, du refus de promotion au sein d'une administration ou d'une entreprise à la difficulté de louer un logement, des clichés lourdingues sur "la vie facile dans vos îles" à l'interdiction d'entrée dans certaines boites de nuit. Et bien sûr, à l'agression violente, parfois, lorsqu'ils sont confondus avec des Africains ou des Arabes.

   Subir tout cela presque tous les jours d'une vie est...invivable.

  Donnez-nous un exemple de ce racisme de basse intensité, direz-vous ! Aucun problème : vous êtes du sexe féminin et votre mère a eu le malheur de vous prénommer Blandine. Tant que vous viviez aux Antilles, ce prénom, quoique peu commun, ne vous avait jamais causé de problème jusqu'au jour où en quête de travail, vous enjambez l'Atlantique pour gagner le Pays des Droits de l'Homme. Là, miracle !, au bout de trois mois de recherches, vous trouvez un emploi de secrétaire dans une entreprise où vous avez l'impression d'être bien accueillie. Jusqu'à ce jour terrible où, vous croyant partie déjeuner, vous entendez, depuis la salle de photocopie où vous vous trouviez en fait, l'une de vos collègues lancer à deux autres :

   __Mais c'est qu'elle prend ses aises aujourd'hui, Noirdine, ça fait une demi-heure que je l'attend pour lui remettre ce dossier.

   __Quelle conne sa mère ! de renchérir un autre collègue, en s'esclaffant. L'appeler Blandine, n'importe quoi ! 

   Blandine, Noirdine : exemple de racisme de basse intensité. Celui qui frappe principalement les Antillais vivant dans l'Hexagone. Continuons...

 

EMPRISE BEKEE

 

   La deuxième raison de notre situation actuelle est due tout à la fois au maintien de l'aristocratie békée et à la lâcheté des élites "mulâtres". Après l'Abolition de 1848, la première a été dédommagés par l'Etat français de la perte de ses esclaves lesquels sont passés du statut servile à celui d'ouvrier agricole sous-payés comme on le voit dans La Rue Cases-Nègres de Joseph ZOBEL. Ils ont, ces Békés, conservé l'entièreté de leurs plantations et de leurs usines et quand les descendants des "hommes de couleur libres" ont, à leur tour, cherché à investir le domaine de l'entreprise, ils les ont étranglés. Deux exemples : les petites et moyennes distilleries appartenant à des "Mulâtres" s'étaient mis à fleurir dans la deuxième moitié du 19è siècle et ont bénéficié de la très forte demande en rhum des troupes françaises pendant la Première Guerre Mondiale. L'eau-de-vie de canne à sucre à servi de réchauffant, de désinfectant et de boisson dans les tranchées. La guerre finie, les bouilleurs de cru et autres vignerons de l'Hexagone se sont élevés contre la part trop importante à leurs yeux qu'occupait le rhum sur le marché français, d'où une loi sur le contingentement. Explication : les Antilles avaient le droit d'exporter vers la métropole une certaine quantité de rhum non taxé mais au-delà de ce quota, il était lourdement taxé. Les grands distillateurs békés ont aussitôt accaparé la quasi-totalité du "contingent", laissant aux distillateurs de couleur le rhum hors-contingent et donc taxé. Résultat des courses : des dizaines de distilleries, petites et moyennes, appartenant à ces derniers ont mis la clé sous la porte entre 1950 et 1965. Et après cela, les Békés eurent le culot d'accuser les gens de couleur de vouloir tous devenir fonctionnaires !!!

   Ensuite, il y a eu le scandale du CREDIT MARTINIQUAIS, cet héritier du CREDIT FONCIER COLONIAL qui avait receuilli les sommes versés aux Békés en dédommagement de l'esclavage. Pendant la plus grande partie du XXe siècle, le CREDIT MARTINIQUAIS a servi de vache à lait à la classe békée d'autant que les fonctionnaires de couleur, trompés par son nom, se faisaient un devoir d'y recevoir leur salaire (et donc leur sursalaire de 40%), véritable manne financière dans laquelle la première a puisé à pleines mains sans vergogne. Lorsque le pot aux roses fut découvert, on se rendit compte que des centaines de prêts avaient été octroyés à des entrepreneurs békés à des taux frisant le ridicule (1 ou 2%) ou même n'avaient jamais été remboursés !!! Inutile de préciser que le CREDIT MARTINIQUAIS était beaucoup moins prompt à accorder ce genre de prêts aux gens de couleur pour qui monter une entreprise était (et est encore) la croix et la bannière. Quelques Békés furent traînés, pour la forme, devant les tribunaux, mais de recours en appels, de manœuvres dilatoires en chantages au licenciement, ce qui pouvait provoquer une crise sociale, aucun d'entre eux ne fut condamné par la justice. Tous moururent de leur belle mort dans leur lit comme de bons chrétiens.

      D'une manière plus générale, ni l'Etat français ni la classe "mulâtre" n'ont jamais fait le moindre effort pour s'opposer au monopole colonial béké. Le premier les a indemnisés, comme on l'a vu, de la perte de leurs esclaves tandis que les seconds ont décidé de faire "un bout de chemin avec l'Usine" selon l'expression du député Joseph LAGROSILLIERE ou, quelques décennies plus tard, en cherchant à savoir "ce que les Békés ont dans le ventre" selon l'expression de Camille DARSIERES, secrétaire général du PPM dont CESAIRE était le président.  Ce "kolé-séré"s'est achevé de la plus affligeante des manières lorsque CESAIRE et DARSIERES ont accepté de planter "le Courbaril de la Réconciliation" sur l'Habitation CLEMENT du Béké Bernard HAYOT, devenue entre temps un haut-lieu du tourisme et des expositions d'arts plastiques où l'on n'a même pas eu la décence de reconstruire une Rue-Cases-Nègres. Cette "Réconciliation" sans "Vérité" préalable, à savoir l'exact inverse de ce qui s'est produit dans l'Afrique du Sud de Nelson Mandela, est l'une des raisons de notre impasse actuelle. Quant à la grande masse de la population, n'ayant d'autre alternative, elle s'est ruée vers "la terre des gens sans terre" à savoir l'Ecole française, unique moyen d'échapper à l'éreintant travail dans les plantations de canne à sucre, puis les bananeraies.

   Résumons : choix de l'Impôt du sang et de l'Assimilation ; saignée à blanc de nos populations par le BUMIDOM, puis l'ANT ; conservation par les Békés de la totalité de leur pouvoir économique ; lâcheté sans nom de la classe de couleur (qui, dès l'époque coloniale était composée de Mulâtres et de Noirs, faut-il le préciser). Comment après ne pas comprendre pourquoi la masse noire n'avait pas les moyens de s'opposer à tout cela et qu'elle ait fini par remettre son destin entre les mains de l'Etat français, de la Mère-patrie, pourvoyeuse de Sécurité sociale, de SMIC, de 40%, de RSA et de CMU ? 

   L'étau s'est donc peu à peu refermé sur nous. Inexorablement...   

   Nos îles étaient donc passés progressivement de l'économie coloniale productive (mais sur le dos des esclaves nègres) à l'économie "départementale" improductive (dans laquelle les descendants de ces mêmes esclaves, hormis la fraction qui touche les 40% et les professions libérales, est contrainte de "se débrouiller"). En clair, une économie de comptoir qui ne permet aucun développement endogène et qui jour après jour, année après année, décennie après décennie, a rendu nos pays totalement dépendants de l'Hexagone tout en continuant à enrichir les importateurs békés qui se sont même mis à réinvestir leurs bénéfices dans la Caraïbe, en Afrique noire, à la Réunion et en Kanaky (Nouvelle-Calédonie). Nous sommes alors devenus des "Koweitiens sans pétrole" comme aimait à dire Guy CABORT-MASSON.

   Et les mouvements indépendantistes, qu'ils aient employés des moyens violents comme l'ARC (Alliance Révolutionnaire Caraïbe) ou des moyens électoraux comme tous ceux qui se font élire maires, députés ou sénateurs, se sont retrouvés empêchés. L'écrivain basque Salvat ETCHARD, grand amoureux, un temps, de la Martinique, écrira un roman au titre à la fois évocateur et terrifiant : L'Homme empêché. Ce livre vaut mille de ces analyses anthropologiques, sociologiques, psychologiques, politiques ou économiques dont se gargarisent nos élites

   Nous sommes des pays empêchés...

 

CRISE FRANCAISE ET MONDIALE

 

   Sauf qu'en ce bas monde, rien n'est éternel et qu'avec la crise à la fois française, européenne et mondiale, la "Mère-patrie" n'a désormais plus les moyens de maintenir l'économie de comptoir en vigueur dans l'Outremer. Trop coûteux ! D'autant que le Français moyen, le Gilet jaune, lui, est à découvert dès le 10 du mois et se voit obligé de se serrer la ceinture un peu plus année après année. On voit alors les élus ultramarins pleurer sur "la diminution des dotations de l'Etat" et en imputer la responsabilité à tout ce qui ne va pas dans leurs territoires alors qu'ils n'ont pas un mot pour pointer du doigt l'économie de comptoir et la "pwofitasion" békée. Elus (es) dont la seule politique économique se résume à deux choses :

 

   . défendre bec et ongles l'octroi de mer.

 

   . consommer un maximum de fonds européens.

 

   C'est un peu court comme vision économique (d'autant que cela ne gêne en rien les Békés), mais cela a marché plus ou moins bien pendant des décennies, donnant l'illusion que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes insulaires. Sauf que maintenant, c'est terminé ! La France n'a plus les moyens de porter l'Outremer à bout de bras et l'Europe se contrefiche de ces territoires minuscules et lointains qui l'emmerdent avec, par exemple, leur très gaullien quota bananier. Ce qui signifie que tôt ou tard et à leur corps défendant, nos pays seront amenés par la Métropole à assumer leur pleine et entière souveraineté. Oui, par la Métropole ! Car, comme on l'a vu au début de cet article, nous ne sommes pas à un paradoxe près et nous n'avons jamais rien fait comme tout le monde. On suppose que ladite Métropole se gardera bien d'organiser des référendums dans nos territoires de peur que ne s'y manifeste notre "indéfectible attachement à la Mère-Patrie". Elle se retirera peu à peu, petit à petit, progressivement, l'air de rien, avec des sourires bienveillants et de grandes tapes d'encouragement dans le dos (et quelques, modestes, "aides au développement"). Et il est à prévoir que lorsque nos yeux serons enfin dessillés, les patriotes ultramarins bleu-blanc-rouge organiseront de larmoyantes et pathétiques manifestations monstres visant à prouver à la terre entière qu'ils veulent rester français jusqu'à la fin des temps. Cela fera deux paragraphes dans "LE MONDE", trois dans "LE FIGARO", une minute sur CNN et une demie-minute sur AL-JAZIRA.   

   Mais le plus scandaleux, le plus écoeurant dans tout cela sera que lesdits patriotes bleu-blanc-rouge auront baigné toute leur vie de la manne franco-européenne car à l'économie de comptoir a fini par s'additionner une économie du gaspillage effréné dont la marque la plus spectaculaire est le nombre indécent de voitures pour de si petits territoires. Au lieu d'en avoir profité pour poser les bases d'une société et donc d'une économie nouvelles, ils laisseront donc à leurs enfants et petits-enfants "la queue de la poelle" comme on dit en créole. Et elle sera chaude, qu'on se le dise ! C'est lâche, c'est lamentable. L'Histoire sera à n'en point douter sévère pour toutes les générations qui se seront succédé dans nos pays entre 1880 et le premier tiers du 21è siècle.

   Très sévère !...

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