Cette voix, nous l’avons tous entendue par hasard, un jour, au détour d’une émission-radio ou télé et elle nous a tout de suite bouleversée. Cette musique emplie d’allégresse nostalgique, aux antipodes des standards internationaux et notamment de la musique étasunienne, est la « morna ». Musique née dans cet archipel créole du Cap-Vert au large de l’Afrique de l’Ouest. Ile où durant des siècles Africains et Portugais n’ont eu de cesse de se mélanger par le biais d’un système esclavagiste assez similaire à celui qui fut installé aux Antilles. Pas étonnant qu’une langue et une culture créoles y soient nées.
La langue dans laquelle chantait Cesaria Evora, qui vient de décéder à l’âge de soixante-dix ans, est le créole à base lexicale portugaise, cousine de nos créoles à base lexicale française. Longtemps, elle constitua une barrière pour les nombreux chanteurs du Cap-Vert parce qu’elle les empêchait de percer dans un monde globalisé totalement dominé par la langue anglaise. Mais par la grâce de cette chanteuse aux pieds nus au corps sans grâce, au visage marqué par les souffrances de l’existence, elle est parvenue à s’imposer.
Cesaria dut tout de même atteindre l’âge de 50 ans pour faire reconnaître son immense talent là où n’importe quelle chanteuse de R’NB ou de rap (ou de zouk-love), refaite de partout et arborant de faux cheveux, n’a besoin que de deux ou trois ans. Elle n’aura donc eu qu’une carrière relativement courte mais cela aura suffi pour qu’elle enchante nos vies. Pour que sa voix, par fois rauque, toujours caressante, nous transporte vers les rivages battus par l’Atlantique de l’archipel où elle a vu le jour.
Grâce à elle, la « morna » figure désormais au premier rang de ces musiques de l’âme que sont le fado, le flamenco, le blues, la musique arabe ou le « chanté-bèlè ».
Obrigado, Cesaria !