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Chlordécone : de "Chronique d'un empoisonnement annoncé" à "Chronique d'une prescription annoncée"

Raphaël Confiant
Chlordécone : de "Chronique d'un empoisonnement annoncé" à "Chronique d'une prescription annoncée"

 En février 2007, Louis Boutrin et moi publions un ouvrage intitulé "Chronique d'un empoisonnement annoncé", puis nous organisions une conférence de presse sur le chlordécone à l'Assemblée nationale.

  Ce jour-là, deux députés écologistes français se trouvaient à nos côtés : Corinne Lepage et Alain Lipietz. Toute la presse hexagonale était présente et relaya notre message. "LE NOUVEL OBSERVATEUR" titra même en couverture quelques jours plus tard : "Les Antilles empoisonnées". En fait, nous n'avions fait que poursuivre le difficile combat entamé par feu Pierre Davidas et l'Assaupamar dès le milieu des années 80 du siècle dernier, cela dans l'indifférence totale de nos politiques de tous bords et même de l'hostilité de certains qui poussèrent les revendeuses des marchés de Fort-de-France à défiler dans les rues et à nous conspuer au motif que nous les aurions accusées de vendre des produits contaminés par le chlordécone.
 Aujourd'hui où, enfin, la justice française s'est décidée à entendre les parties civiles, c'est à Pierre Davidas que je pense. Sa ténacité et son courage ont payé puisque la question de l'empoisonnement de notre pays par ce dangereux pesticide a fini par devenir une cause "nationale", partagée aujourd'hui par presque tous les Martiniquais. En 2007, donc l'Assaupamar ainsi que l'Association "Pour une Ecologie Urbaine" présidée par Louis Boutrin portèrent plainte contre l'Etat français pour "mise en danger de la vie d'autrui et empoisonnement". En Guadeloupe (moins contaminée que la Martinique avec 5.000 hectares chlordéconés contre 20.000 chez nous), des associations écologiques et paysannes en firent de même.
 14 ans plus tard ! Oui, 14 ans, en ce mois de janvier donc, la justice française condescend à entendre les parties civiles. 
  Il faut préciser qu'entre temps, l'affaire avait été délocalisée au Tribunal de Paris sans doute pour jouer la montre, pour gagner du temps, dans l'espoir que les Martiniquais finiraient par oublier la question du chlordécone, ce en quoi Etat et Békés se trompèrent lourdement. Jouer la montre signifie en clair attendre que les faits soient prescrits ! Et c'est ce qui est en train de se profiler en ce moment à entendre en tout cas les magistrats qui auditionnent les parties civiles. Pendant tout ce temps passé à faire du dilatoire, nombre d'ouvriers agricoles du secteur bananier sont décédés suite à des cancers divers et variés, notamment le redoutable myélome. Les maladies d'Alzheimer et de Parkinson ainsi que les malformations congénitales ont fait florès toujours dans l'indifférence de nos politiques. Il leur suffisait pourtant de consulter le Registre du Cancer de la Martinique, mis à jour chaque année, pour prendre la mesure du désastre !
  On semble se diriger donc tout droit vers une "Chronique d'un empoisonnement prescrit", ce qui est une véritable honte pour un pays qui se proclame patrie des droits de l'homme. Cela démontre aussi le deux poids-deux mesures selon qu'il s'agisse d'un problème hexagonal ou d'un problème antillais : les affaires de l'aimante et du sang contaminé sont arrivées en justice et un ancien Premier ministre, Laurent Fabius, a même été sérieusement inquiété. Chez nous, les empoisonneurs békés, dont nous avions écrit les noms noir sur blanc dans notre ouvrage de 2007 et qui ne nous ont jamais poursuivis pour diffamation, bénéficient d'une invraisemblable mansuétude. Pourtant, toutes les preuves sont là et il suffirait d'en mettre certains en examen afin de faire toute la lumière sur ce qui est un scandale à la fois écologique (nos terres sont contaminées pour au moins 150 ans), économique (l'aquaculture a disparu et la pêche interdite sur une bonne partie de nos côtes) et sanitaire comme nous l'avons vu plus haut. 
 Or, au lieu de faire profil bas, nos chers Békés font dans la provocation en appelant au "vivre-ensemble" et en lançant cette campagne scandaleusement mensongère sur la banane prétendument bio qu'ils produiraient, chose qui a contraint le Préfet à leur taper sur les doigts. On est donc en droit de se demander s'ils sont idiots, inconscients, irresponsables ou suicidaires. Voire les quatre à la fois ! Car au lieu de saisir la main que certains Nègres leur ont tendu (tels Aimé Césaire et Camille Darsières plantant avec Bernard Hayot et Eric de Lucy le fameux "Courbaril de la Réconciliation" sur l'Habitation Clément), ils n'ont eu de cesse de nous prendre pour de parfaits couillons. Quand comprendront-ils que les Martiniquais ne veulent pas de leur "Réconciliation" sans "Vérité" au préalable ? Ils aiment à évoquer l'exemple de l'Afrique du Sud, mais là-bas, des Comités "Vérité et Réconciliation"__"Vérité" D'ABORD donc !__se sont mis en place et même s'ils n'ont pas tout résolu, notamment la questions des terres accaparées par les Afrikaners, des progrès réels ont été accomplis.
  Ici, en Martinique, nos Békés rêvent d'une réconciliation sans vérité.
 Et la justice française au lieu d'agir comme elle l'a fait pour les scandales de l'amiante et du sang contaminé semble aller dans leur sens en préparant une prescription des faits qu'aucun Martiniquais ne saurait accepter. Ce petit jeu est dangereux, très dangereux. Il faut que cette justice et l'Etat français sachent qu'en persistant à jouer à cache-cache avec la vérité, en protégeant les latifundiaires empoisonneurs, ils sont en train d'attiser le feu qui couve dans ce pays où 73.000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté, où 4.000 jeunes s'en vont chaque année faute d'emplois, où la profitation et la vie chère n'ont jamais diminué en dépit de la grève de Février 2009, où une inexorable désespérance s'installe même chez celles et ceux qui bénéficient d'un certain niveau de vie.
 Prescrire les faits liés à l'usage insensé du chlordécone reviendrait tout simplement à ouvrir sans précaution une cocotte-minute. Tant pis alors ! Ou tant mieux. Advienne que pourra !...
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