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COMMENT FONCTIONNE LE CERVEAU DES GRANDS MATHEMATICIENS

Bénédicte Salthun-Lassalle http://www.cerveauetpsycho.fr/
COMMENT FONCTIONNE LE CERVEAU DES GRANDS MATHEMATICIENS

Pour réfléchir aux concepts mathématiques complexes, les experts utilisent des régions de leur cerveau impliquées dans les calculs « simples », contrairement aux non-mathématiciens chez qui ces aires restent inactives.

Cédric Villani, mathématicien lauréat de la médaille Fields, et autres brillants chercheurs en mathématiques ont-ils un cerveau distinct du nôtre ? En d’autres termes, les mathématiques de haut niveau mettent-elles en jeu des régions cérébrales particulières ? Oui, ou du moins, les mathématiciens n’utilisent pas leur cerveau de la même façon que le « novice », selon Marie Amalric et Stanislas Dehaene, du Centre NeuroSpin à Paris-Saclay.

 

Tous deux ont cherché à déterminer l’origine des aptitudes en mathématiques en enregistrant l’activité cérébrale par IRM fonctionnelle de 15 mathématiciens professionnels (hommes et femmes, âgés en moyenne de 29 ans), comparées à celle de 15 personnes ayant des niveaux d’études semblables mais non expertes en mathématiques. Stanislas Dehaene et ses collègues avaient déjà montré que nous sommes tous aptes à faire des mathématiques – quoi que l’on puisse croire… –, comme nous sommes tous capables de parler, car nous avons tous une « bosse » des maths qui nous permet de manipuler les nombres et de calculer. Elle correspond à différentes régions cérébrales : le cortex préfrontal, les sillons intra-pariétaux, ainsi que les aires temporales inférieures des deux hémisphères, découvertes très récemment.

 

Selon Marie Amalric et Stanislas Dehaene, trois étapes interviennent dans toutes activités mathématiques. D’abord, le fait de se représenter de façon intuitive des nombres et des quantités, une aptitude présente chez l’homme dès sa naissance ainsi que chez certains animaux. Ensuite, le fait que nous y attachions des symboles, ce qui nous permet de progresser. Enfin, l’automatisation de la réflexion. L’éducation et l’apprentissage des mathématiques modifient les zones d’activation cérébrales. Quand une tâche nécessite des efforts, par exemple quand un enfant âgé de 5 ou 6 ans doit additionner 2 et 6, l’ensemble du réseau s’active (cortex préfrontal, sillon intra-pariétal et cortex temporal inférieur). Après automatisation, l’addition mobilise uniquement les sillons intra-pariétaux, les cortex préfrontal et temporaux devenant « libres » pour d’autres réflexions supposant un effort mental. Et ce réseau cérébral des maths ne correspond pas à celui du langage, une autre aptitude caractéristique de notre espèce.

 

Alors pourquoi certaines personnes sont-elles plus douées en maths ? Les chercheurs ont proposé aux mathématiciens et aux sujets témoins d’écouter des propositions mathématiques compliquées correspondant à différents domaines (algèbre, analyse, géométrie et topologie), comme « tout compact convexe d’un espace euclidien est l’intersection d’une famille de boules fermées » ou « la projection stéréographique admet pour caractéristique d’Euler la racine carrée de 2 », ainsi que des phrases complexes dans d’autres thématiques, par exemple « dans l’Antiquité, en Grèce, un citoyen ne payant pas ses dettes devenait un esclave » ou « Léonard de Vinci a rencontré Machiavel ». Les participants devaient dire si la proposition était juste, fausse ou dénuée de sens.

 

Ainsi, dans le cerveau de tous les participants, les aires associées au langage et à sa compréhension s’activent quand ils réfléchissent aux phrases de culture générale. Et tous répondent correctement à environ deux tiers des propositions. En revanche, quand les sujets entendent puis analysent les propositions mathématiques, les régions correspondant aux nombres, aux calculs et aux représentations dans l’espace ne « s’allument » que chez les mathématiciens experts, qui donnent des réponses correctes dans 65 % des cas (comparés aux 37 % des non mathématiciens).

 

La « bosse » des maths des experts serait donc dédiée à la réflexion (après automatisation des tâches mathématiques plus simples), celle des novices restant cantonnée à la manipulation des nombres et aux calculs. Et les mathématiques de haut niveau « recyclent » des fonctions cérébrales anciennes du point de vue de l’évolution.

 

Dès lors, ces résultats confirment l’existence de régions cérébrales associées aux mathématiques, et indépendantes de celles traitant le langage. Mais nous ne serions pas tous égaux : Stanislas Dehaene et ses collègues avaient déjà constaté que plus des enfants manipulent bien les nombres, de façon intuitive, plus ils ont de chances d’arriver à comprendre des concepts mathématiques compliqués en grandissant. Toutefois, correctement entraînées, par l’éducation et l’apprentissage, la « bosse » des maths permettrait à tout à chacun de comprendre les mathématiques, au-delà des simples calculs algébriques (et aucune étude n’a montré que les femmes ont moins de facultés que les hommes dans ce domaine)…

Post-scriptum: 
Cédric Villani utilise des régions cérébrales distinctes de celles des « novices » pour faire des mathématiques à haut niveau. © Cédric Villani Auteure : Bénédicte Salthun-Lassalle est rédactrice en chef adjointe à Cerveau & Psycho.

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