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Coronavirus : les Africains de Canton victimes de stigmatisation

Par Frédéric Lemaître
Coronavirus : les Africains de Canton victimes de stigmatisation

A l’heure où la Chine craint la réimportation du Covid-19, les actes racistes se multiplient. Cette dégradation nuit à l’image de Pékin dans un continent où il investit massivement.

« Interdit aux Noirs. » Depuis début avril, l’apparition d’affiches portant cette inscription à l’entrée de magasins ou de résidences du sud de la Chine ainsi que la multiplication d’actes racistes envers les Africains, notamment à Canton, ont pris suffisamment d’ampleur pour poser un problème inédit à la diplomatie chinoise, placée sur la défensive. Alors que le pays vit dans la hantise d’une deuxième vague de coronavirus, cette fois importée de l’étranger, cinq Nigérians porteurs du virus auraient fréquenté en mars plusieurs restaurants et lieux publics de Canton, incitant les autorités locales à tester ou à placer en quarantaine environ 2 000 personnes avec lesquelles ils auraient été en contact.

Selon certains médias, ces Nigérians n’auraient pas respecté la quarantaine à laquelle ils étaient soumis, ce qui n’a fait qu’accroître les commentaires racistes sur Internet, ainsi que les tensions locales. Depuis jeudi 9 avril, les témoignages se multiplient d’Africains chassés de leur logement et contraints de dormir dans la rue parce qu’aucun hôtel ne les accepte. Des témoignages très diffusés sur les réseaux sociaux en Afrique et repris par la presse qui évoque « l’enfer chinois ». Au début les autorités chinoises ont nié toute discrimination et ont dénoncé les « rumeurs » propagées par les médias occidentaux, avant de prendre conscience de l’émotion suscitée en Afrique. Dimanche 12 avril, Wen Guohui, le maire de Canton, a confirmé vouloir pratiquer des tests de dépistage sur des milliers de personnes venues de « pays à haut risque », « quels que soient la date de leur entrée et du lieu où ils vivent ».

Inquiétude des diplomates

Selon les autorités de Canton, sur 86 475 étrangers vivant dans cette ville à la fin de 2019, 13 652 venaient d’Afrique. De nombreux commerçants africains y font de l’import-export. Alors que les frontières du pays sont fermées aux étrangers depuis le 27 mars, l’immense majorité des « cas importés » le sont par des Chinois de retour de l’étranger. Pour une partie de la population chinoise, ce sont pourtant les étrangers qui, globalement, sont considérés « à risque ».

De façon inhabituelle, plusieurs diplomates et responsables politiques africains ont exprimé leur inquiétude, voire critiqué Pékin. « Mon bureau a invité l’ambassadeur de Chine auprès de l’Union africaine [UA], Liu Yuxi, pour lui exprimer notre extrême inquiétude au sujet des allégations de mauvais traitements d’Africains à Canton », avait indiqué le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, sur son compte Twitter officiel dimanche 12 avril. Mon bureau « a appelé à des mesures rectificatives immédiates, dans la droite ligne de nos excellentes relations », poursuivait le président de l’exécutif de l’UA.

Pour une partie de la population chinoise, ce sont les étrangers qui, globalement, sont considérés « à risque »

L’affaire est alors passée de Canton à Pékin. Lundi 13 avril, Chen Xiaodong, ministre assistant des affaires étrangères chinois, a reçu une vingtaine d’ambassadeurs d’Afrique. « Le ministère des affaires étrangères va rester en étroite communication avec les autorités du Guangdong et continuer de répondre aux préoccupations raisonnables et aux demandes légitimes de la partie africaine » a fait savoir un porte-parole. Selon Pékin, des mesures devraient être prises pour assurer un suivi médical « sans différenciation », désigner des hôtels pour recevoir les étrangers placés en observation médicale et adapter les prix en fonction des situations personnelles. Mardi 14, Moussa Faki Mahamat a fait savoir qu’il avait eu un entretien téléphonique avec Wang Yi, le ministre chinois des affaires étrangères. Celui-ci l’a « rassuré sur les mesures mises en œuvre à Canton pour améliorer la situation des Africains ».

« Discrimination »

Une vidéo postée le 11 avril par le président de la Chambre des représentants du Nigeria, Femi Gbajabiamila, montrant un extrait de la conversation qu’il a eue avec l’ambassadeur de Chine, avait rencontré un franc succès sur les réseaux sociaux. L’ambassadeur chinois n’y semblait pas très à l’aise.

Plusieurs ambassadeurs africains en poste à Pékin avaient également écrit au ministre chinois des affaires étrangères pour se plaindre de la « stigmatisation et de la discrimination » dont leurs ressortissants font actuellement l’objet. Ils demandent « l’arrêt immédiat des tests forcés, de la quarantaine et autres traitements inhumains imposés aux Africains ».

Selon Eric Olander, responsable du site China Africa Project, « il s’agit d’une rupture sans précédent dans les relations entre la Chine et l’Afrique ». Washington s’est engouffré dans la brèche. « Les abus et les mauvais traitements subis par les Africains vivants et travaillant en Chine nous rappellent cruellement à quel point le partenariat entre l’Afrique et la République populaire de Chine est creux », a déclaré samedi un porte-parole du département d’Etat.

Ces incidents locaux surviennent alors qu’une vidéo raciste a circulé en Chine durant plusieurs jours début avril, comparant les étrangers à des déchets qu’il fallait mettre à la poubelle. Dans ce film d’animation, deux personnages, un blond et un Noir, sont victimes de quolibets, toute la question étant – pour les éboueurs chinois – de savoir s’il convient de les jeter dans les ordures recyclables ou non.

Frédéric Lemaître(Pékin, correspondant)

Post-scriptum: 
Dans le quartier de Little Africa, à Canton (Chine), en mars 2018. FRED DUFOUR / AFP

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