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CRASH DU TOURISME EN MARTINIQUE

CRASH DU TOURISME EN MARTINIQUE

Nul ne saurait se réjouir des chiffres catastrophiques que vient de donner l’INSEE à propos de la situation touristique en Martinique. A la même période de l’année en 2011, la fréquentation des hôtels tournait autour de 64%, elle est tombée en 2012 à 56% ! Le nombre de nuitées, lui, est passé de 125 à 114. Sans compter que notre parc hôtelier se réduit comme peau de chagrin : 4 hôtels ont mis la clef sous la porte, ce qui fait tomber notre nombre d’hôtels de 70 à 66.

Sombre bilan, très sombre bilan donc…

Il serait tentant de faire porter le chapeau aux nouveaux dirigeants de la Région et singulièrement au Comité Martiniquais du Tourisme lequel a multiplié depuis deux ans les effets d’annonce et les manifestations plus ou moins ratées comme la croisière Bénodet. Si toute cette agitation relève du tragi-comique, elle n’en révèle pas moins un mal plus profond : notre incapacité collective à penser l’activité touristique. Il y a d’abord, l’incurie des politiques qui ont successivement dirigé notre pays qu’ils soient de Droite, autonomistes ou indépendantistes. Aucun de ces mouvements politiques n’a réussi en 30 ans définir une politique touristique cohérente et surtout qui se différencie de ce que nos voisins caribéens offrent déjà, cela en bien moins cher que nous. Il est clair que nous pouvons difficilement concurrencer Barbade ou Cuba en matière de plages, la Dominique en matière de forêts et de rivières, Saint-Domingue et Puerto-Rico en matière d’offre musicale, les Bahamas en matière de spots de plongée sous-marine etc…Il est évident aussi qu’il nous est impossible de rivaliser avec tous ces pays, avec nos salaires européens, au niveau des prix des prestations offertes.

Alors que faire ?

Ici, il convient, en toute honnêteté intellectuelle, de reconnaître que la Droite a été, malheureusement, la seule, et pendant longtemps, à croire en l’activité touristique, mais sans avoir été capable de la penser. A Gauche, autonomistes comme indépendantistes y ont longtemps vu une sorte de moyen de pervertir la culture ou l’identité martiniquaises. Ou de réduire le peuple à une sorte de néo-esclavage. La conversion de la Gauche à la nécessité de ladite activité est récente. Cependant on ne saurait faire peser tout le poids de cet échec uniquement sur nos politiques. Là encore, il convient de faire preuve d’honnêteté en reconnaissant que la majorité des Martiniquais a été longtemps au mieux indifférente au tourisme, au pire hostile, hormis bien sûr ceux qui travaillent dans ce secteur. C’est qu’en réalité, hormis ces derniers, les Martiniquais n’ont pas un besoin vital de voir débarquer des touristes en masse dans son aéroport ou son port. Les allocations diverses attribuées aux couches populaires, les 40% allouées aux fonctionnaires et les subventions franco-européennes accordées aux Békés et autres patrons font que, très concrètement, la vue d’un dollar américain ou canadien ou d’une livre sterling ne déclenche absolument rien en nous. D’ailleurs, on ne peut même pas utiliser ces monnaies dans nos magasins, hormis dans les rares magasins réservés à la clientèle touristique et chez les chauffeurs de taxi. Dans le même ordre d’idée, on n’a pas besoin non plus de savoir parler anglais, espagnol, portugais ou allemand. Bref, le tourisme, on s‘en fout !

Conclusion : l’échec de l’activité touristique est due autant à l’incurie de nos politiques toutes tendances confondues qu’à l’indifférence d’une population qui sait qu’elle possède d’autres moyens de subsistance.

En fait, la véritable question, le véritable problème, que personne ne veut poser est le suivant : est-il possible de développer une activité touristique dans un pays qui ne possède pas d’économie ? Pas d’économie propre. Un pays qui vit à 93% de transferts financiers français ou européens. Ce qu’Edouard Glissant nommait une « économie-prétexte ». Autrement dit, il y a bien des centaines d’entreprises, il y a bien des dizaines de milliers gens qui y travaillent, il y a bien une intense circulation monétaire, mais tout cela ne repose sur rien. Ou plus exactement repose sur le seul bon vouloir du Papa Blanc, vivant à 7.000kms, qui peut décider, à n’importe quel moment, d’ouvrir le robinet ou de le refermer. L’ouvrir quand l’économie française se porte bien, le refermer quand celle-ci va mal. En bref, et malgré la décentralisation, nous ne maîtrisons à peu près rien dans notre soi-disant économie. Et croire, comme le clament nos syndicats, que seuls les Békés sont responsables de cette situation revient à se boucher les yeux.

On aura compris notre raisonnement : rien ne pourra, dans aucun secteur, pas seulement le tourisme, se développer sans un pouvoir politique martiniquais à la fois fort et audacieux. Faute d’en posséder un, nous n’avons fait jusqu’à présent que « chayé dlo an panyen ». A ce propos, les projets du Grand Saint-Pierre et de l’Embellie des Trois-Ilets sont audacieux, imaginatifs. Ils sortent du ronron habituel, mais comme ils ne s’adossent ni à un réel pouvoir politique autonome ni à l’existence ne serait-ce qu’un embryon d’économie auto-centrée, ils sont__et c’est navrant__voués à l’échec à plus ou moins moyen terme.

2014 et la Collectivité unique nous donnent une ultime chance de sortir de ce marasme et cela, pas seulement dans le domaine du tourisme. Si nous parvenons à construire quelque chose qui ne soit pas un Conseil régional-bis ou un Conseil régional amélioré, mais une Collectivité dotée de réel pouvoir d’intervention, à ce moment-là, nous pourrons sauvegarder nos terres agricoles, impulser des activités économiques novatrices, viser l’autonomie énergétique, modifier notre système scolaire, promouvoir réellement (et non cosmétiquement) notre langue et notre culture créoles, tisser des échanges avec nos voisins caribéens qui ne soient pas seulement sportifs ou culturels etc…

Là encore, la réponse est entre les mains du peuple et des hommes politiques qu’il choisira pour diriger cette Collectivité unique. Mais, si jamais__et c’est ce qu’on peut souhaiter de mieux à notre pays__les Martiniquais décident de confier les rênes de celle-ci à des Patriotes ou à des Souverainistes, il faut qu’ils s’écartent des politiques qu’ils ont mené jusque là dans les municipalités ou les collectivités qu’ils ont été amenés à gérer au cours des trois décennies écoulées. Il faut qu’ils passent de la notion de « bon gestionnaire », qui certes vaut mille fois mieux que celle de « mauvais gestionnaire », à la notion de « gestionnaire inventif ».

Et qui dit « inventif » dit forcément « en rupture, progressive mais irréversible, avec le système français »…

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