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QUELQUES NOUVELLES PLUS INQUIETANTES QUE REJOUISSANTES

DE FANON A REINETTE : SE BATTRE POUR LES LIBERTES

Raphaël CONSTANT
DE FANON A REINETTE : SE BATTRE POUR LES LIBERTES

Fanon a écrit quelque part (ou a repris ce qu’un de ses profs lui avait dit) : « quand on critique les juifs, prête l’oreille car cela te concerne ». Il avait raison.

On pourrait y rajouter « quand on critique aussi les musulmans, inquiète-toi ». On ne peut dire que cela après que les députés français aient adopté une loi prétendant lutter contre le « séparatisme » (terme du président Macron) ou l’islam radical.

En fait, à travers cette loi, le gouvernement français et sa majorité remettent en cause des piliers du droit français comme la loi de 1901 sur les associations, la loi sur la séparation de l’Eglise et l’état de 1905, le droit à l’éducation à domicile. Ils créent deux nouveaux délits dont la mise en application permettra de s’en prendre aux libertés publiques.

Il ne s’agit pas de s’en inquiéter par simple solidarité pour les musulmans. Il faut s’en inquiéter pour tous les citoyens car dans cette période historique de restriction et d’instrumentalisation du droit par les pouvoirs publics, c’est tout le monde qui pourra être visé.

Les militants indépendantistes des dernières colonies françaises vont manifestement pâtir de cette loi et son application car nous sommes, pour les français, des « séparatistes ». Chaque mot ayant un sens et une portée, ce n’est pas par hasard que la presse française parle en Kanaky des « loyalistes » pour qualifier les anti-indépendantistes. L’absence de loyauté à la République Française devient source de délit et poursuite.

C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier la convocation adressée à Luc Reinette en Guadeloupe pour un article publié en octobre 2020 qui était une Adresse à la Jeunesse Guadeloupéenne.

Nous sommes en pleine perversion de l’esprit et de la lettre. Ainsi, dénoncer la caste békée devient une injure raciale !!!! Ce n’est pas nouveau puisque la secrétaire générale de la CGTM avait été poursuivie en 2010 par le parquet de Fort de France sur cette base. C’est aussi le discours de M. De Reynal. Aussi Dénoncer et combattre le colonialisme français est un acte de discrimination. Dire qu’une petits groupe de fonctionnaires décident impunément le sort des martiniquais, cela devient une attaque raciale discriminatoire.

Bref, la vérité est devenu un délit.

C’est une perversion de l’esprit car on voit que les bénéficiaires et les défenseurs du système actuel, racisé et inégalitaire, institue comme illégal de critiquer celui-ci ou ses conséquences. Pour combattre la montée de la lutte de libération nationale, le pouvoir et ses tenants ont comme recours de criminaliser celle-ci !

Il fait peu de doute que nous sommes dans une phase où la justice, la police, la gendarmerie sont devenus les principaux défenseurs du système actuel, illustrant ainsi la crise de la pensée assimilationniste.

L’AVANCEE DES FORCES INDEPENDANTISTES EN CATALOGNE

Criminaliser les luttes politiques de libération, l’Espagne en a donné l’exemple. C’est ainsi dans ce pays, avec l’assentiment de l’Union Européenne, il a été posé qu’organiser un référendum d’autodétermination en Catalogne faisait encourir plusieurs années de prison aux responsables régionaux qui l’avaient décidé et organisé. Les dirigeants catalans ont le défaut de n’être ni russes ni belarus et donc leur accès à la liberté et la souveraineté leur est interdit.

A cet égard, le scrutin qui a eu lieu le 14 février en Catalogne est une belle claque pour les « espagnolistes » de tout acabit, et en premier lieu pour les juges qui n’ont toujours pas compris que la période franquiste était révolue.

Madrid espérait profiter de ses élections pour réduire le vote indépendantiste en profitant de la pandémie et de réelles divergences entre les courants nationalistes. Le Parti socialiste (PSOE) a même envoyé son populaire ministre de la santé Illa pour porter le fer contre le courant souverainiste. 

Le PSOE peut apparemment se flatter d’un succès à cette opération. Son candidat est arrivé de justesse en tête avec 23,04% des voix et 33 sièges gagnant 10 points par rapport au précédent scrutin de 2017 et 16 sièges de plus. Mais quand on approfondit l’analyse, on se rend compte que le PSOE a profité de transfert de voix d’autres forces « espagnolistes » mais n’a aucunement entamé, au contraire, l’électorat indépendantiste.

En effet, en 2017, les « espagnolistes » avaient investi leur espoir dans la liste des « Cituadanos » qui était aussi sorti en tête et réalisé un score supérieur à 25% des voix avec 36 sièges ! Cette fois, le 14 février 2021, ce parti n’a pas fait 6% (perte de 19%) et a perdu 30 sièges. L’ennui tient aussi au fait qu’une partie de cet électorat s’est aussi porté vers le parti d’extrême droit Vox qui, absent en 2017, a obtenu, en 2021, 7,69% et 11 sièges.

Ainsi, si on ajoute l’ensemble des forces « espagnolistes » (PSOE, Cituadanos, Vox et la droite classique, Alliance Populaire) on trouve un score global de 23,04 (33 sièges) + 5,57 (6 ) + 7,69 (11) + 3,85 (3), soit 40,15% (53 sièges) alors qu’en 2017, les mêmes (sans Vox) avaient obtenu 43,5% et 57 sièges. Cela s’appelle un recul !

Car la réalité de ce scrutin est la victoire des différents courants indépendantistes qui pour la première fois dépassent la barre des 50%. La gauche républicaine (ERC) obtient 21,3% avec 33 sièges (+5), Junts (dont le leader est l’ancien président Puigdemont toujours réfugié en Belgique) a 20,04% avec 32 sièges (+6), l’Unité Populaire (CUP) passe à 6,6% et gagne 5 sièges (9 au total) et le Parti Démocrate Européen Catalan qui n’a pas de siège mais a fait un score de 2,72. On en arrive à 50,66% avec une majorité globale de 74 sièges (70 en 2017) sur 135 !

Alors, il faut rester prudent. Cette victoire symbolique montrant une majorité des électeurs choisir les partis indépendantistes doit être tempérée par le fait que la participation est passée, avec la pandémie de 79% à 53%. Mais cette diminution touche toutes les forces politiques puisque les indépendantistes passent de 2 millions de vote à 1,4 million.

La prudence tient surtout au fait que les deux principaux parties, ERC et JUNTS, ne semblent plus exactement sur la même longueur d’onde. Junts est dans une logique d’affrontement avec Madrid et la revendication d’un vote d’autodétermination. L’ERC semble plus en phase pour un dialogue avec PSOE et le gouvernement de gauche de Madrid.

Ce dernier est divisé sur la question catalane puisque son courant de gauche, Podemos (représenté en Catalogne et dont la composante a obtenu 8 sièges avec plus de 6%), ne se prononce pas pour l’indépendance mais est d’accord pour un référendum d’autodétermination.

Ainsi, il faut craindre que la situation se tende à nouveau face au refus espagnol de prendre en compte l’aspiration de souveraineté de la majorité de la société catalane. Mais il reste vrai que les « espagnolistes » ont perdu leur argument du caractère minoritaire du vote indépendantiste.

EN KANAKY : TENSIONS ET MANŒUVRES POLITIQUES

On ne peut ne pas dire quelques mots quant à la situation en Kanaky tant est en train de se mettre en place les ingrédients d’une explosion politique.

Pour la première fois depuis la conquête française, les indépendantistes ont conquis la majorité dans le gouvernement régional (six ministres sur onze), ceci un an après avoir conquis la présidence du Congrès. Connaissant le jeu délétère du gouvernement français et la dominante extrémiste dans le camp caldoche, cela constitue une indéniable victoire politique.

C’est la traduction institutionnelle du score indépendantiste lors du dernier référendum qui avait vu la marge de manœuvre des pro-français être à nouveau réduite. Depuis, le (ou les) camp(s) indépendantistes réclament la tenue du troisième référendum prévus dans les accords de Matignon et Nouméa. Les caldoches s’y opposent. Le gouvernement français temporise et manifestement hésite sur la conduite à tenir pour maintenir la domination francophone.

Néanmoins, la situation se tend et ceci s’est manifesté par au moins deux éléments nouveaux.

D’une part, la question de l’usine de nickel. Pour le FNLKS, le contrôle par le peuple kanak de ce minerai est essentiel pour assurer l’indépendance du territoire. Or, il y a une manifeste volonté de privatiser le minerai en le mettant aux mains d’une multinationale. Ceci a entraîné de nombreuses manifestations des forces indépendantistes. Comme d’habitude, le pouvoir et ses alliés ont accusé les militants d’actes de violence et du refus de la démocratie. Néanmoins, l’opposition a été telle que le projet du gouvernement a pour le moment été stoppé.

D’autre part, il est possible que l’on assiste à un revirement politique d’une partie de la population. Lors des dernières élections territorial, l’Eveil Océanien (EO) a obtenu trois sièges. Ce parti prétend regrouper les wallisiens et futuniens vivant en Kanaky. Traditionnellement pro-français, ce parti a commencé à prendre ses distances tant avec la droite extrémiste (Avenir en Confiance AEC) que la droite dite (selon elle) modérée (CE Calédonie Ensemble). Il se dit toujours non-indépendantiste mais de plus en plus indépendant. C’est grâce à eux que le militant FNLKS Roch Wamytan est devenu président du Congrès. EO s’est rapproché de l’Union Calédonienne (UC parti indépendantiste) et a fait liste commune avec ce parti lors des élections pour le gouvernement qui ont eu lieu le mardi 16 février. Mais des alliances de circonstances ont fait que le poste au gouvernement dévolu a EO ne lui a pas été attribué. Au-delà de ce jeu au sein de l’assemblée territoriale, le débat porte à savoir si la communauté wallisienne et futunienne envisage de voter demain pour l’indépendance. Les 2 à 3% manquants au FNLKS seraient donc trouvés ! Ceci angoisse les nuits des caldoches, extrémistes ou modérés !

On assiste à une évolution et réflexion au sein de l’actuel pouvoir français. Il faut lire l’éditorial du Journal Le Monde daté du 19 février. Ce journal qui est pour beaucoup le porte-parole officieux de la Macronie pose la question de (ce qu’il continue à appeler) la Nouvelle Calédonie dans un contexte régional et mondial. Il s’agirait avant tout d’éviter une « indépendance calédonienne dure » car cela ferait plaisir au pouvoir chinois (!!!!) et contrarierait la stratégie occidentale menée avec l’Australie d’endiguement de l’influence de Pékin dans la région.

Autrement dit, le pouvoir français qui, toutes tendances confondues, faisait tout pour que « nous » (La France et la Kanaky) « restions ensemble » contre une option de libération du peuple kanak est en train d’imaginer une tierce voie, style une indépendance-association où la France garderait son influence sinon sa tutelle sur son caillou !

Le rêve de Paris serait de casser le FNLKS en deux (la thèse française est qu’il y a des modérés -UC- et des radicaux -Palika) pour envisager un front commun avec EO et CE. Mais, Macron hésite car à avoir trop de fers au feu, on risque de se brûler. En attendant, il tergiverse, d’autant qu’il est censé devoir jouer les facilitateurs et non, ce qu’il est en réalité, un acteur de parti pris.

Mais cela ne pourrait pas durer longtemps car on imagine mal une redistribution des cartes avant le prochain référendum qui devrait être en octobre 2022 au plus tard.

Le peuple kanak, minoritaire sur son sol, a encore un long chemin à faire pour obtenir sa liberté.

RETOUR EN MARTINIQUE : JM ET CARNAVAL

Tenant compte de l’actualité, difficile de ne pas dire un mot sur les incidents qui ont eu lieu à la Distillerie JM à la veille du Carnaval et sur le Carnaval lui-même.

Ceux qu’on appelle les « socio-professionnels (en fait le patronat sous toutes ses formes) ainsi que certains élus politiques se sont précipités pour condamner les actions des militants. On a présenté leur action comme celle de petits voyous se livrant à des exactions.

La vérité n’est pas aussi simple. Il n’est un secret pour personne que depuis trois ans, il existe un mouvement réclamant la disparition de tous les symboles glorifiant l’esclavage dans des espaces publics ou dans des lieux ouverts au publics. Ceci me parait un mouvement légitime même s’il n’est pas légal. Il se fait que dans le droit français, depuis un arrêt de la Cour de Cassation dans l’affaire Huygues-Despointes, on peut faire l’apologie des esclavagistes, de l’esclavage sans craindre les foudres de la loi. Ceci démontre l’aspect pour le moins hypocrite de la loi Taubira qui proclame l’existence d’un crime sans nommer ni les criminels, ni les victimes et ne prévoit aucune réparation.

Il est évident que certains jeunes (ou pas jeunes) martiniquais n’ont pas la même opinion que la Cour française de cassation et considère comme une offense, une atteinte à leur dignité l’étalage de ces symboles esclavagistes. Ce mouvement a obligé les gendarmes ne plus arborer le drapeau « des quatre serpents », qu’il soit retiré au fronton de l’hôtel de Police, qu’on ne le retrouve pas dans les boutiques de l’aéroport etc… Il se fait que certains font de la résistance en dépit de nombreuses demandes de cesser d’exposer (surtout aux touristes) ces objets dénigrants. C’est le cas de la distillerie JM. Ceci a été admis par le responsable de la distillerie, ce dernier expliquant qu’ils ont « réglé » la question à 80%.

Alors, nul doute que les actes commis ne sont pas légaux. Mais à défaut d’un état martiniquais qui défendent les droits des martiniquais, je me réjouis que notre pays compte des jeunes qui refusent l’injustifiable, même si la plus haute cour de justice française trouve cela normal. Ce combat est légitime.

Plus fondamentalement, le mot d’ordre « Pas de Justice, Pas de Paix » doit résonner. On ne voit pas pourquoi tous les crimes contre des martiniquais commis ou tolérés par le pouvoir français en Martinique devraient rester impunis et que dans le même nous ayons un étalage de procédures (gardes à vue, enquêtes, interpellations, instructions, procès etc…) contre des jeunes qui n’ont commis que le délit de se rebeller contre cette injustice.

Finissons avec le carnaval 2021. Il était évident qu’il fallait adapter celui-ci à la situation de pandémie. Reste que l’annonce abrupte d’une interdiction générale venant d’un préfet qui manie depuis un an l’arrogance et le mépris ne pouvait qu’engendrer une réaction populaire. La division ou le silence (où est passé notre Président ?) des « zélus » martiniquais sur cette question, sans parler de l’idée d’enfermer le carnaval foyalais dans un stade, n’ont pas arranger les choses.

Le sommet a été atteint quand la troupe coloniale a cru bon d’interdire, en dépit des promesses faites, à Tanbou bô Kanal d’aller défiler le mardi soir à Fort de France et même de penser utile de lancer des gaz lacrymogènes sur des carnavaliers non armés. On en est donc arrivé à un mercredi des cendres avec des milliers de « vidéyeurs » et un bwabwa préfectoral brûlé au bord de mer.

Certes, on pourra critiquer ce qui peut paraitre comme une absence de « civisme ». Néanmoins, le civisme ne peut se concevoir dans une société que si les citoyens sont respectés. Or, en l’état, la dégradation du climat social et la décrédibilisation des ceux qu’on peut appeler les « Autorités » sont telles que la majorité des martiniquais pensent que l’on se moque d’eux.

R. CONSTANT

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