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Edouard Glissant, le passant considérable

Raphaël Confiant
Edouard Glissant, le passant considérable

 Il y a exactement 10 ans, le 03 février 2011, décédait dans un hôpital parisien, l'un des trois hommes grâce auxquels la Martinique, si minuscule, n'est pas invisible sur la carte du monde.

 Car normalement, elle aurait dû l'être ! Car qui connait un écrivain indonésien, un savant coréen, un cinéaste norvégien, un grand architecte paraguayen ? Notre petit rocher de 1.100km2 existe, lui, grâce à Césaire, Fanon et Glissant. Or, si les deux premiers sont largement reconnus dans leur pays, quoique peu lus et réduits à quelques citations inlassablement répétées, Glissant, lui, demeure largement méconnu. Pourtant de ces trois grands esprits, il est celui qui est le plus en prise avec le monde moderne, celui qui a pensé le phénomène de mondialisation et qui par conséquent est le plus à même de nous aider à réfléchir sur notre situation paradoxale de colonie non classique. 
 Nés plus tôt dans le siècle, vingtième du nom, Césaire et Fanon élaborèrent, en effet, leurs théories avant l'Internet, avant l'effondrement du bloc soviétique, avant l'accession de la Chine à la 2è place des pays les plus puissants du monde, avant l'accession d'un Noir à la présidence des Etats-Unis etc...Cela ne revient pas à dire que lesdites théories sont obsolètes mais à reconnaître qu'elles sont moins à même d'expliciter notre réal martiniquais et celui du "Tout-Monde" que celles de l'auteur du Discours antillais qui fut tout de même directeur du Courrier de l'Unesco, à Paris, puis professeur d'université aux Etats-Unis. 
  Il y a aussi un aspect plus trivial : Glissant devrait mériter le respect car il est l'un des rarissimes intellectuels (ou considérés comme tels) martiniquais à n'avoir jamais dépendu de l'Etat français. Il n'a jamais été fonctionnaire et a créé une école privée, l'IME, qui a accueilli des générations de jeunes Martiniquais et existe encore aujourd'hui même si son orientation a bien changé. Ce simple fait ne devrait-il pas mériter le respect ? Or, on assiste à quoi ? A ceci : un torrent de critiques envers sa pensée émanant d'intellos-fonctionnaires (actifs ou retraités) dont l'aura ne dépasse pas celles de notre"petit rien ellipsoïdal" (A. Césaire) et qui pourtant se haussent du col, pitoyables paons qui n'impressionnent que nos politiques. Quoique n'ayant jamais distribué un seul tract de leur vie, n'ayant jamais fait du porte-à-porte ni pris la parole à aucun meeting, on les voit surgir ou resurgir à chaque victoire de leur camp (autonomiste ou indépendantiste) et obtenir comme par magie une"tot"(sinécure) offerte par nos politiques de tous bords qui n'aiment que les intellectuels aux ordres. Ces intellos de proximité, arrivistes planqués, leur servent de caution culturelle. D'alibi plutôt.
 De son vivant, E. Glissant, toujours ouvert aux critiques argumentées de son oeuvre et sur celles non fondées sur la seule jalousie, ne s'est jamais préoccupé de ces intellos de proximité (abonnés aux plateaux des télés de proximité) et a continué jusqu'à la toute fin de sa vie à produire une pensée dont la force, la pertinence et l'aspect révolutionnaire (au sens premier du terme) fascine aux quatre coins du monde actuel : du Japon à l'Italie ; des Etats-Unis au Brésil ; de l'Allemagne à l'Egypte etc...Dans toutes les grandes universités du monde (sauf en France !), la pensée de Glissant est enseignée, commentée, critiquée et en tout cas reconnue à sa juste valeur.
 En bonne fille aînée de la France, la Martinique ignore complètement cet immense penseur dont nous aurions dû chercher à nous approprier les concepts en vue d'agir sur notre affligeant réel au lieu de nous embourber soit dans l'anti-Glissantisme primaire dénoncé plus haut soit dans le"woke" (hystérisation scénarisée de l'indignation). Glissant a été quelqu'un d'ouvert, un homme de dialogue et quoique n'étant pas d'accord avec lui sur certaines questions (notamment celles du créole, de l'évolution de la société étasunienne etc.), il a toujours fait montre à mon égard d'une courtoisie et d'un humour qui avaient le don de me renvoyer à mes études, m'enseignant du même coup l'humilité intellectuelle. 
 Honneur et respect pour Glissant et son oeuvre ! Et surtout, lisons ses livres crayon en main avant de raconter n'importe quoi à leur propos...

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