Accueil
Aimé CESAIRE
Frantz FANON
Paulette NARDAL
René MENIL
Edouard GLISSANT
Suzanne CESAIRE
Jean BERNABE
Guy CABORT MASSON
Vincent PLACOLY
Derek WALCOTT
Price MARS
Jacques ROUMAIN
Guy TIROLIEN
Jacques-Stephen ALEXIS
Sonny RUPAIRE
Georges GRATIANT
Marie VIEUX-CHAUVET
Léon-Gontran DAMAS
Firmin ANTENOR
Edouard Jacques MAUNICK
Saint-John PERSE
Maximilien LAROCHE
Aude-Emmanuelle HOAREAU
Georges MAUVOIS
Marcel MANVILLE
Daniel HONORE
Alain ANSELIN
Jacques COURSIL

Etrange pays...Strange country...

Etrange pays...Strange country...

   La Martinique actuelle fait penser à cette célèbre chanson de Billie Holliday, "Stranges fruits" (Etranges fruits) qui dénonçait les pendaisons de Noirs dans le sud des Etats-Unis. Pendaisons aux branches d'arbres aux imposantes frondaisons...

   C'est qu'elle est devenue un Strange country, un pays tout ce qu'il y a de plus étrange.

   En effet, chacun (e) arbore une étiquette, clame une appartenance, bombe le torse pour défendre "ses" idées mais quand on y regarde de plus près, que découvre-t-on ? Des étrangetés ! En si grand nombre qu'on est en droit de se demander si on ne serait pas plongé dans un (mauvais) rêve. Si on ne vivrait pas dans une fake-island, une île fantomatique. Cela donne, en effet, ceci :

 

   . des écologistes dont aucun ne dénonce la publicité capitaliste alors que partout à travers le vaste monde, les Verts sont bille en tête contre cette incitation à la surconsommation laquelle contribue à détruire la planète et qui, en Martinique, ne sert qu'à remplir les poches des Békés. Invasion publicitaire qui d'ailleurs défigure nos communes et gâchent nos beaux paysages de mornes jadis boisés. Or, chez nous, nos écolos sont totalement muets sur la question. Very strange...

 

   . des nationalistes ou indépendantistes pour lesquels la défense de la langue "nationale" à savoir le créole est le cadet des soucis, voire même pas un souci du tout alors que partout dans le monde, les mouvements nationalistes en font l'un des piliers de leurs revendications. C'est le cas du Québec où la Loi 101 interdit l'affichage en anglais dans les rues, de la Corse où il y a un conseiller exécutif en charge de la langue corse, de Tahiti où un non-tahitianophone ne peut enseigner à l'école primaire, de la Catalogne où l'on va jusqu'à des extrémités comme subventionner des films X en catalan etc...En Martinique, les nationalo-indépendantistes n'en ont rien à fiche du créole. Strange country...

 

  . des autonomistes qui, depuis 1958, n'ont jamais présenté un seul programme concret d'accession à l'autonomie et qui depuis 1981__il y a donc exactement 40 ans !__ont décrété un "moratoire" c'est-à-dire une pause dans leur revendication. Pause qui s'éternise, qui n'a jamais été levée et qui a tout l'air d'un arrêt définitif. Pire : en 2010, lors de la consultation sur l'Article 74 qui aurait permis à la Martinique d'accéder comme St-Barth à un tout petit début de commencement d'autonomie, ils ont appelé à voter "NON" sous le boisseau, anbafey comme on dit chez nous. "Plus pire" : le mot "autonomie" a été totalement banni de leurs écrits et discours et on ne l'entendra pas dans la bouche des candidats aux élections territoriales de la fin de ce mois. Pour le moins strange...

 

   . des assimilationnistes ou partisans du maintien de la Martinique dans la France (et l'Europe) qui ont désormais honte d'afficher leurs convictions, il est vrai grotesques pour certaines d'entre elles ("Nos ancêtres, les Gaulois") et qui sont bien obligés de constater l'impasse dans laquelle nous a conduits la Loi de Départementalisation/Assimilation de 1946. Alors, au prix de contorsions langagières, certains arborent désormais un langage vaguement "de gauche" sur certaines questions ou alors, pour les plus habiles ou retors, se présentent comme étant "ni droite ni gauche". En réalité, nos assimilationnistes n'ont d'autre programme que la défense du statu quo tout en le sachant...indéfendable sur tous les points, sauf sur les 40% des fonctionnaires et l'aide sociale aux "malheureux" qui permettent vicieusement de faire tourner l'économie de comptoir là encore favorable aux Békés. Strange attitude...

 

   . des journalistes qui, par fainéantise, complaisance ou incompétence, avalent et retransmettent ou retranscrivent tout ce que les politiques leur racontent sans jamais chercher à mettre ces derniers face à leurs contradictions. Tel interviewera S. Letchimy, par exemple, et quand ce dernier lui annoncera bravement qu'en cas de victoire aux prochaines territoriales, il fera en sorte qu'il y ait un membre de l'opposition dans le conseil exécutif et deux membres de cette dernière nommés à la tête de commissions, notre journaliste ne lui demandera pas comment il a pu passer de l'anti-démocratie d'avant 2015 à l'ultra-démocratie de 2021. Anti-démocratie car c'est le PPM qui avait voulu la scandaleuse prime de 11 sièges à la liste gagnante, persuadé de remporter les élections ; ultra-démocratie aujourd'hui car normalement un conseil exécutif est une sorte de mini-gouvernement et ne comporte pas d'opposant contrairement à une commission exécutive (comme c'est le cas en Guyane). Ceci n'est qu'un exemple parmi cent de l'attitude de nos journalistes face aux politiques. Péyi-zonbi...

 

   . des Békés qui veulent la "réconciliation" mais sans la "vérité" tout en se réclamant pourtant de l'exemple de l'Afrique du Sud et de Mandela mais qui crient au racisme quand des activistes s'en prennent à eux ou à leurs biens. Quoiqu'ils furent les premiers à avoir les moyens de voyager à travers la Caraïbe, ils n'ont toujours pas vu que leurs cousins barbadiens (5% de la population), trinidadiens (2%), jamaïcains (3%) sont tranquilles et que personne n'y braille dans les rues "Bétjé déwò !". Personne n'y bloque leurs supermarchés ni ne brûle des poubelles à l'entrée de leurs résidences. Parmi les 1% de la population martiniquaise que représente les Békés, il n'y en a apparemment pas un qui a compris que seule l'indépendance leur permettra de se faire oublier comme c'est le cas de leurs cousins caribéens. Strange people...

 

   . des panafricanistes ou "noiristes" qui manifestent, déboulonnent, dénoncent etc. mais qui loin de nous dire qu'elle est leur vision concrète d'une Martinique débarrassée comme ils le souhaitent des "Blancs" et des Békés, une Martinique indépendante pour parler clair, nous gonflent avec Toutankhamon, Haïlé Sélassié ou Marcus Garvey et un culte des ancêtres dérisoire. Par vision concrète, ce serait, par exemple, les 60.000 tonnes de pétrole qu'importe la Martinique chaque année pour faire fonctionner l'usine d'électricité de Bellefontaine et faire rouler le parc automobile. Pourquoi nos panafricanistes ne prennent-ils pas l'attache des pays pétroliers africains (Nigeria, Gabon, Angola etc.) pour voir s'ils pourraient nous fournir ce tonnage gratuitement pendant les dix premières années de notre indépendance ? Rien que pour le Nigeria, 60.000 tonnes de pétrole représentent 0,00001% de sa production annuelle. Autrement dit rien ! En tout cas, ce ne sont ni Haïlé Sélassié ni Garvey qui nous fourniront du pétrole le moment venu ! Strange country...

 

   . des intellectuels (ou en tout cas considérés comme tel de la Table du Diable aux falaises de Grand-Rivière) qui sont planqués, qui ne se mêlent de rien, se contentant de publier de temps à autre une tribune dans "France-Antilles" que le lecteur moyen de ce journal ne lira même pas. Affichant leur mépris pour les élections, jamais on ne les verra distribuer des tracts, prendre la parole dans des meetings, faire du porte-à-porte ou tenir un bureau de vote. C'est trop indigne d'eux ! Eux qui, s'ils avaient le courage de se regarder en face verraient qu'ils ne constituent en fait qu'une lumpen-intelligentsia. Sauf qu'au lendemain des élections, compères Lapins dans l'âme, on les verra accourir auprès des vainqueurs pour solliciter un poste, une "tot" ou une prébende quelconque, chose qui leur est généralement attribuée, les politiques ayant toujours besoin de faire croire que la culture est importante à leurs yeux. Very strange...

 

   . un peuple (une population ?) qui face à la démagogie et à l'incurie de tous ceux qui ont été précédemment nommés n'a d'autre choix que le compère-lapinisme, comportement dégradant s'il en est. Et surtout infantile puisqu'il consiste à vouloir le beurre, l'argent du beurre et l'arrière-train de la fermière en plus. Exemple : je veux que Miss Martinique devienne Miss France ou que tel footeux martiniquais ou d'origine martiniquaise soit sélectionné chez les Bleus, mais je peste à longueur de journée contre le (supposé) trop grand nombre de Blancs en Martinique.

 

   Martinique, strange country. Vraiment !...

Commentaires

Frédéric C. | 07/06/2021 - 14:29 :
Effectivement, il y a là bien des choses étranges. Mais le monde politique et ses partis ne sont généralement pas à un paradoxe près, et ce dans tous les pays. Pour la Martinique le plus connu est peut-être le fait historique que ce sont les politiques qui les premiers mirent en avant l'identité Mquaise, qui réclamèrent avec le plus de force l'assimilation institutionnelle à un département. Il y avait conscience identitaire (cf Césaire, Ménil...) mais, pour aller vite, pas de conscience nationale. Le paradoxe est pourtant explicable... Mais pour 2021, c'est vrai que parfois ça semble brumeux voire irréel. Pour autant, tout ce qui est indiqué dans l'article est-il exact? Ne doit-on pas nuancer, voire réfuter certaines affirmations ? Pourquoi généraliser par exemple concernant les écologistes ? Ils ne correspondent pas tous à la description qui en est donnée. Concernant les nationalistes et les patriotes (ce qui n'est pas la même chose), même constat. Par exemple le PKLS dans chaque parution consacre au moins une page à la mise en valeur du créole. D'accord, c'est un journal au lectorat plutôt étroit, mais ce travail est fait. Certes, le MIM et le CNCP (entre autres) d'aujourd'hui ne sont plus autant investis sur ce plan qu'il y a 35ans. Il semble que le patriotisme linguistique se soit très émoussé chez certains politiques, mais ce champ a été investi par les groupes de bèlè, dont les dirigeants les plus connus sont des patriotes culturels. Concernant les "intellectuels", c'est vrai que très peu sont en première ligne dans les luttes anticolonialistes, en tout cas beaucoup moins qu'à une époque. Mais il y en a, même s'ils ne sont plus très jeunes... En revanche, quand l'auteur de l'article écrit qu'aucun parti n'a jamais fait de proposition concrètes pour l'autonomie, c'est faux. Le PCM a fait des propositions d'évolution statutaire dès 1960: autonomie politique (et à l'époque il fallait du courage). Les conventions du Morne-Rouge (1971) et de Ste-Anne/Gpe (1976) entre les organisations autonomistes des 4 "DOM" affinèrent ces propositions. Dedans, il y avait le PCM et le PPM (qui ne sont plus ce qu'ils étaient, notamment le 2ème, qualitativement). Le PCM sortit en 1978 une brochure de plus de 100 pages exposant le projet d'autonomie POLITIQUE (par opposition à l'autonomie administrative de la Commune de Forbach-et-Metz-contrepétés, le Département des Marais-de-la-Pouêcre ou... la CTM de Plateau-Roy, qui n'est que la fusion des CG et CR d'avant 2015: art 73!). Dans cette brochure étaient exposées les modalités possibles, aux yeux du PCM, d'accession à cette autonomie politique, çad de création d'un État autonome Martiniquais. On peut aujourd'hui juger ces propositions "utopiques", mais elles ont existé. De même, plus tardivement, le GRS fit des propositions lors du débat de 2010 (il avait d'ailleurs publié une brochure spéciale à l'époque). Bien sûr, depuis le PPM s'est hypermoratoirisé, et le PCM "gère" la CTM avec le MIM, le CNCP-APAL (ne pas confondre avec le CNCP-Jikanbout, bp plus fidèle au CNCP des débuts), le PALIMA... Mais il est contraire à la vérité de dire qu'aucune proposition concrète d'autonomie n'a jamais été fait. Moun pé rahi chien mè fòk sa du dan'i blan.
Seydou Konate | 07/06/2021 - 18:28 :
Assez bien vu dans l'ensemble !!
Seydou Konate | 07/06/2021 - 18:30 :
.
tiburce | 07/06/2021 - 20:40 :
D'aucuns ironisent, disant qu'il est rare de voir un préfet se déplacer en personne pour un feu de poubelles. Je n'en sais rien, mais il est vrai que dans l'Hexagone, les incendies de poubelles et de voitures sont habituels, et d'une autre ampleur. De surcroît, les policiers et les pompiers qui interviennent se font caillasser. Dans ce cadre élargi, l'incendie d'un local à poubelles au Cap-Est, à l'écart des habitations, est proche du non-événement, et c'est tant mieux. Dans l'Hexagone, les manifestations dans les supermarchés ne sont pas rares non plus. Est-ce que ces faits divers sont susceptibles d'entraîner l'indépendance de l'île ? C'est douteux. Quant à faire comprendre aux Békés l'intérêt d'un changement institutionnel ? Il faut rappeler que, sur le temps long, les Békés ont été le plus souvent autonomistes, et assez peu sensibles à l'Etat de tutelle. Ce ne sont pas eux qui ont porté le projet de départementalisation, mais les communistes. Il s'y sont adaptés.

Connexion utilisateur

CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain afin d'éviter les soumissions automatisées spam.

Pages