Accueil
Aimé CESAIRE
Frantz FANON
Paulette NARDAL
René MENIL
Edouard GLISSANT
Suzanne CESAIRE
Jean BERNABE
Guy CABORT MASSON
Vincent PLACOLY
Derek WALCOTT
Price MARS
Jacques ROUMAIN
Guy TIROLIEN
Jacques-Stephen ALEXIS
Sonny RUPAIRE
Georges GRATIANT
Marie VIEUX-CHAUVET
Léon-Gontran DAMAS
Firmin ANTENOR
Edouard Jacques MAUNICK
Saint-John PERSE
Maximilien LAROCHE
Aude-Emmanuelle HOAREAU
Georges MAUVOIS
Marcel MANVILLE
Daniel HONORE
Alain ANSELIN
Jacques COURSIL

François Falc’hun et la généalogie de la langue bretonne

François Falc’hun et la généalogie de la langue bretonne

Les racines du breton ne posent à première vue aucune difficulté. En effet, chacun sait que les origines de cette langue sont celtes. Mais en fait c’est à ce moment-là que les choses commencent à se compliquer car si l’époque contemporaine identifie volontiers cet espace aux îles britanniques, la réalité antique est toute autre.

 

  En effet, la géographie des peuplements celtes est autrement plus étendue, s’aventurant jusqu’à la mer adriatique voire même jusqu’à la Galatie, région située au centre de l’actuelle Turquie.  Dès lors, la question des origines prend toute son importance, surtout lorsqu’elle est abordée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par un ecclésiastique aussi érudit que franc-tireur, le chanoine François Falc’hun.

Né le 20 avril 1909 dans une famille de paysans finistériens, le jeune François Falc’hun effectue de belles études malgré une extraction sociale relativement modeste. A en croire l’homélie que prononce son frère Jean lors de ses obsèques, c’est d’ailleurs en classe, d’abord à Plabennec, sur les bancs de l’école primaire puis à Lesneven, au collège, que le jeune garçon prend conscience de sa double vocation : la prêtrise et la langue bretonne1. S’en suit un double cursus qui le conduit à être ordonné prêtre en juin 1933, après un passage au Grand séminaire de Quimper, puis à préparer à la Sorbonne une thèse de doctorat sur l’atlas linguistique de la Basse-Bretagne. Nommé en 1945 à l’Université de Rennes, il part ensuite à Brest, dès la création de la faculté, où il occupe la chaire de celtique jusqu’à son départ en retraite, en 1978.

Là, le chanoine François Falc’hun développe une pensée à rebours des grilles de lecture alors en vigueur. Tant l’historien Arthur Le Moyne de La Borderie que le professeur de celtique Joseph Loth pensent le breton comme une langue importée dans la péninsule armoricaine par des envahisseurs provenant des îles britanniques. En témoigneraient un certain nombre de racines communes avec le gallois et le cornique. Soulignons du reste la grande cohérence intellectuelle de Joseph Loth dont la thèse, publiée en 1883, affirme que les Bretons ne descendent pas des Gaulois mais de l’actuelle Grande-Bretagne, qu’ils fuient entre le Ve et le VIIe siècle du fait des invasions saxonnes.

L’analyse linguistique développée par François Falc’hun aboutit toutefois à des résultats radicalement différents quant aux origines de la langue bretonne, même si l’ecclésiastique ne nie pas l’importance de la filiation britannique. Pour ce faire, il se base notamment sur le système consonantique, a recours à la phonologie, discipline alors émergeante, et bases ses conclusions sur une étude systématique de la toponymie. A en croire le chanoine, en effet, le breton est « un mélange de gaulois armoricain et de brittonique insulaire au pourcentage variable suivant les régions »2. En d’autres termes, non seulement la langue varie selon les régions de la péninsule armoricaine mais celle-ci est surtout influencée par l’Est, ce qui signifie que le breton serait une sorte de continuation du gaulois.

Carte postale. Collection particulière.

Aujourd’hui, cette interprétation n’a plus totalement cours et les connaissances ont été affinées, précisées. C’est Léon Fleuriot qui, en particulier, effectue la synthèse en érigeant la langue bretonne en symbiose d’apports provenant des îles britanniques et du monde gaulois3. Mais l’analyse du chanoine Falc’hun n’en demeure pas moins toujours d’un grand intérêt pour les historiens. En effet, il importe de re-contextualiser la pensée de cet éminemment intellectuel qui soutient sa thèse au début des années 1950 à Rennes, c’est-à-dire à une époque où le mouvement breton est complètement invisible, embourbé dans le souvenir des sombres années Breiz Atao. En effet, et c’est une idée particulièrement stimulante suggérée par le linguiste François Favereau, il semble difficile de ne pas voir dans l’histoire de la langue bretonne proposée par François Falc’hun une certaine forme de réplique au séisme que constitue, pour l’emsav, la Seconde Guerre mondiale4.

Erwan LE GALL

1 Archives diocésaines de Quimper : extraits de l’homélie de M. l’abbé Jean Falc’hun, aux obsèques de son frère, en l’église de Bourg-Blanc, 15 janvier 1991.

2 FALC’HUN, François, Les origines de la langue bretonne, Rennes, Centre régional de documentation pédagogique, 19977, p. 24, cité in GOYAT, Gilles, « Un cas atypique : François Falc’hun (1909-1991), le linguiste de la Mission de folklore musical en Basse-Bretagne de 1939 », Port Acadie, n°24-25-26, automne 2013 / printemps-automne 2014, p. 203-212.

3 BROUDIC, Fañch et FAVEREAU, Francis, « Langue », in CROIX, Alain et VEILLARD, Jean-Yves, Dictionnaire du patrimoine breton, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2013, p. 562.

4 FAVEREAU, Francis, « L’évolution du discours sur la langue bretonne au XXe siècle », inSHUWER, Martine (dir.), Parole et pouvoir. Le pouvoir en toutes lettres, Rennes, presses universitaires de Rennes, 2003, p. 19-35.

 

Connexion utilisateur

CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain afin d'éviter les soumissions automatisées spam.

Pages