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Jacques Galvani, Club du XXIe siècle : “Emmanuel Macron a raté les questions de la diversité”

Jacques Galvani, Club du XXIe siècle : “Emmanuel Macron a raté les questions de la diversité”

L’enfant doué mais paumé des quartiers pauvres, l’immigré talentueux mais désargenté et sous-informé, et plus généralement nombre de ceux qui n’ont pas la bonne couleur de peau, ont de grandes chances de rester à l’orée de la société française - au moins bloqués à un certain niveau. Des réalités provoquées par la frilosité des élites de ce pays brouillé avec la diversité. Tel est donc le credo de Jacques Galvani, président du Club du XXIe siècle qui travaille avec ses troupes – nombre d’associations – pour faire évoluer les mentalités certes, mais surtout donner les bonnes clés, les codes et autres facilités de réseaux à ceux qui n’y ont pas accès. Le vécu du jeune Guadeloupéen contraint de venir à Paris à 14 ans pour devenir ingénieur lui facilite la compréhension de ce phénomène qu’il considère comme “le retard des élites françaises” et un gâchis formidable, lorsque l’on voit la qualité des immigrés asiatiques dans les grandes universités scientifiques de la Silicon Valley. Aussi propose-t-il très tôt un dispositif de repérage de ces talents afin de les aider à mieux s’exprimer.

Propos recueillis par Patrick Arnoux

Le club du XXIe siècle compte 300 membres actifs et a à peu près 600 personnes y sont passées à un moment ou un autre. Mais notre club a autour de lui un certain nombre d’associations qu’il a contribué à créer ou qui sont dans son orbite, souvent beaucoup plus importantes que lui, comme Les Entretiens de l’Excellence, dont plusieurs centaines de membres contribuent à aider et orienter plusieurs milliers de jeunes par an. L’Association française des managers de la diversité rassemble plusieurs centaines des dirigeants d’entreprises, des directeurs d’universités ou de grands groupes.

Notre club rassemble des responsables d’entreprises, politiques et associatifs. Dont une quinzaine de patrons d’associations importantes travaillant sur les mêmes domaines que nous : cohésion sociale, diversité, égalités de chance. Ils voient le club comme un lieu de fédération. Ce qui fait de nous la pointe avancée, le porte-parole d’une communauté plus large.

Un lobby entreprenant

Notre objectif est clair : peser sur les décisions pour la transformation politique et sociale. Donc sur le monde économique. Nous croyons beaucoup à l’action par le monde économique pour la bonne raison que 80 % de nos membres sont issus du secteur économique (chefs d’entreprise, cadres dirigeants d’entreprises), mais on a aussi des institutionnels et politiques.

D’ailleurs, il faut que nous soyons davantage présents dans le monde politique. Nous avons quelques élus et nous faisons entrer un certain nombre de députés. Notre club a une image plutôt politique grâce à quelques membres très connus, comme notre ex-présidente Fleur Pellerin ou d’anciens membres comme Rachida Dati, mais en fait c’est une minorité.

“Notre objectif est clair : peser sur les décisions pour la transformation politique et sociale. Donc sur le monde économique”

En revanche, notre objectif est bien politique, au sens large. Nous ne sommes pas partisans et travaillons avec tous les partis républicains. Libéral de gauche, je suis en phase avec les orientations du gouvernement actuel, mais au club, il y a des gens ayant des sensibilités différentes. D’ailleurs, ce club a été créé par des gens de droite, comme Hakim El Karaoui, conseiller du gouvernement Raffarin, et des gens proches de RPR puis de l’UMP, puis ont suivi des présidents de gauche comme Fleur Pellerin.

La France en retard sur la diversité

Sur le sujet de la diversité, la France a beaucoup de progrès à faire. Nous sommes dans une société diversifiée. La France, du fait de son histoire, de sa géographie et de nombreux brassages, connaît la diversité depuis longtemps. La politique d’expansion territoriale extra-européenne en a fait l’un des rares pays ayant une présence sur les cinq continents. Historiquement de très longue date, il y a eu des responsables politiques ultramarins de couleur. Dès la Révolution, il y a eu des députés noirs à l’assemblée. Sans oublier Gaston Monnerville, président du Sénat.

“La société française est une société remarquablement diversifiée, dans laquelle le mode de fonctionnement est différent des sociétés anglo-saxonnes où les communautés vivent les unes à côté des autres”

La société française est une société remarquablement diversifiée, dans laquelle le mode de fonctionnement est différent des sociétés anglo-saxonnes où les communautés vivent les unes à côté des autres. En France, il y a un vrai mélange avec un taux important d’intégration des immigrés, quelle que soit l’origine – intra-européenne ou extra-européenne. À partir de la deuxième génération, les gens font des mariages “intercommunautaires”, c’est une caractéristique forte du pays.

Le système assimilationniste français

En revanche, dans son fonctionnement au niveau des élites, que ce soit dans les entreprises, les administrations ou la politique, cette diversité ne percole pas. Elle rentre dans l’entreprise jusqu’à un certain niveau, ainsi que dans le sport ou les domaines artistiques. En revanche, on ne les retrouve pas dans le monde politique ni dans la direction des entreprises.

J’y vois deux raisons, une bonne et une mauvaise. La mauvaise, la plus évidente, est liée à une sorte de conformisme, avec une peur de ce qui peut être perçu comme un risque. L’élite est moins avancée que le peuple sur ces sujets. Car les gens s’en foutent en fait, ce qu’ils veulent c’est des personnes compétentes. Mais avec une certaine révérence pour les diplômes : les gens se disent que si la personne a les diplômes, alors elle est compétente.

“Au niveau des élitescette diversité ne percole pas. On ne les retrouve pas dans le monde politique ni dans la direction des entreprises”

La bonne raison, beaucoup plus difficile, tient à un système de sélection des élites en France qui est assimilationniste – contrairement aux pays anglo-saxons. Un Anglais part du principe que vous ne pourrez jamais être anglais comme lui. Il se fiche que vous soyez d’origine africaine, française, indienne : vous ne pouvez pas être anglais mais il veut faire du business avec vous, vous mettre à son conseil d’administration, car c’est bon pour ses affaires. En revanche, il ne vous demande pas de parler aussi bien anglais que lui, ni d’aller à Oxford, et vous ne serez pas accepté dans son club.

En France, tout le monde peut devenir français, un Indien, un Noir, une jeune Africaine, un Antillais. Mais pour y parvenir, il faut passer un certain nombre d’étapes : l’école républicaine, apprendre un français parfait et perdre son accent, passer tous les concours imaginables, apprendre tous les codes de comportement de la bourgeoisie française. Au bout de cette succession d’exigences… il n’y a plus personne, car passer toutes ces étapes demande tellement d’efforts, d’assimilation, de capacité d’adaptation, de travail, que même beaucoup de Français n’y arrivent pas. Comme ces jeunes de province ayant un accent à couper au couteau qui se font éliminer. Cet écrémage des élites est encore plus difficile pour des gens d’origine étrangère…

La massification de l’école

Le système a fonctionné jusqu’au milieu du XXe siècle mais depuis quelques années, deux facteurs aggravants l’ont grippé. Le premier : l’école républicaine est devenue une école de masse. Auparavant, l’écrémage se faisait après le certificat d’études, et il y avait beaucoup moins de monde dans l’enseignement secondaire. Les professeurs repéraient donc facilement les très bons éléments des classes populaires. Aujourd’hui, avec la masse d’élèves dans le secondaire, ils n’ont plus la capacité ni le temps. Et cela pénalise toutes les classes populaires, en particulier les familles immigrées.

“Auparavant, les professeurs repéraient donc facilement les très bons éléments des classes populaires. Aujourd’hui, avec la masse d’élèves dans le secondaire, ils n’ont plus la capacité ni le temps”

Deuxième facteur aggravant, les classes supérieures investissent beaucoup plus dans l’enseignement qu’il y a deux ou trois générations. Dans les années 60, l’acceptabilité sociale de l’absence de diplômes pour des gens venant des classes supérieures était beaucoup plus forte. Maintenant, même les gens très fortunés ont envie que leurs enfants fassent Polytechnique. Ces enfants sont entraînés, coachés et préparés depuis l’enfance avec un investissement financier personnel des parents absolument incroyable.

Du coup, il reste moins de place pour les jeunes des classes populaires. Voilà pourquoi, alors que l’enseignement s’est fortement démocratisé, le pourcentage de jeunes issus des classes populaires dans les grandes écoles n’a cessé de baisser.

L’ascenseur social bloqué

Le fossé avec ces jeunes ne bénéficiant pas de cet environnement familial est énorme. D’où les actions que le Club mène concrètement. Il faut en effet des systèmes de compensation très importants pour que des jeunes qui ne sont pas issus des classes favorisées, quelle que soit leur origine ethnique ou géographique, puissent faire parler leurs talents.

Quand nous vivions aux Antilles, j’étais scolarisé au collège Carnot à Point-à-Pitre. Aucun élève des collèges de Guadeloupe ne faisait alors d’études d’ingénieurs ou des grandes écoles de commerce. Pour une raison simple : il n’y avait pas de classes prépas. J’avais quelques années d’avance et à 13 ans, j’ai dit à mes parents : “Je veux être ingénieur, il faut donc que je parte à Paris, au lycée, car je ne pourrai jamais l’être si je reste ici”.

“Inspirer une orientation”

Les initiatives visant à ramener le niveau d’information au même niveau pour tout le monde sont extraordinaires. Par exemple, une des associations proches, Article 1, a mis en place un site internet “inspireruneorientation.org”. Il s’agit d’un moteur de recherche intelligent permettant à un jeune qui saisit ses notes, les choses qu’il aime faire, le métier auquel il aspire, de se situer un ranking établi à partir d’une base de données de tous les lycées de France, pour lui donner les filières auxquelles il peut postuler compte tenu de ses aspirations, de son niveau et de ses notes. Un outil de démocratisation formidable de l’orientation que l’Onisep n’arrive pas réellement à réaliser. Pour l’association Les Entretiens de l’Excellence, des professionnels vont expliquer à des étudiants, souvent dans les quartiers défavorisés, comment on peut faire des filières d’excellence.

Parcours exceptionnels exemplaires

Aujourd’hui, les parcours exceptionnels restent anecdotiques. On pense surtout aux différences visibles.

Certes, il y a une nouvelle génération de députés plus variés, davantage de jeunes et de femmes. L’une d’entre elles disait “je suis blanche certes, mais je suis serbe, je viens de l’immigration et cela a été extrêmement compliqué de sortir de mon milieu social”. Elle est passée par la filière spéciale de Sciences Po, elle a ensuite été repérée par le club BBR qui lui a permis de faire un an de stage aux États-Unis, elle y a rencontré son mari, elle est revenue, ensuite elle a démarré une carrière politique et maintenant elle est députée.

“Plus on peut trouver tôt un potentiel, plus c’est simple. Si vous repérez quelqu’un qui a du potentiel au collège et que vous lui donnez la vision, l’idée, vous mettez la petite graine, c’est plus facile”

Nous mettons en valeur ce type de parcours pour en démontrer l’exemplarité. Cela permet à des jeunes de se projeter et de trouver le courage et l’énergie de sortir d’un destin tout tracé.

Plus on peut trouver tôt un potentiel, plus c’est simple. Si vous repérez quelqu’un qui a du potentiel au collège et que vous lui donnez la vision, l’idée, vous mettez la petite graine, c’est plus facile.

Les actions de coachings du club

Nous déployons plusieurs actions de coaching au sein du club. L’une est destinée aux jeunes professionnelles à qui l’on apporte des aides de l’ordre du comportemental : nous faisons par exemple découvrir les indispensables codes sociaux à une jeune femme très diplômée venant d’un milieu très modeste, de quartiers difficiles.

Nous menons également avec HEC des actions plus spécifiques pour les femmes venant des banlieues, sous la forme d’un coaching de jeunes entrepreneuses, n’ayant pas forcément un projet de création d’entreprises. Nous sélectionnons celles qui ont des projets à potentiel, les meilleurs d’entre elles étant admises dans l’incubateur de Station F, avec HEC.

Un troisième coaching “French et Diversité” est mené avec FrenchTech pour les hommes et les femmes et les entreprises de la tech : une vingtaine de membres du club coachent des jeunes, issus de la diversité. Afin d’expliquer, à ces jeunes créateurs d’entreprises venant de milieu où ils n’ont pas appris ces codes-là, par exemple, comment on speeche devant des investisseurs, en leur apportant une expertise de chefs d’entreprise ou d’investisseurs.

Le communautarisme agressif

Nous avons rédigé un manifeste paru il y a un mois dans lequel nous expliquons clairement que nous redoutons et refusons les réunions et autres séminaires réservés aux seuls Noirs, comme on l’a vu récemment. Nous sommes opposés à tout communautarisme agressif, d’ailleurs notre club rassemble des gens d’absolument toutes les couleurs, y compris des Blancs, dont il y a un grand nombre au club. La diversité concerne tout le monde. D’ailleurs, ce terme a été beaucoup galvaudé et recouvre des choses très variées, des questions ethniques, d’origines géographiques, de handicap, de genre.

“Nous expliquons clairement que nous redoutons et refusons les réunions et autres séminaires réservés aux seuls Noirs, comme on l’a vu récemment. Nous sommes opposés à tout communautarisme agressif”

Malheureusement dans l’esprit des gens, la diversité, c’est toujours l’autre et jamais soi, alors que la question concerne tout le monde. Nous mettons donc plutôt l’accent sur l’égalité des chances, nous nous battons pour que des opportunités comparables soient données à tous. La pluralité c’est tout le monde, y compris moi. On se doit d’être dans une société qui accepte les différences individuelles. D’origines car vos parents viennent d’un autre pays, vous avez été élevé dans un département d’outre-mer, vous venez d’une petite ville de province par rapport à un modèle français encore très centré sur la capitale.

L’aide du réseau

Nos Quartiers ont du Talents, une autre association dans l’orbite du club, s’intéresse à des jeunes de banlieue qui ont le niveau bac 3 ou bac 5, mais n’arrivent pas à trouver de boulot. Quand vous venez d’un milieu défavorisé, que vous avez fait des études sans l’aide de votre environnement familial, que vous avez résisté à la tentation de dealer du shit, puis qu’avec vos diplômes, il vous est impossible de trouver un boulot car vous ne venez pas du bon quartier, vous n’avez pas le bon nom, la bonne couleur, c’est désastreux. L’amertume est terrible, y compris pour l’entourage.

Les membres de cette association font coacher ces jeunes professionnels par des directeurs ou cadres d’entreprise au niveau comité de direction, président de boîte. Ces derniers leur ouvrent leurs réseaux, et les meilleurs coaches trouvent des jobs en quelques semaines, avec un taux d’insertion de plus de 70 %.

Le CV anonyme

Je suis contre le CV anonyme car le sujet n’est pas que les gens dissimulent leurs différences, mais bien plutôt que la société les accepte. Donc dissimuler cette différence pour que la société l’accepte est une erreur. De toute façon, si j’anonymise mon CV, au premier entretien on verra bien que je suis noir, donc je ne vois pas très bien l’intérêt. Il faut plutôt coacher les recruteurs pour qu’ils acceptent la différence. Mieux vaut aider les DRH à surmonter leurs préjugés. Un CV anonyme est un pis-aller. Ce n’est pas une solution mais un faux nez.

“Je suis contre le CV anonyme car le sujet n’est pas que les gens dissimulent leurs différences, mais bien plutôt que la société les accepte”

Autre point important, ce n’est pas parce que vous êtes issus d’une minorité ethnique ou sociale que vous ne discriminez pas. Des recherches académiques aux États-Unis notamment ont montré qu’une fois qu’ils sont dans un job avec des responsabilités, les gens issus d’une minorité discriminent autant les minorités que les autres.

Contre les préjugés, l’effet de levier

Je crois beaucoup à l’effet de levier pour contrer ces mentalités et préjugés. C’est la seule chose sur laquelle je suis d’accord avec Lénine : un petit groupe de gens bien organisés peut avoir beaucoup d’effet dans une société – comme on l’a vu en politique récemment.

Donc le nombre n’est pas le problème. Nous allons augmenter la taille du club, mais son essence assumée est d’être élitiste. Notre club a deux rôles. Il est là pour montrer à la société dans son ensemble l’efficacité d’un élitisme républicain, montrer qu’il y a des gens qui ne sont pas là où on les attendrait. Noirs, arabes, d’origine asiatique, immigrés, ils ont fait des parcours d’excellence dans différents domaines. Vous trouverez chez nous des gens aux parcours incroyables, comme ce membre du bureau, arrivé comme boat people, aujourd’hui chef d’entreprise. Son frère, arrivé dans le même bateau, est devenu le patron Asie de McKinsey.

“un petit groupe de gens bien organisés peut avoir beaucoup d’effet dans une société – comme on l’a vu en politique récemment”

En France, une fois qu’on a fait ce type de parcours et qu’on vient d’ailleurs, on se fond de la masse et on n’ose pas affirmer sa différence. La culture ambiante impose en effet un modèle tellement normatif que l’on recherche avant tout à s’intégrer. Vous n’avez pas envie de mettre en avant vos différences et vous avez envie d’être reconnu pour autre chose, pour ce que vous avez fait, votre compétence. ‘Libération’ m’avait interrogé il y a quelques années. Je leur avais répondu que je n’avais pas envie qu’on m’interroge parce que je suis noir mais pour ce que je fais. Depuis, j’ai évolué car en fait, il y a besoin d’exemples. Si les jeunes ne voient pas l’évolution de quelqu’un comme moi, ils se disent que ce n’est pas possible.

Cette exemplarité a un effet très puissant, c’est le premier rôle du club. Le deuxième, c’est d’être efficace dans l’action politique et d’influence, et pour ça, on doit pouvoir parler d’égal à égal avec la structure politique.

Des actions sur le terrain

Avec Édouard Philippe, nous appartenons à la même promo de l’ENA. Il m’écoute peut-être plus facilement qu’un autre dirigeant qui ne sera pas moins intelligent que moi, mais cet effet de légitimation est important pour faire avancer nos idées. Le club sert à cela, et il y a deux choses que nous demandons à nos membres : être sur le terrain et y faire des actions. On anime un réseau d’associations qui elles, ont des actions massives. L’association Les Entretiens de l’Excellence touchent par exemple des dizaines de milliers de jeunes chaque année.

L’échec d’Emmanuel Macron

L’une des premières choses qui n’a pas été réussie par Emmanuel Macron, même au niveau symbolique – alors que c’est l’un de ses points forts –, ce sont les questions de la diversité. Alors qu’il y a eu un vrai changement à l’Assemblée nationale, on ne l’a pas vu dans le gouvernement ni dans les cabinets ministériels, et on n’a pas vraiment l’impression que cela soit une préoccupation du gouvernement. Dommage, alors qu’Emmanuel Macron peut susciter un réel espoir de ce point de vue, et ce bien au-delà des banlieues, pour la diversité intra-européenne.

“L’une des premières choses qui n’a pas été réussie par Emmanuel Macron, même au niveau symbolique – alors que c’est l’un de ses points forts –, ce sont les questions de la diversité”

Des choses devraient être dites et montrées, qui feraient qu’on se dirait que nous avons un gouvernement qui se rend compte que la France est dans un monde ouvert et que cette ouverture n’est pas qu’à l’étranger. Des nominations auraient été un signal fort, comme celui déjà réalisé pour les femmes. Il faut juste se dire au moment de prendre la décision : “dans la liste des quatre personnes que je nomme là, pourquoi n’y a-t-il que des hommes blancs ayant le même cursus ?” Il ne s’agit pas de quota. Mais cela signifie qu’il n’est plus possible d’avoir des manifestations publiques où la diversité réelle du pays n’apparaît pas.

Les médias en retard

Les médias sont très loin de la reconnaissance de cette diversité. Il y a un travail de fond à faire. Dans les rédactions, il n’y a pas de diversité sociale ou ethnique, alors que si elles faisaient un effort de ce point de vue, cela attirerait des jeunes d’une certaine diversité d’origine. J’ai travaillé dans le milieu de la communication et des médias au début de ma carrière. Quand j’étais dans le groupe Lagardère, j’étais le seul Noir au comité de direction, et dans le groupe, nous étions deux. J’ai revu ce jeune d’origine africaine qui m’a avoué que quand j’ai été nommé au comité de direction, il avait entendu des trucs incroyables. Quelqu’un lui a dit : “Je ne savais pas qu’il pouvait y avoir des énarques noirs”.

“Les médias sont très loin de la reconnaissance de cette diversité. Dans les rédactions, il n’y a pas de diversité sociale ou ethnique”

Ensuite, le manque de diversité sociale m’avait beaucoup frappé à Publicis. L’une des causes tient au fait les métiers médiatiques et de communication paient très mal les jeunes mais en attirent beaucoup. Résultat, pour accepter de ne pas être payé, il faut accepter de perdre de l’argent. Et habiter Paris et pouvoir être mal rémunéré signifie que vos parents vous ont payé votre appartement. Cela sélectionne les candidats. Il n’y a même plus besoin de l’obstacle du conformisme, qui est pourtant bien réel. Par élimination économique, il n’y a pas de pauvres dans les médias.

Les milieux techniques et d’ingénieries sont plus accueillants : les milieux scientifiques, les geeks, les matheux se foutent de votre couleur de peau, ils sont davantage sensibles à la qualité de votre cerveau. Il y a moins de vernis social donc c’est plus facile. Mais ces filières sont très sélectives et difficiles. On ne peut dire aux jeunes de banlieue qu’ils n’ont qu’à faire des écoles d’ingénieurs gratuites, ce n’est pas la solution.

En revanche, on pourrait faire un effort particulier en mettant en place des dispositifs spécifiques dans l’Éducation nationale afin de détecter assez tôt les talents scientifiques dans les quartiers défavorisés. Nous aurions alors un vivier de talents considérable qui pourrait nous permettre de nous battre à armes égales avec la Silicon Valley. Les universités américaines en sciences et en maths sont peuplées d’étudiants chinois et indiens, nous avons en France une ressource que l’on n’utilise pas.

La diversité dans le club

Les femmes sont plus ouvertes sur la diversité à tous points de vue. Nous nous battons beaucoup pour la parité au sein du club, car je suis convaincu que la promotion des femmes est un accélérateur de diversité en général. Nous n’avons pas assez de femmes, seulement 30 %, mais j’ai des objectifs.
Nous choisissons avant tout des gens ayant des parcours démontrés d’excellence, de beaux parcours professionnels ou personnels. Nous recevons beaucoup de demandes, mais c’est plutôt à nous de choisir les gens. Ils peuvent lever le doigt mais nous préférons aller chercher ceux qui n’en ont pas eu l’idée parce qu’ils se disent qu’ils sont reconnus par ailleurs. Ce n’est pas pour eux-mêmes qu’on les choisit, mais pour les autres, afin qu’ils s’engagent sur le terrain et inspirent d’autres personnes.

“Nous voulons diversifier les profils, avoir moins de “corporate” et davantage de gens ayant des parcours politiques ou associatifs, des artistes, des sportifs”

Nous voulons diversifier les profils, avoir moins de “corporate” et davantage de gens ayant des parcours politiques ou associatifs, des artistes, des sportifs. On a déjà les entrepreneurs.

En fait, aucun de nos membres n’a vraiment besoin du club, car leur réussite comme leur réputation sont déjà bien établies. Si ce n’était pas le cas, c’est que nous n’aurions pas bien fait le recrutement.

Il y a un attachement souvent très fort des gens car il y a une richesse humaine remarquable. Ces gens ont en commun avec vous d’avoir échappé à leur destin ou leur milieu, ce qui n’est pas facile.

Bio express
Engagé, offensif, pour la diversité

48 ans, énarque (promotion Marc Bloch), ingénieur civil des Mines, Jacques Galvani ne sera jamais haut fonctionnaire puisqu’il préfère d’emblée en début de carrière les arcanes du privé. Le conseil en stratégie d’entreprise plus précisément, chez McKinsey durant 5 ans, puis ce sera Hachette, l’immobilier à la Foncière Casino puis chez Altarea Cogedim où il s’occupe des relations institutionnelles, avant d’intégrer une agence de RP, Apco, et créer sa “boutique” de conseil, Alvian.
En janvier 2018, il est élu à la présidence du Club du XXIe siècle – gotha de l’élite de la diversité – après avoir été administrateur du think tank Terra Nova et secrétaire général d’un autre think tank libéral de gauche, Les Gracques.

 

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