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"JOURNAL DE PRISON" DE RAPHAEL CONFIANT

"JOURNAL DE PRISON" DE RAPHAEL CONFIANT

   Incarcéré à la prison de Ducos (Martinique) depuis plusieurs jours pour avoir détourné, par le biais de son groupe de recherches, le MIACEREG,  10 millions de fonds européens alloués à l'Université des Antilles, Raphaël CONFIANT, du fond de sa cellule a trouvé suffisamment de forces pour tenir son "Journal de prison" que nous publierons au fur et à mesure, le texte devant être vérifié par la direction du centre pénitentiaire. Rappelons aussi que l'écrivain-universitaire avait été appréhendé à son domicile par quatre policiers qui l'ont menotté et conduit à l'hôtel de police de Fort-de-France où il a été placé dans une cellule avec d'autres délinquants de son acabit : dealers de drogue, voleurs à la tire, dérobeurs de mangues et de quénettes etc...Cette intervention policière musclée fait suite à une dénonciation d'un soldat du PPM, Camille CHAUVET, alias Face-de-Rat (d'égout), selon lequel l'écrivain-universitaire aurait menacé de le tuer ainsi qu'à divers courriers émanant de Romain CRUSE, un éminent spécialiste du commerce de la ganja, courriers qui détaillent les malversations financières du MIACEREG...

 
                                                                   ***
 
   JOURNAL DE PRISON (1).
      Se retrouver entre quatre murs est une expérience moins terrible que je ne l'imaginais. En effet, ma cellule n'est guère plus petite que le bureau de l'Université où je passe mes journées et parfois mes soirées. Non, ce qui est terrible, ce sont d'abord les bestioles qui semblent s'être données rendez-vous là : ravets gros comme le pouce qui volent de partout, colonies de fourmis (heureusement pas rouges), mouches, puces, mille-pattes et consorts. Fort heureusement, un zanndoli a réussi à passer par la minuscule lucarne qui m'apporte un peu d'air et m'observe d'un air dubitatif en gonflant sa "majol" d'un jaune éclatant. Dedans, on ne sait plus s'il fait jour ou si la nuit est tombée. On m'a retiré ma montre dès l'instant où j'ai mis les pieds dans la prison ainsi que ma ceinture et mon portable. J'avais cru que je partagerais une cellule avec d'autres malfrats, mais ô miracle, on m'a mis dans une où je suis seul. Le gardien qui m'y conduit n'a pas l'air commode d'autant qu'il sait pourquoi je suis là, lui qui touche sans doute à peine deux fois le SMIG et qui sait que j'ai détourné 10 millions d'euros. Pour dire vrai, il l'a carrément mauvaise et m'a lancé au moment de refermer la porte de ma cellule :

   __"T'imagine pas que c'est une cellule VIP, mon gars !...enfin, si, c'en est bien une mais pour les Very Initil People de ton espèce !"

   Je médite pour la première fois de ma vie et ma foi, c'est plutôt agréable. Ca me change des chiffres, des additions, des multiplications et des soustractions qui constituaient l'essentiel de mes activités en tant que directeur du MIACEREG. Additionner les fonds européens reçus, les multiplier c'est-à-dire leur faire faire des petits en investissant dans des sociétés commerciales et les soustraire à la vue des responsables de l'université pour les placer sur mes comptes off-shore, c'était un boulot à plein temps. Faut pas croire ! La preuve : les types du SRPJ gaulois n'y ont vu que du feu et ont été contraints de faire appel à OLAF le Barbare, tribu de fins limiers bruxellois qui ont réussi à percer mon système. 

   Soudain, deux types en gabardine et chapeau mou cognent aux barreaux de ma cellule. Je me crois dans un polar des années 30. Ces mecs se la jouent Eliott Ness ou quoi ? Le gardien ronchon me fusille une nouvelle fois du regard.

   __T'as de la visite, mon gars ! Et déconne pas parce que je reste dans le coin en cas de moindre entourloupe. C'est compris ?

   __Compris...balbutie-je.

   Les deux inspecteurs se présentent fort civilement mais je n'entends pas leurs noms. L'un d'eux s'assied sur mon lit, ouvre son ordi portable et se met à scruter des documents. L'autre fait les cent pas dans la cellule. Enfin, j'exagère, disons les six pas.

   __On ne va pas commencer tout de suite par le gros morceau, me lance le flic en position de bipède. Tes sociétés de pêche en Haïti et au Venezuela, on verra ça le moment venu. Pour l'instant, on va commencer par le basique...

   __Le quoi ? fais-je, interloqué.

   __T'es un intello ou pas ? Tu ne sais pas ce qu'est du basique. Allez, arrête de te foutre de notre tronche. On n'a pas que ça à faire.

   __D'accord, rebalbutie-je.

   L'assis demande au bipède d'allumer la lumière car il commence à faire sérieusement sombre. J'ai fini par perdre toute notion du temps. Est-il trois heures de l'après-midi ? Dix-neuf heures ? J'en sais rien.

   __Donc comme ça tu faisais des bons de commande sur papier libre ? intervient brusquement l'assis qui m'a l'air plus coriace que le bipède.

   __Comment ça ?

   __Allez, arrête de jouer au con, tu veux ! Tu sais très bien qu'un bon de commande doit avoir une en-tête et...

   __Des fois, on est obligé de faire vite, de passer commande très vite, vous voyez...

   Les deux inspecteurs se fendent la poire. Bref, ils se tordent de rire comme si je ressemblais à Mickey L'Ange. Je demeure dans mon quant-à-soi, enfin dans mon quant-à-moi, un peu perplexe tout de même devant la soudaine hilarité de ces intraitables défenseurs de la loi et l'ordre.

   __Ouais, vite, ok, reprend le bipède sur un ton glacial, mais vite ou pas vite, on doit d'abord s'assurer que l'établissement dispose des fonds pour payer lesdites commandes, non ?

   __Heu...oui...

   __Ah ouais ! Et pourquoi, par exemple, ces billets d'avion achetés sans que l'Université ait les moyens de les régler, ce qui a fait que par la suite, elle s'est trouvée contrainte de payer des pénalités à l'agence de voyage. Et pas de petites sommes !

   Je demeure pétri de confusion. Après quelques minutes de mutisme, j'exige d'avoir mon avocat à mes côtés, même si j'en ai pas encore, ce que les deux flics ne savent pas. Je veux juste gagner du temps pour me remettre les idées en place. Ces deux gus m'ont l'air de sacrés numéros. Commencer par le basique ? Je t'en foutrais moi du basique ! Ils n'ont aucune idée de ce qu'est diriger une unité de recherches, de commander à des dizaines de gens, de manipuler des millions d'euros. Me faire chier pour des bons de commandes sur papier libre ? N'importe quoi !

   Ils se dirigent brusquement vers la porte de la cellule, appellent le gardien et me tournent le dos sans dire bonsoir. Ca me fait un choc ! Comme si j'étais une merde. Je m'allonge sur mon grabat, ferme les yeux et me dit que demain sera un autre jour...

                                                                                                          (à suivre)

Commentaires

KREYOLIA | 07/11/2015 - 08:06 :
On voit bien l'écrivain. Pas mal du tout toute cette dérision autour d'une affaire hyper grave.J'espère que le procureur va te lire. An lo initil ki ka atatjé lé piti.

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