Accueil
Aimé CESAIRE
Frantz FANON
Paulette NARDAL
René MENIL
Edouard GLISSANT
Suzanne CESAIRE
Jean BERNABE
Guy CABORT MASSON
Vincent PLACOLY
Derek WALCOTT
Price MARS
Jacques ROUMAIN
Guy TIROLIEN
Jacques-Stephen ALEXIS
Sonny RUPAIRE
Georges GRATIANT
Marie VIEUX-CHAUVET
Léon-Gontran DAMAS
Firmin ANTENOR
Edouard Jacques MAUNICK
Saint-John PERSE
Maximilien LAROCHE
Aude-Emmanuelle HOAREAU
Georges MAUVOIS
Marcel MANVILLE
Daniel HONORE
Alain ANSELIN
Jacques COURSIL

KAOUTAR HARCHI DEVOILE L’ETHNOCENTRISME DE L’INSTITUTION LITTERAIRE FRANÇAISE

Par Aurore Cros http://mobile.lesinrocks.com/
KAOUTAR HARCHI DEVOILE L’ETHNOCENTRISME DE L’INSTITUTION LITTERAIRE FRANÇAISE

Dans son essai “Je n’ai qu’une langue, ce n’est pas la mienne. Des écrivains à l’épreuve”, la sociologue Kaoutar Harchi s’interroge sur la réception des écrivains algériens francophones : “Suffit-il d’écrire dans la langue de Molière pour être reconnu comme un écrivain français ?”

Retraçant le parcours de cinq écrivains algériens de langue française des soixante dernière années (Kateb Yacine, Assia Djebar, Rachid Boudjedra, Kamel Daoud et Boualem Sansal), la sociologue Kaoutar Harchi, chercheuse associée au Cerlis (Laboratoire Paris-Descartes CNRS), s’attache à prouver dans son dernier essai que l’institution littéraire parisienne peut s’avérer parfois violente et peu reconnaissante à l’égard des écrivains étrangers francophones.

D’abord parce qu’elle estime que règne en France un régime dominant des écrivains français dû à la supériorité même de la langue française. Selon elle, la langue entretiendrait un rapport étroit avec “la nation”, expression nationale éloignant en cela ces écrivains algériens d’une reconnaissance pleine et entière. “La culture littéraire française a ceci de fascinant qu’elle organise un espace spécifique, l’espace de création, tout en épousant l’imaginaire national.”

La langue comme “butin de guerre”

Malentendus, incompréhensions de la critique française des récits d’écrivains algériens, elle dresse un constat accablant sur la sphère littéraire. Les inégalités dans l’espace littéraire seraient, selon elle, directement liées à une forme d’ethnocentrisme français, parfois source de mauvaise interprétation des récits étrangers.

La sociologue révèle à travers le parcours de ces cinq auteurs, des rapports de force, des tensions et l’hégémonie de l’institution littéraire française. Mais encore ? Quel point commun y a-t-il entre ces cinq auteurs algériens ? Aucun d’entre eux ne s’exprime dans sa langue maternelle, une distance d’écriture dont le titre de l’ouvrage fait écho au philosophe Jacques Derrida, d’origine algérienne : “Je n’ai qu’une langue, ce n’est pas la mienne.”

Ecrire en français, c’est écrire dans “une langue que l’écrivain algérien possède, tout en étant lui-même possédé par cette langue” selon l’auteur. Peut-être est-ce-là l’origine même du problème, les restes de la colonisation évoqués dans les premières lignes de l’ouvrage, et dont les plaies restent encore ouvertes aujourd’hui. Pour Kateb Yacine que l’auteur prend pour exemple, la langue française fut ce “butin de guerre” à jamais entachée par la violence du colonialisme. Alors, la dépendance de l’écrivain algérien vis-à-vis de la langue française le plonge dans une situation plutôt inconfortable, contraint de choisir entre sa langue natale et celle de Molière.

L’identité de la langue, plus forte qu’on ne l’imagine, crée parfois une forme de contradiction chez l’écrivain francophone étranger. “L’écrivain algérien, privé de la possibilité d’énoncer les lois spécifiques de sa pratique d’écriture – et d’en forger librement l’outil –, est contraint d’adopter la loi de l’ancienne puissance coloniale qui consacre la langue française comme seule langue de la littérature” écrit la sociologue.

“Pourquoi vous ne parlez pas des moutons ?”

Kaoutar Harchi va plus loin dans sa réflexion, évoquant aussi des paroles très crues chez certaines maisons d’édition, elle cite encore une fois Kateb Yacine. L’écrivain se souvient d’une remarque limite de la part d’un éditeur du Seuil : “Quand je l’ai donné à l’éditeur, il y avait 400 pages, il m’a demandé de couper (…) J’ai amené mes premières ébauches de Nedjma au Seuil et je me souviens de la réflexion du lecteur – je ne dirai pas son nom – : C’est trop compliqué ça. En Algérie, vous avez de si jolis moutons, pourquoi vous ne parlez pas des moutons ?”

Ces cinq auteurs à la fois désirés, mais aussi rejetés par le milieu littéraire parisien, se sont tous imposés par leur engagement, et une certaine dissonance vis-à-vis du discours officiel, que ce soit dans leur propre pays, ou par rapport au discours français. Certains d’entre eux, tels qu’Assia Djebar, Kateb Yacine, et Rachid Boudjedra content d’ailleurs le récit d’une autre histoire de la colonisation, ils racontent l’histoire des vaincus.  Ainsi, “la création littéraire devient la source vive d’un contre-discours historique” explique Kaoutar Harchi. Un contre-discours qui selon elle, peut déplaire, et froisser l’institution littéraire française.

Par Aurore Cros

Connexion utilisateur

CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain afin d'éviter les soumissions automatisées spam.