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La créolisation de la...France selon le leader de la "France insoumise"

La créolisation de la...France selon le leader de la "France insoumise"

 Jean-Luc Mélenchon a donc bien parlé de "créolisation" et pas de "créolité". Il ne s'agit, en effet, pas de la même chose, ces concepts étant référés à des pensées différentes.

 "La Créolisation", en effet, est expliquée et revendiquée dès 1981 par Edouard GLISSANT dans son fameux Discours antillais et fait référence à un processus qu'il décrit comme mondial depuis la conquête des Amériques il y a cinq siècles, à partir de 1492 donc. Ce processus est celui de la rencontre violente, du choc entre cultures européenne, amérindienne, africaine et asiatique, d'abord aux Amériques, puis progressivement sur toute la planète. Ce choc a produit des cultures et donc des identités mosaïques, "diffractées" selon le mot de GLISSANT, cultures qui ne cessent de se transformer sous l'effet de phénomènes internes tout autant qu'externes. Plus tard, dans les années 90, GLISSANT en viendra au concept de "Tout-monde" qui est la conséquence logique de la créolisation. Patrick CHAMOISEAU se ralliera à cette vision peu après.
 Par contre, la "Créolité" est un concept qui fut mis en avant dans le non moins fameux Eloge de la Créolité (1989) écrit par Jean Bernabé, Patrick CHAMOISEAU et Raphaël CONFIANT. Il s'agit d'une sorte de manifeste linguistique, culturel et politique que GLISSANT critiquera assez vivement au motif que le concept de "créolité" renvoie à une essence alors que celui de "créolisation" renvoie à un processus. Il ira même jusqu'à à déclarer ceci :
  "La Créolité est une rupture en trompe-l'oeil."
  Une essence est, en effet, censée être fixe, figée même, alors qu'un processus est forcément évolutif. Ce à quoi Jean BERNABE rétorquera de manière magistrale en montrant qu'il n'y a, en fait, aucune contradiction entre "créolisation" et "créolité" pas plus qu'il n'y en a entre "hominisation" et "humanité". L'hominisation est le fait pour le primate de se transformer en hominidé ; la créolisation est le fait pour l'esclave, réduit à l'état de bête de somme par les Blancs, de redevenir un être humain à part entière, de se reconquérir en tant qu'homme. Car n'oublions jamais qu'aux Antilles, les esclaves étaient même inférieurs aux animaux et aux objets puisque sur les actes de vente des plantations, ils figuraient en dernier sur la liste des biens ! 
 Au bout de l'hominisation, il y a l'humanité, explique donc Jean Bernabé, et au bout de la créolisation, il y a la créolité. Edouard GLISANT n'était pas du tout d'accord avec cette vision des choses ! Il y a donc lieu de distinguer "créolisation" et "créolité" et le débat entre les promoteurs de ces concepts fait partie des grandes controverses intellectuelles de la fin du siècle dernier aux Antilles. Que des incultes, des hystériques et des rageux y voient la même chose témoigne du fait que ces gens-là ne savent même pas que l'Europe et l'Occident dominent le monde depuis des siècles avec deux armes majeures : la science et la technologie (indispensables à la domination économique), d'une part ; la pensée philosophique, anthropologique, sociologique, littéraire etc..., de l'autre. Sans la pensée, la science n'est rien ! Vous pouvez disposez des armes les plus sophistiquées du monde, si vous n'avez pas dans le même temps un discours permettant de justifier vos actions (et votre domination), vous êtes un colosse aux pieds d'argile. De nos jours, cela s'appelle, de manière un peu superficielle, le Soft power...
  Nous, aux Antilles, avons besoin de controverses intellectuelles et dieu merci, nous en avons toujours eues. Aimé CESAIRE rejetant de doudouisme et proclamant vouloir "déchirer leur littérature de carte postale", Edouard GLISSANT critiquant la Négritude  pour son essentialisme tout comme le fit Frantz FANON, les auteurs de l'Américanité (Vincent Placoly, Xavier Orville, Maryse Condé, Henri Corbin, Roger Parsemain etc.) nous demandant instamment de nous repenser dans Nuestra America (José MARTI) et de nous détourner de notre tropisme européen,  les auteurs de la Créolité prônant l'identité multiple comme principal bouclier contre la mondialisation étasunienne, l'afrocentrisme critiquant tout le monde et avançant l'idée d'un "monde noir" etc...
  A l'heure où des aboyeuses et aboyeurs-Facebook, Whatsap ou Youtube passent leur temps à invectiver, dénoncer, clouer au pilori, jeter des anathèmes et occupent le terrain grâce aux réseaux sociaux (du Blanc, pourtant honni !), il est urgent que nous profitions de la récupération du concept de Glissant, celui de créolisation, par Mélenchon pour réactiver les vrais débats. Ce n'est parce que, comme le disait Umberto ECO, que "le premier crétin venu se croit plus intelligent qu'un Prix Nobel" grâce aux réseaux sociaux que nous devons capituler devant l'obscurantisme noiriste ou bien nous enfermer dans notre tour d'ivoire.
  "Il s'agit d'un débat franco-français, ce truc de Mélenchon. Il ne nous concerne pas !", entend-t-on ou lit-on déjà ici et là. Sans doute, mais presque la moitié de nos populations antillaises vit dans l'Hexagone et est forcément concernée. Il s'agit même d'une "troisième île" selon le beau titre d'un livre de notre regretté Alain Anselin. D'autre part, nos pays sont jusqu'à ce jour et que nous le voulions ou non des territoires sous tutelle française. Ce qui signifie que celles et ceux qui se pincent le nez aujourd'hui en parlant de "débat franco-français" seront les premiers demain, si jamais Mélenchon devient président de la République, à commenter et critiquer ses déclarations et faits et gestes. Et sa politique envers les Antilles.
  A retenir d'ores et déjà donc : Jean-Luc Mélenchon s'est réclamé du concept de Créolisation, pas de celui de Créolité.
   A suivre forcément...

Commentaires

Michel P. | 23/09/2020 - 11:43 :
Faut-il parler de créolisation quand, à Fort-de-France, on vient d'abattre la statue de Joséphine, surnommée "la belle créole" ?
Frédéric C. | 23/09/2020 - 13:59 :
Michel P., il y a un problème sur le sens du mot "créole", et l'évolution de ce sens. Le mot "créole" a plusieurs sens. D'abord c'est soit un adjectif qualificatif, soit un substantif. Et même comme substantif il a plusieurs sens. Par exemple, les 1ers nationalistes hispano-américains étaient des colons, l'équivalent des békés, et ils disaient "Nous, les créoles". C'est en ce sens que certains disent "Joséphine la créole' (et c'est là-dessus que surfe l'association "Tous créoles"). Ça n'a pas de rapport direct avec : 1/LE "créole" ou les "créoles", ce qui désigne une série de langues issues de processus historiques assez comparables décrits par l'auteur de l'article. 2/La "créolisation", qui est un concept décrivant un processus dont tous les pays de la Caraïbe sont des illustrations. Là aussi l'article est très clair, et met les choses en perspective par rapport à d'autres concepts. Donc quand vous mettez en opposition la "créolisation" d'une part, et Joséphine "la créole": peut-être à votre insu vous jouez sur les mots... Je vous suggère de relire l'article plus à fond, je trouve qu'il clarifie bien certaines choses, ce qui n'est pas du luxe surtout en nos temps d'obscurantisme quasi généralisé. Quand Glissant est mort, à Paris un hommage lui a été rendu, et un "éminent spécialiste" le caractérisait comme un théoricien de la "créolité". N'importe quoi !.. Certains grangrèk, Antillais ou non, ratent souvent des occasions de se taire. On n'a jamais fini d'apprendre, sa ou pa sav gran pasé'w.... Salutations.

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