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LA LETTRE DU PALIMA N°3

LA LETTRE DU PALIMA N°3

Le PALIMA
La Lettre n°3

www.lepalima.org / lepalima@orange.fr

AFGHANISTAN : DU SANG POUR DU PETROLE…

Le 18 août dernier, à l’heure où les ministres achevaient de peaufiner leur bronzage, dix soldats français étaient tués en Afghanistan. Certains d’entre eux n’avaient pas 20 ans… Deux étaient originaires de la Réunion et de la Nouvelle Calédonie…

Cet évènement, pour lointain et déconnecté de nos préoccupations quotidiennes qu’il puisse paraître, nous interpelle. D’abord et tout simplement parce qu’il n’est pas exclu que, demain, ce soient des jeunes Martiniquais qui rentrent sur le sol natal… morts dans une guerre aux objectifs obscurs.

Plus fondamentalement, il convient, derrière les discours de propagande relayés par des médias bouffis de certitudes et de préjugés idéologiques, de mettre en lumière les véritables enjeux de la croisade occidentale en Afghanistan.

MENSONGES ET SOUMISSION AUX INTERETS DE L’AMERIQUE DE BUSH

Devant la Commission Parlementaire du 26 août qui portait sur l’embuscade de Saroubi, Hervé MORIN, décidément le plus talentueux Ministre de la Défense des temps modernes, déclarait avec une rare solennité : « Rien ne laissait prévoir l’embuscade »… Sans doute s’attendait-il à ce que ses troupes, engagées dans une guerre aux côtés des Etats-Unis, fussent accueillies par les Talibans sous une joyeuse pluie de fleurs de pavots ?

Une version des « pieds nickelés à Kaboul » aurait au moins eu l’avantage de nous faire sourire. Mais on ne peut que rester pétrifiés d’effroi quand on observe avec quelle désinvolture Sarkozy et sa bande envoient à la mort des gamins que l’on a convaincus que « la France n’est nullement en guerre », - pour reprendre les propos de Fillon - mais en opération de sécurisation…

Ce discours de la dissimulation et de la manipulation est le même qui a été utilisé par l’Etat français lors de toutes les guerres coloniales, au Vietnam et en Algérie par exemple. La France était « en mission de pacification » disait-on. La défaite de Diên Biên Phu, en mai 1954, mit fin aux délires coloniaux et, en mars 1962, les Accords d’Evian aboutissaient à l’indépendance de l’Algérie.

Certes, l’Afghanistan n’est ni le Vietnam ni l’Algérie ; et ni les enjeux ni le contexte ne sont identiques. Le monde a changé depuis les luttes de décolonisation des années 60, même s’il est loin d’être devenu un « village » tranquille édifié sur la prétendue « mort de l’histoire » et des « idéologies ». La mondialisation est atteinte de boulimie énergétique et a remplacé la lutte contre le communisme par la « chasse au terrorisme islamiste » et « la guerre des civilisations ».

Mais, à l’évidence, la perversion des mots à des fins de manipulation des opinions publiques semble encore bénéficier de la promesse d’un avenir radieux.

Sarkozy, en tous cas, porte l’entière responsabilité des évènements survenus le 18 août. C’est lui qui a pris la décision de renforcer la présence des troupes françaises en Afghanistan et de réorienter leur rôle en vue de missions de combat. Cette démarche, en rupture avec une certaine tradition de la politique internationale française, s’inscrit dans une stratégie globale plus atlantiste, plus dépendante de la politique américaine. Le choix du président français de revenir en 2009 au sein du commandement intégré de l’OTAN que De Gaulle avait quitté avec fracas en 1966 illustre parfaitement ce tournant. Après le départ de Tony BLAIR du Gouvernement britannique, BUSH a donc trouvé son nouveau caniche.

CHASSE AU TERRORISME OU CHASSE AU PETROLE ?

Le discours sur « la défense des droits de l’homme », l’aide au peuple afghan qu’il ne faut pas « abandonner à ses malheurs et à ses bourreaux » ou encore sur « le terrorisme » ne constitue qu’un misérable cache-sexe qui masque mal des réalités bien plus sordides.

Et puis, soit dit en passant, il faudrait être aliéné jusqu’à l’ADN pour accorder crédit à ce relent de pseudo-humanisme pestilentiel venant d’un partisan de la loi sur « le rôle positif » de la colonisation ! En matière de brutalité, les Talibans ne sont que des enfants de cœur comparés aux héros de la colonisation française.

Ceux qui s’alarment de la situation des femmes afghanes sont les mêmes qui soutiennent à bout de bras toutes les dictatures corrompues et sanguinaires d’Asie, d’Afrique ou du Moyen Orient. Alors, remballez vos larmes de crocodiles, messieurs !

Quelle est, par ailleurs, l’efficacité et la cohérence de cette « lutte contre le terrorisme » ? Sept ans après le renversement du Gouvernement du Molah Omar, le 13 novembre 2001, Ben Laden et ses principaux lieutenants courent toujours, Al Quaïda continue de se déployer, les Talibans gagnent du terrain ainsi que la confiance de la population qui, victime de bombardements qu’on prétend « chirurgicaux », exige le départ des troupes étrangères. Belle réussite dans la restauration de l’espoir !

En réalité, les véritables enjeux de la présence américaine en Afghanistan sont à rechercher dans la position de ce pays en Asie Centrale et dans les vastes réserves de gaz et de pétrole du littoral de la Mer Caspienne qui pourraient constituer une alternative aux hydrocarbures du Golfe Persique et assurer, pour quelques années encore, le développement de l’économie occidentale, dans un contexte d’augmentation des besoins des pays émergents, de raréfaction de la ressource et de crise énergétique globale. Les compagnies pétrolières américaines ont ainsi acquis des droits importants pour l’exploitation de la plus grande partie de ces gisements.

Dès lors, l’acheminement de ces hydrocarbures, de l’Asie Centrale vers l’Océan Indien, en vue de la desserte des marchés américains, européens et asiatiques constitue une préoccupation centrale pour ces multinationales.

Celles-ci envisagent la construction d’un pipe-line –de la ville de Mary, au Turkménistan, jusqu’à Gwadar, au Pakistan- qui traverserait l’Afghanistan, notamment entre Harat et Kandahar. Il n’est pas sans intérêt de rappeler que les américains ont négocié avec les Talibans (arrivés au pouvoir en septembre 1996) sur ce projet de gazoduc et d’oléoduc. Le refus de ces derniers a très rapidement entraîné des menaces d’interventions militaires de Washington. Nous n’étions pas encore au 11 septembre 2001 et Ben Laden n’avait pas encore fait sauter les tours jumelles,
à New-York.

Derrière la burka des femmes afghanes, ce n’est donc pas le visage de la liberté et des droits humains qui intéresse Bush et Sarkozy mais la face visqueuse du dieu pétrole, nouveau veau d’or des puissances occidentales.

L’enjeu du pétrole et du gaz se trouve renforcé par la position géostratégique de ce que Marx appelait « la Pologne d’Orient » qui a des frontières communes avec d’anciennes républiques soviétiques (Turkménistan, Tadjikistan, Ouzbékistan), dont certaines sont riches en hydrocarbures, et des pays considérés comme pouvant présenter une menace ou un intérêt majeur pour les Etats-Unis (Iran, Chine, Pakistan…).

L’OTAN a ainsi considérablement renforcé ses positions en Asie Centrale pour mieux isoler et contrôler l’Iran, la Chine et la Russie. La présence des troupes américaines en Afghanistan, depuis 2001, et en Irak, depuis le renversement de Saddam Hussein en 2003, permettrait, en cas de conflit, de prendre Téhéran en tenaille.

Les évènements qui se déroulent en Ossétie du Sud, en Abkhazie et en Géorgie, autre route du pétrole et du gaz, participent de ce vaste mouvement des forces rivales auquel nous assistons aujourd’hui. Personne, en effet, ne saurait imaginer que l’armée géorgienne, équipée et entraînée par les Etats-Unis, aurait pris l’initiative d’une intervention militaire en Ossétie du Sud, le 8 août dernier, sans l’aval formel de son protecteur.

L’ampleur de la réaction russe semble avoir surpris Washington. Elle signe en tous cas le retour de la Russie, un moment affaiblie, dans le jeu des grandes puissances, en compagnie des Etats-Unis et de la Chine… L’Europe joue, bruyamment sans doute mais de manière anecdotique, un rôle de supplétif des Américains dans cette nouvelle donne. C’est l’OTAN et non la communauté européenne qui assure la sécurité de l’Europe.

La dissolution de l’Union Soviétique, et conséquemment du Pacte de Varsovie, en 1991, avait encouragé l’OTAN (en violation d’un engagement pris en 1990, au moment de l’unification allemande, de ne plus s’étendre vers l’Est) à installer des bases militaires dans les anciennes républiques soviétiques pour mieux encercler la Russie (en Pologne, Hongrie et République Tchèque en 1999, puis, en 2004, en Estonie, Lettonie, Lituanie, Bulgarie, Roumanie, Slovaquie et Slovénie…).

Sans doute, le monde unipolaire, né dans le fracas de l’effondrement du mur de Berlin et dominé par l’hyper puissance américaine, est-il en train d’agoniser dans les montagnes d’Afghanistan et les contreforts du Caucase ? Un monde multipolaire naît sous nos yeux, entraînant une redéfinition des rapports de force et des zones d’influence.

Au-delà, la lutte pour le contrôle des gisements d’hydrocarbures et plus généralement des matières premières dont la demande et les prix ont explosé ces dernières années, la lutte pour la maitrise des routes pour l’acheminement de ces produits, le réchauffement climatique qui alimente un libéralisme de l’extrême, tous ces facteurs ne font qu’accroître les tensions internationales et les risques de guerre… Les institutions internationales, taillées à la mesure des puissances dominantes, durablement malmenées à cause du comportement délinquant de l’hyper-puissance étatsunienne durant son règne solitaire, ont perdu toute crédibilité pour arbitrer les conflits du nouveau millénaire.

La planète aura-t-elle l’intelligence d’une révision en profondeur de son mode de développement et de sa vision des relations internationales ? Si tel n’était pas le cas, l’humanité entrerait dans une période de chaos dont on voit mal comment elle s’en sortirait.

Sarkozy, ridiculement péremptoire et imprudent, n’a cessé de pérorer devant les médias que la guerre en Afghanistan est « un combat que nous devons gagner ». En novembre 2001, George BUSH avait, un peu vite, annoncé la victoire des troupes américaines et de leurs alliés sur les Talibans qui avaient préféré se redéployer plutôt que mener une bataille frontale à l’avantage de l’adversaire. Et si ce « combat » était déjà perdu ? Et si l’on cachait à l’opinion publique que les services secrets de tous les pays engagés dans la coalition contre les Talibans concluaient à une impossible victoire occidentale ? Et si l’arrogance dominatrice de l’Occident et ses errements militaristes à Kaboul et à Bagdad n’avaient fait que renforcer le « terrorisme » en attendant que ce dernier s’en prenne directement aux capitales occidentales ?

FFrancis CAROLE
CClément CHARPENTIER-TITY

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