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L’ACTUALITE DU COMBAT POUR LE RESPECT DU DROIT A L’AUTODETERMINATION DES PEUPLES

Raphaël CONSTANT
L’ACTUALITE DU COMBAT POUR LE RESPECT DU DROIT A L’AUTODETERMINATION DES PEUPLES

   Il faut l’admettre clairement. Ces dernières semaines, le droit à l’autodétermination comme principe gérant les relations internationales a été battu en brèche et ce n’est pas la prise de position de Trump sur Jérusalem qui le démentira. Sans oublier le voyage du premier ministre français en Kanaky.

   A la fin du mois de septembre 2017, deux processus d’autodétermination étaient en cours de réalisation dans le Kurdistan « irakien» et en Catalogne. Les deux ont vu une expression majoritaire pour la séparation. Mais dans les deux cas, les puissances occupantes, avec le soutien explicite ou implicite de « la communauté internationale » ont refusé la sécession. Il est intéressant de noter que dans les deux cas, les états dominants ont habillé leur refus de décision de justice de leur juridiction suprême. 

   Au Kurdistan, le gouvernement irakien a usé de violences en faisant son armée récupérer une partie des territoires disputés entre Bagdad et Erbil. Le procédé est d’autant plus discutable que cette reconquête irakienne s’explique pour beaucoup par le fait que les combattants kurdes, les peshmergas, étaient concentrée en masse sur le front anti Daech.

   Il reste que l’unité internationale contre l’indépendances kurde est dangereusement unanime allant de l’Occident jusqu’à l’Iran et la Turquie (ces deux derniers pays n’hésitant pas à fermer leur frontière avec la région autonome du Kurdistan). Seule la Russie n’a pas eu de position tranchée. Israël a été le seul pays à soutenir le référendum pour des raisons tactiques.    

   La Cour Suprême irakienne a annulé le référendum et le gouvernement régional a été obligé de reculer. 

   Il reste que la question kurde est loin d’être réglée que ce soit en Irak, en Iran, en Turquie ou même en Syrie. Bagdad a du finalement accepté l’ouverture de discussion avec le gouvernement régional. En Syrie, le parti kurde contrôle une large bande du territoire au nord du pays et la Russie a déclaré soutenir la mise en place d’une fédération comprenant une composante kurde.

   En Catalogne, tout se concentre aux alentours du scrutin prévu le 21 décembre 2017. Les trois composantes du mouvement indépendantiste ont décidé d’aller à la bataille électorale de manière séparée. Il s’agit de savoir si en dépit de la peur entretenue par Madrid, du chantage des autorités espagnoles si les indépendantistes vont réussir à garder leur majorité absolue à la Généralitad. 

   Là aussi, le bras armé de la justice est entré en action. Ce n’est pas moins de vingt poursuites individuelles que le procureur de l’état espagnol a lancé contre des dirigeants catalans : les ministres du gouvernement régional, les membres du bureau de l’assemblée et les deux présidents des deux plus grandes organisations populaires. Fort opportunément, cinq des ministres ont quitté l’Espagne pour la Belgique car, en dépit de leurs évidentes garanties de représentation, tous les ministres en exercice au jour du vote pour l’indépendance ont été incarcérés. A ce jour, il reste encore six militants en prison dont des candidats aux élections.

  La justice espagnole n’est bien entendu pas indépendante. Elle en a fourni une preuve vivante. Ayant délivré un mandat européen contre les ministres réfugiés en Belgique, le juge espagnol espérait un contrôle purement formel de son collègue belge. Il est tombé sur un os. D’une part le parquet a contesté une partie des incriminations. D’autre part, le juge belge a décidé d’examiner le dossier au fond. De crainte d’un désaveu, l’Espagne a retiré son mandat européen mais maintenu celui en vigueur en Espagne !

   En tous les cas, ce serait un leurre de penser que le scrutin du 21 décembre va enterrer ou régler la question catalane. Même si les indépendantistes n’obtiennent pas la majorité des voix ou la majorité des sièges, ce ne sera pas le cas des partis espagnolistes (droite, centre et parti socialiste) non plus. Dans ce cas, il est possible que cela soit le parti Podemos qui déterminent une majorité et même s’il ne se prononce pas pour l’indépendance il est pour un référendum. Et si les indépendantistes gardent leur majorité, on sera retourné à la case départ d’avant le 1er octobre 2017. Corrompu et minoritaire, le Parti Populaire (droite) qui contrôle le gouvernement avec le soutien des centristes et l’abstention des socialistes, ne pourra pas maintenir une ligne dure tout le temps contre un courant politique représentant plus de 45% de l’électorat.

   Ainsi, que ce soit au Kurdistan ou en Catalogne, si le droit à l’autodétermination a été battu en brèche, la question coloniale n’est aucunement réglée.

   Il risque d’en être de même d’ici un an en Kanaky. C’est normalement en novembre 2018 qu’il devrait y avoir une consultation sur l’avenir du « caillou ». 

   Rappelons rapidement comment nous en sommes arrivés là. Suite à la création du FNKLS et la révolte sanglante de Kanaky, un accord dit de Matignon fut signé en 1988 sous l’égide de Michel Rocard entre le FNKS et les caldoches (descendants des colons français). Ce dernier fut prolongé en 1998 sous le gouvernement Jospin par les accords dits de Nouméa.  C’est dans ce dernier qu’il fut décidé qu’une consultation électorale devrait avoir lieu entre 2014 à 2018 sur l’avenir de cette colonie française.

   Disons le de suite, ce vote aura peu à voir avec un strict exercice du droit à l’autodétermination. En fait le droit constitutionnel français (comme celui de l’Espagne) est absolument contraire au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pour la Constitution française, il n’y a qu’un seul peuple, le peuple français. Ainsi, pour s’en couper, il faut que tout le peuple français (ou ses représentants) en décide(nt). Pour souscrire à l’indépendance de l’Algérie, de Gaulle fit un référendum. Pour l’indépendance de Djibouti, il y eut un vote du parlement français. Pour diviser les Comores, en contradiction avec le droit international, il y eut aussi un vote parlementaire.

   Dans le cas de la Kanaky, la fiction juridique française fut maintenue puisque l’accord de Matignon fut adopté par référendum. Fiction car cela n’a rien à voir avec l’exercice du droit à l’autodétermination.

   Logiquement, c’est le peuple sous domination qui doit avoir la possibilité de déterminer son destin. Ce ne peut être étrangement mêlé à la fois celui qui domine et celui qui est dominé.

   Normalement, seul le peuple d’origine, les kanak, devrait être consulté sur l’avenir du territoire. Logiquement les caldoches dont la présence est la conséquence de la colonisation n’aurait pas leur mot à dire. Mais, en 1988, Rocard avec le soutien/pression des églises protestantes et de la franc-maçonnerie a arraché au FNLKS que tout le monde puisse être consulté. La seule concession obtenue par les indépendantistes à l’époque et en 1998, c’est le gel le corps électoral. Normalement, mis à part les personnes nés sur le territoire depuis l’accord de Matignon, aucun autre électeur ne devait être rajouté sur la liste électorale. Le pari du FNLKS était que

   la démographie leur verrait être majoritaire et qu’une partie des caldoches se rallient à l’indépendance.

   Tel n’a pas été le cas. Les colons sont restés des colons. En sus, les inégalités sur le territoire se sont accentués au bénéfice des caldoches. On a même assisté à une paupérisation toujours plus grande des kanaks et particulièrement au sein des jeunes.

   Tenant compte du fait que par la colonisation de peuplement les kanaks sont minoritaires dans leur pays, les caldoches et la France abordent le scrutin avec une grande confiance. L’obsession gouvernementale, d’où le récent voyage du premier ministre français en Kanaky est de faire admettre au mouvement indépendantiste le caractère inéluctable de la présence française. Pour cela des promesses sont faites sur le respect de la culture et de la personnalité kanak. Philippe est même allé rendre hommage à Tjibaou.

   L’expérience coloniale de la France démontre qu’il n’y a rien à attendre des promesses d’égalité et de respect de la France. Paris espère en finir avec la question kanak au travers de ce faux et truqué scrutin d’autodétermination.

   Mais, la Kanaky est inscrite sur la liste des pays de l’ONU des pays à décoloniser. La question restera donc entière après ce vote. D’autant qu’une partie des partis indépendantistes kanaks font déjà savoir que la victoire du non ne peut signifier la fin de l’Histoire.

   Ainsi, contrairement à ce que certains veulent laisser croire, la lutte pour la liberté des peuples n’est pas terminée.

   En Guadeloupe, une organisation indépendantiste a écrit à l’ONU pour que ce pays soit ré-inscrit sur la liste des territoires à décoloniser.

   Fort heureusement, le colonialisme n’en a pas fini avec nous même si à première vue cela ne semble pas la priorité des politiciens dits locaux !

   Le PPM vient de tenir un colloque dont les conclusions sont étonnantes. Il est à la fois pour l’autonomie et l’égalité des droits. C’est par nature contradictoire. D’autant qu’en 2010, ce parti s’est prononcé contre l’application de l’article 74 de la Constitution française qui est une autonomie plutôt timide. Pour compliquer le tout, le président du PPM a déclaré qu’il est pour la reconnaissance du peuple martiniquais, ce qui est en contradiction avec la même constitution française et pour la reconnaissance du créole comme « langue régionale », ce qui là encore est notoirement contradictoire. Ce double discours a l’avantage de contenter tout le monde, le dominé et le dominant. Mais il opacifie toute perspective sérieuse et cap clair pour l’avenir. Le PPM est en fait à l’image de beaucoup de martiniquais. Il voudrait bien être un peuple mais il a peur d’en tirer les conséquences. Donc c’est un jour l’autonomie pour la nation martiniquaise et le lendemain pour l’égalité des droits ! Ce n’est pas avec de tels discours sous-tendant une pratique de « zanzolage » que le peuple martiniquais pourra faire valoir son droit à s’autodéterminer.

   Il reste qu’il faut en toute honnêteté admettre que la position du PPM n’est pas fondamentalement illogique. A bien comprendre les dirigeants de ce pays, nous serions dans une situation postcoloniale. Ceci les distingue nettement de leurs pères fondateurs, de Césaire à Darsières, pour qui sans nul doute la Martinique est une colonie. Le PPM de Letchimy n’a pas à se battre pour l’autodétermination puisque le colonialisme n’existe pas (ou plus) !

   Pour en terminer, un mot sur la décision de Trump concernant Jérusalem. L’Occident se flatte que son principal allié, Israël, soit la seule démocratie de la région. Cela en ferait son ami indéfectible comme l’a dit M. Macron en recevant le corrompu premier ministre hébreu. Je vous invite à prendre une carte pour voir la partie actuellement occupé par Israël. Initialement quand l’ONU a voté l’instauration d’un état juif en Palestine (sans jamais consulter les habitants de ce territoire), il était prévu que celui devait avoir 55% des terres et que les 45% restant constituerait un état arabe. Aujourd’hui, Israël contrôle 100% de toutes les terres. La bande de Gaza et la Cisjordanie sous contrôle restreint de l’Autorité Palestinienne représente 22% de la surface totale. Autrement dit soixante dix ans après le vote de l’ONU, Israël occupe la totalité des territoires et, dans la meilleure hypothèse, est prêt à octroyer aux palestinien la moitié de ce qui leur avait été accordé !

   La solution à deux états est donc en l’état un énorme recul pour les palestiniens. Mais même cela, l’Occident refuse de l’imposer au régime israélien. En réalité, stricto sensu, Israël est démocratique comme Athènes : une minorité d’habitants se disant citoyens détient le pouvoir mais la majorité (les esclaves, les étrangers etc…) n’a pas son mot à dire sur son sort. Ce n’est pas une démocratie au sens moderne du terme car ce pays impose à des millions de palestiniens un régime discriminatoire basée sur la religion puisque même, ce qu’on oublie souvent, sa minorité arabe connait un apartheid de fait.

   La décision de Trump vise à entériner cette discrimination. C’est une atteinte au droit à l’autodétermination car Jérusalem n’appartient pas aux juifs israéliens mais bien à tous ses habitants dont la majorité n’a pas son mot à dire.

   Ainsi, ces quelques rappels montrent que contrairement à ce qu’écrivent ou disent les « penseurs », « experts » et « politiciens » occidentaux, le combat pour l’exercice du droit à l’autodétermination est toujours d’actualité.

   Raphaël CONSTANT

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