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L’ARGUMENT DEBILE DES « MARTINIQUAIS QUI VIVENT EN FRANCE »…

L’ARGUMENT DEBILE DES « MARTINIQUAIS QUI VIVENT EN FRANCE »…

Certains ne savent plus quoi inventer pour tenter d’enrayer l’inexorable mouvement qui pousse le peuple martiniquais à se détacher peu à peu de sa soi-disant mère patrie. Certes, il s’agit encore d’un mouvement brouillon, désordonné parfois, brouillon dans le sens où, effectivement, il y a quelque contradiction à réclamer des augmentations de ceci ou des baisses de cela avec la caution de l’Etat français et, dans le même temps, à clamer « Péyi-a sé ta nou, sé pa ta yo ! » (Ce pays est le nôtre, pas le leur !). Mais aucune libération ne s’effectue dans la pure rationalité ou dans une lucidité sans faille, en tout cas pas au niveau du plus grand nombre. C’est aux leaders du mouvement, par contre, à faire preuve de lucidité et de rationalité. C’est aussi le devoir de ce que l’on appelle généralement les « faiseurs d’opinion », en particulier les intellectuels ou ceux qui se vivent comme tels.

Et c’est là que le bât blesse…

En effet, certains tentent d’invalider la notion de « génocide par substitution », notion élaborée, faut-il le rappeler par le grand Aimé Césaire, dans les années 80 du siècle qui vient de s’achever. Ces « certains, qui plus souvent que rarement, n’ont publié qu’un ou deux opuscules à compte d’auteur, s’imaginent-ils pouvoir mieux comprendre et analyser notre société que le père de la Négritude, lui qui fut aux commandes de la capitale de notre pays durant cinquante ans ? Césaire avait parfaitement vu le plan qui visait, et qui vise toujours, à vider la Martinique de sa population autochtone pour la remplacer par des gens venus d’ailleurs. Trente ans après la mise en circulation de cette notion, les faits lui ont donné raison : désormais la Martinique compte un seul et unique « Békéland » (au Cap Est, François), peuplé d’à peine 2.000 habitants, pour 10 « Métroland » (Sainte-Luce, Diamant, Trois-Ilets, Anses d’Arlets, Tartane etc…), peuplés de 30, voire 40.000 habitants. Que les Martiniquais aient plus tendance à se focaliser sur le seul « Békéland » et non sur les multiples « Métroland » fait partie des contradictions du mouvement d’émancipation en cours, de son côté forcément désordonné. Et là encore, c’est aux faiseurs d’opinion de rectifier le tir en pointant du doigt le fait que les 10 « Métroland » sont beaucoup plus dangereux pour le devenir de la Martinique que l’unique « Békéland ».

Oui, il y a bien un génocide par substitution en Martinique et l’autonomiste Aimé Césaire a eu raison, avant tout le monde, de le dénoncer. Et c’est d’ailleurs un autre autonomiste, Camille Darsières, appartenant au même parti que Césaire, le PPM, qui lançait en plein meeting la désormais célèbre exhortation : « Messieurs les Européens, partez avant qu’il ne soit trop tard ! ». Je n’ai pas souvenir d’un parti ou d’un leader indépendantiste qui aie, au cours des trois décennies écoulées, prononcé une phrase ou écrit un texte appelant aussi frontalement à la résolution dudit problème. C’est étrange, mais c’est comme ça !

Passons…

Outre donc que ces lumpen-intellectuels cherchent à décrédibiliser l’idée de génocide par substitution, ils invoquent pour appuyer leurs dires un argument d’une débilité désarmante : le sort des Martiniquais qui vivent et travaillent en France. Que deviendront nos frères et sœurs qui sont « là-bas », pleurnichent-ils, si nous continuons à parler de génocide par substitution, si nous chantons « Péyi-a sé ta nou, sé pa ta yo ! », si nous coupons les liens avec la France ? Il s’agit là non seulement d’un argument débile, mais aussi scélérat car il peut faire son chemin dans l’esprit d’un grand nombre de Martiniquais, tant au pays que dans l’émigration, lesquels peuvent, en effet, légitimement s’inquiéter du sort qui sera réservé à nos immigrés en cas d’indépendance, par exemple.

Or, à cet argument débile et scélérat, on peut répondre fort simplement que :

. Le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Sénégal sont devenus indépendants en 1960 : aucune expulsion massive de Sénégalais, d’Ivoiriens, de Gabonais ou de Camerounais.

. l’Algérie est devenue indépendante en 1962 : aucune expulsion massive d’ Algériens.

. Djibouti est devenu indépendant en 1979 : aucune expulsion de Djiboutiens etc…etc…

Et pourquoi ?

Pour une raison très simple : ces immigrés étaient nécessaires, sinon indispensables, au bon fonctionnement de la France, à son développement économique. Les fameuses Trente Glorieuses qui ont permis à celle-ci de se relever des ruines de la deuxième guerre mondiale ont reposé pour beaucoup sur les épaules des ouvriers d’usine algériens, des éboueurs maliens ou des postiers et infirmières antillais. Les immigrés ne sont pas des touristes venus admirer la Tour Effel et ça, le patronat et les hommes politiques français le savent mieux que quiconque. Même avec la crise financière qui secoue actuellement le monde, même avec la politique d’expulsion des clandestins ou des sans-papiers mise en œuvre par Brice Hortefeux, des centaines de travailleurs de tous pays continuent à arriver en France chaque jour, de manière tout à fait légale, parce que l’économie française a besoin d’eux.

Ce qui veut dire qu’en cas d’indépendance de la Martinique, nos parents vivant en France auront le choix entre garder la nationalité française ou adopter la nouvelle nationalité martiniquaise. Rien d’extraordinaire à cela : c’est ce qu’ont déjà fait avant eux des dizaines de milliers d’immigrés arabes et africains. Par exemple, il existe deux populations arabes en France : les « Beurs » dont les parents ont choisi la nationalité française et les autres qui ont gardé celle de leur pays d’origine (Algérie, Maroc etc..).

Nos lumpen-intellectuels ignorent-ils qu’on peut parfaitement vivre en tant qu’étranger dans un pays ?

Il y a un grand nombre d’Anglais, de Nord-Américains, de Sud-Américains, de Japonais mais aussi d’Arabes et d’Africains, qui vivent depuis des années et des années en France et qui, à aucun moment, ne songent à demander la nationalité française. De même, ici, en Martinique, les « Métros » pourront choisir, le moment venu, entre devenir martiniquais ou rester français.

Où est le problème ?

On a parfaitement le droit de vivre en tant qu’étranger dans un pays. Le seul problème est qu’il faut que le pays dont on est le ressortissant soit assez vigilant pour faire respecter vos droits qui peuvent être violés (mais ceux des nationaux peuvent l’être aussi). Quand Khadafi exige que la justice suisse libère son fils, quand Sarkozy demande au Mexique la libération d’une Française emprisonnée, quand Kagamé, le président du Rwanda, exige que la police française relâche son ministre Rose Kabuye, ils ne font qu’exercer cette vigilance. Ce genre d’interventions a lieu quasiment tous les jours à travers le monde.

Faire donc peur aux Martiniquais en leur faisant croire qu’en cas d’indépendance, nos parents qui vivent en France seront expulsés du jour au lendemain, qu’ils perdront leur travail ou qu’ils seront maltraités, est misérable et lâche.

Et d’ailleurs, en dépit de leur beau passeport européen, de leur nom et leur prénom bien français et de leur religion chrétienne, nos parents qui vivent « là-bas », ne sont-ils pas DEJA maltraités, ostracisés, discriminés ?

S’ils disposaient un jour d’un passeport martiniquais, ils ne le seraient pas davantage. Arrêtez, messieurs, de raconter n’importe quoi !

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