Le reportage que nous avons diffusé lundi sur le cauchemar des migrants africains en Libye qui sont battus et vendus comme des esclaves a suscité beaucoup de réactions. Vous avez été nombreux à demander si le Canada finançait, même indirectement, ce trafic d'êtres humains.
Au moment où les dirigeants de la planète sont réunis à New York pour l'Assemblée générale de l'ONU, la présidente internationale de Médecins sans frontières (MSF), Joanne Liu, dénonce avec force le sort des migrants africains en Libye. La Québécoise qui s'est rendue dans ce pays explique n'avoir rien vu d'aussi cruel en 20 ans de missions dans le monde.
Près d'un million d'Africains fuyant les violences et la misère sont coincés de force en Libye et traités comme des esclaves dans des réseaux de prostitution et de travaux forcés ou dans des centres de détention, où ils sont traités comme des bêtes, selon la pédiatre. Elle a eu accès à ces prisons libyennes, où les viols et la torture gratuite sont plus fréquents que les repas.
Les migrants, la Libye et l'Europe
La Dre Liu accuse l’Union européenne de financer ce trafic d'êtres humains en donnant des centaines de millions à la Libye (600 millions en 2016) pour que le pays garde ces migrants chez eux. La stratégie semble porter fruit.
Du 1er janvier au 7 mai 2016, plus de 187 000 migrants avaient atteint l’Europe par la Méditerranée. Durant la même période cette année, seulement 49 000 ont réussi la traversée, soit quatre fois moins.
Refouler les migrants en Libye a un prix humain énorme, avertit Joanne Liu. « On retourne des femmes enceintes à des violeurs, on les renvoie dans un endroit infernal d’abus, dans un lieu de non-droit. Je ne croyais pas que l’homme pouvait être aussi cruel », dit-elle.
Des migrants emprisonnés regardent le photographe derrière des barreaux et une porte maintenue fermée par un cadenas.
Des migrants détenus dans un centre de détention libyen, le 10 septembre 2017. Photo : Reuters/Hani Amara
La Dre Liu a aussi un message aux contribuables des pays occidentaux qui financent cette Libye, devenue une prison à ciel ouvert. « Je ne crois pas, ajoute-t-elle, que le citoyen moyen accepte que son argent soit utilisé pour garder des gens dans des systèmes de prédation comme ça. »
Et le Canada?
Qu'en est-il de l'aide canadienne? Il est difficile de savoir avec certitude ce qui arrive à l'aide internationale envoyée en Libye. Ottawa donne, au total, 5,2 millions de dollars en aide humanitaire à la Libye.
L'aide bilatérale, donnée directement, est de 1,8 million de dollars. À ce montant s'ajoutent 3,4 millions de dollars qui sont octroyés à deux agences de l'ONU et à deux ONG présentes en Libye.
Selon Ottawa, cet argent est donné à des organismes indépendants des autorités libyennes, mais il est impossible d'affirmer que l'aide n'est pas détournée par des réseaux de trafiquants.