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LE CHLORDECONE, L’ETAT FRANÇAIS ET NOUS !

Raphaël CONSTANT
LE CHLORDECONE, L’ETAT FRANÇAIS ET NOUS !

Il faudra lire, relire et même archiver l’interview sur le chlordécone de M. le Préfet Robine dans le France Antilles du 27 janvier 2018. Il est tout simplement stupéfiant.

Cet homme, haut fonctionnaire de l’Etat Français, parle du chlordécone comme s’il s’agissait d’un phénomène naturel au même titre que l’ouragan Maria ou les lahars de la rivière du Prêcheur.

Or, le chlordécone est une création humaine, la fabrication d’une molécule nocive. Elle est arrivée en Martinique pour le malheur de notre île du fait des hommes à la recherche de profits et non de la nature.

Dans ce processus, l’état français porte une terrible et écrasante responsabilité car c’est LUI qui a permis que ce produit interdit aux USA dès 1976 et considéré comme cancérigène depuis 1979, soit utilisé en Martinique.

 

A toutes fins, rappelons qu’en 1981, 1990, 1992, 1993, des ministres français de l’agriculture (Edith Cresson, Henry Nallet, Louis Mermaz et Jean-Pierre Soisson) ont sciemment et en toute connaissance de cause permis que ce poison soit utilisé en Martinique dans les bananeraies !

Le résultat est effrayant car aujourd’hui le tiers des surfaces agricoles, la quasi-totalité des rivières et les deux tiers des cotes sont contaminées.

L’ironie (coloniale) veut que la prise de conscience de cette catastrophe soit venue de France quand on a détruit en 2002 à Dunkerque une tonne et demie de patates douces venant de Martinique. Bref, les colonisés pouvaient manger du chlordécone depuis plusieurs années mais pas les citoyens du pays colonisateur !

Face à une telle réalité, la première chose que le principal représentant de l’Etat Français aurait dû faire avant de venir nous donner des conseils ou promouvoir son « site à nigauds », cela aurait été de s’excuser et même de demander pardon.

M. le Préfet n’est pas crédible dans la lutte contre le chlordécone au même titre que le drogué est mal placé pour promouvoir la lutte contre les addictions.

 

Cette affaire du chlordécone est la pire illustration du fait qu’en Martinique l’état (français) ne joue pas le rôle protecteur des citoyens qui aurait dû être le sien.

Ce n’est pas la seule.

Nous pouvons citer bien d’autres illustrations de cette triste évidence.

Ainsi, le fait que la DGAC française ait autorisé en 2005 une compagnie d’aviation colombienne, percluse de dettes et maintes fois sanctionnée, l’autorisation de faire des vols commerciaux en charters sur le parcours Panama/Martinique, est un manque élémentaire à la protection à laquelle a droit le citoyen.

Ainsi, il en est de même pour les habitants de la Cité Grenade à l’Ajoupa Bouillon qui vivent au vu et su de l’état et des élus dans le milieu cancérigène de l’amiante.

Aussi, la dégradation du système de santé, l’inefficacité de la lutte contre les sargasses etc…..

Certes, avec le délitement de ce qu’on appelle encore l’état providence sous les coups de boutoirs des politiques néo-libérales, on assiste à une dégradation des services publics dans la plupart des pays capitalistes développés.

Mais, entre le chlordécone, l’épandage, Albioma… on atteint des sommets vertigineux de l’irresponsabilité d’un Etat et de son refus de jouer le rôle qui aurait dû être le sien.

 

Car la « déchlordénisation » devrait commencer par la détermination des responsabilités qui nous ont amené dans l’actuelle situation.

Or, rien n’est fait dans ce sens et l’impunité signifie que demain les mêmes ou d’autres pourront recommencer, s’ils ne l’ont pas déjà fait !

 

Pour faire une analogie même boiteuse, cette situation rappelle la fameuse loi dite Taubira. Par celle-ci, les parlementaires français ont proclamé que la traite négrière et l’esclavage étaient un crime. Mais, comble de l’hypocrisie, là aussi, il y a crime mais la loi ne dit pas qui est le criminel et donc qui sont les victimes. D’où un discours arrogant d’un chef d’état, Hollande, proclamant que le droit à réparation n’existe pas.

 

Donc à défaut de chercher pourquoi et donc de réparer, le représentant de l’état nous distille des informations provenant de ses services. Ainsi, tranquillement, devant les élus qui l’ont écouté quasi religieusement, il a expliqué que 92% (quelle étude ?) des martiniquais (qui sont les 8% chanceux ?) ont des traces de chlordécone mais qu’il ne fallait pas trop s’inquiéter car la dose diminue de moitié tous les six mois !

Même si on en mange encore ?

Puis ce cher Préfet qui nous a dit être très attaché à cette affaire (merci pour cegtte mansuétude), a indiqué que pour « déchlordeconer » les terres, il n’y avait pas encore de solution !

Pourrait on savoir combien d’euros ont été investis dans les recherches pour y parvenir ?

 

Très sincèrement, peut on faire confiance à un tel Etat qui n’a pas su empêcher la catastrophe pour nous en sortir ?

A-t-on jamais vu un criminel ou son complice lutter contre le crime commis et s’occuper des victimes ?

En fait, c’est ce que nous propose ce Préfet !

Si nous laissons l’état français faire, nul doute que nous allons vers un drame sanitaire encore plus grand.

 

Outre la question de la (ir)responsabilité de l’Etat, cette affaire du Chlordécone montre la (fausse) réalité dans laquelle se complaisent les élus martiniquais.

Aux périodes (voir ci-dessus) où l’état français a autorisé l’utilisation du chlordécone, la Martinique avait trois à quatre députés (pêle-mêle, nous avions Césaire, Dogué, C. Lise, Lordinot, C. Petit, Sablé) deux sénateurs (Désiré et R. Lise), des conseils général (Président Maurice puis C. Lise) et régional (C. Petit, Darsières).

 

Sur tout ce petit monde, on sait qu’un seul, le député Lordinot, a clairement appuyé la demande de dérogation en 1993. Mais les autres ? Qu’ont-ils fait ou que n’ont-ils fait ? Rien car ou ils ne savaient pas ou cela ne les intéressait pas.

Cela montre que non seulement cet aéropage d’élus n’a pas de réel pouvoir mais encore qu’il n’a même pas accès au savoir, (pas toujours, puisque pour l’épandage et Albioma, on a bien vu le choix des élus) afin de prévenir la population.

 

On retrouve la même problèmatique avec les chambres consulaires (commerce, agriculture, artisans etc…) qui n’ont joué aucun rôle. D’ailleurs, quand on interroge l’actuel président de la Chambre d’Agriculture, on a l’impression qu’il vit dans un monde irréel où le chlordécone n’existe pas.

 

C’est dans un tel contexte qu’il faut apprécier les sauts et « solibo » de S. Letchimy. Député depuis plus de dix ans, ancien proche de l’ex pouvoir socialiste, on ne l’a guère entendu sur cette question. Et ne voilà-t-il pas qu’il nous fait la grosse colère en 2018. Il fut pour l’épandage. Il est pour Albioma. Mais il découvre que le « chlordécone » est une affaire d’état. On ne peut que trembler pour l’ancien maire de Fort de France d’une telle (même tardive) prise de conscience !

Mais au-delà de l’anecdote, l’essentiel est de voir que tant sur le plan de la prévention que du traitement, nos élus n’ont aucune capacité sérieuse d’agir, sinon d’écouter religieusement un préfet venir leur faire la leçon !

 

L’histoire retiendra que les premiers à avoir mis en cause l’utilisation de produits pesticides organochlorés sont les travailleurs agricoles (les premières victimes de ce poison) qui dès 1974 (il y a plus de quarante ans) en réclamaient l’interdiction.

 

Je rejoins donc l’idée que la lutte sur la question du chlordécone et autres poisons encore utilisés (oui, oui, il n’y en a encore même si on veut nous faire croire que « notre » banane est quasiment bio !) devrait être un combat populaire (au sens d’une lutte transparente sous contrôle de la population) à ne déléguer ni à un état complice du crime ou à des élus qui n’ont aucun moyen. Mais, Il faut aussi internationaliser cette question et sortir du face-à-face avec l’état français car l’avenir de notre peuple n’a rien à y gagner.

 

Le 14/02/18

R. CONSTANT

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