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LE DANGEREUX ZELE DE M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

Raphaël Constant
LE DANGEREUX ZELE DE M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

 Les évènements de la nuit du 16 au 17 juillet 2020 s’inscrivent dans la droite ligne des choix provocateurs du Procureur de la République depuis septembre dernier, le début des manifestations des jeunes activistes devant les supermarchés de GBH en dénonciation du rôle de la caste békée dans l’empoisonnement au chlordécone du pays Martinique et de son peuple.

 Au nom de la défense de l’ordre, le Procureur de la République a clairement pris position contre ces jeunes et pour la défense des propriétés et intérêts de GBH. Certes, ce choix est assez logique car la défense d’un ordre racisé et clairement colonial est dans les gènes d’un appareil judiciaire traditionnellement répressif.

 Ordre racisé car la société martiniquaise d’aujourd’hui est celle issue de la société esclavagiste de 1848 avec ses mêmes injustices, ses inégalités, sa répartition de la richesse tenant compte d’une hiérarchie de la couleur de peau. Ordre colonial car il suffit de réunir les chefs des services publics de ce pays Martinique pour voir qui le dirige vraiment.

 Les choix du Procureur sont conformes à son rôle de défense de l’ordre racisé et colonial, même si traditionnellement, les procureurs tentent de donner une apparence d’impartialité à leurs activités et leurs poursuites judiciaires.

 Ici, rarement, un parquet de ladite République Française n’a montré si clairement son parti-pris et son souci de défendre les privilégiés de cet ordre racisé et colonial.

 Bien entendu, ce Procureur n’est pas du tout raciste. D’ailleurs, il n’y a plus de racistes chez les responsables occidentaux. Notre Procureur n’est pas raciste comme M. TRUMP, Mme LE PEN ne le sont pas non plus ! Il remplit sa fonction de missionnaire avec zèle comme ces prédécesseurs, procureurs du roi, procureurs impériaux. Il a sans nul doute la bonne conscience de ceux qui font leur travail sans tenir compte de la réalité, des injustices, des inégalités. Il applique la loi aveuglément.

 Outre qu’il est le défenseur d’un ordre racisé et colonial, M. le Procureur est aussi un homme qui aime étaler sa force, sa puissance.

 L’importante mobilisation des forces dites de l’ordre (pour une bonne part venant de France et tenant des propos à connotation racisée) aux alentours des magasins Carrefour pendant des semaines, avec l’argent des contribuables, en était un premier signe.

 Les arrestations (en fait des rafles !) au petit matin de jeunes militants avec force déploiement de policiers, armés, casqués, bottés, déguisés en « ninja », créant l’effroi dans des quartiers populaires ou non, désignant certains à l’espérée vindicte populaire rappellent des temps maudits. Mais cela permet aussi d’afficher puissance, arrogance, mépris vis-à-vis de ceux qui combattent l’ordre racisé et colonial.

 M. le Procureur pourrait faire convoquer ces jeunes, d’autant que (mais est-il en état de les comprendre ?) ceux-ci ne fuient pas leurs responsabilités et assument (avec une dignité inaccessible aux oppresseurs). Non, cela serait trop simple. Il faut aller les cueillir chez eux, au petit matin. On pense les marginaliser. Cela donne aussi de l’ouvrage aux gardes mobiles de passage et leur fait croire qu’ils sont comme à la guerre. Cela permet de faire peur et l’objectif de M. le Procureur est de faire peur à ceux qui combattent son ordre qu’il appelle public !

 Rafles en novembre, rafles en juillet, l’ordre racisé et colonial est en bonne marche.

 Provocation aussi lors des procès. Mobilisation des troupes armées, casquées, bottées dans les palais pour empêcher la publicité des débats. M. le Procureur est présent, aux premières loges lorsque l’accès au palais de justice est refusé au public. Il assiste aux provocations, aux affrontements. Que fait-il là ? Compte-t-il les coups ? Aime-t-il la violence ? Vérifie-t-il que ses (ou les) ordres sont bien appliqués ?

 Rarement un fonctionnaire de l’institution judiciaire ne s’est à ce point engagé sur le terrain.

 M. le Procureur feint de laisser croire qu’il fait normalement son travail. Il défend ses policiers et ses militaires. Qu’ils frappent, qu’ils blessent, peu importe, ils ont raison. Si demain, il y a des morts (car il devient manifeste que cela soit le but pour faire encore plus peur, conformément à l’histoire coloniale de ce pays), cela ne sera que de « l’usage strictement nécessaire de la force légitime » !

 Les images du 16 juillet montrent un tambour saisi. Image hélas familière et conforme à l’histoire (la connaissent-ils d’ailleurs, cette histoire, ces policiers, gendarmes et autres fonctionnaires de police ?). L’ordre racisé et colonial n‘aime le son du tambour que s’il est militaire. Celui des anciens esclaves évoque trop la liberté pour être supportable aux ouïes de nos oppresseurs.

 Les images montrent les forces dites de l’ordre qui, à plusieurs, frappent un homme à terre, quitte à le faire saigner abondamment. On voit même un de ses policiers et militaires essayant de nettoyer le sang à terre ! Image banale d’un ordre injuste !

 Et le Procureur commente sur les médias sans dire que celui qui est au sol avait déjà échappé aux arrestations de novembre. Hasard ? Ah dit-il, mais le jeune avait frappé avant. Serait-ce vrai, est ce la loi du talion qui prévaut chez les militaires français ?

 M. le Procureur va de procès en procès. Il tient l’horloge et la trique judiciaires. C’est lui qui décide. Il pense faire peur à ceux qui combattent son système. Il se leurre mais il a bonne conscience.

 M. le Procureur est un homme de presse. On le voit y vanter ses enquêtes. On le voit sur le terrain, accompagné du ou accompagnant le préfet, le M. Ananas (quelle belle illustration du mépris de ces hommes pour notre peuple) de la rue Victor Sévère. M. le Procureur veut montrer qu’il combat la délinquance. Que celle-ci augmente, que la violence se déchaine. Qu’il y ait de plus en plus de morts par balles en Martinique, M. le Procureur est « droit dans ses bottes ». Il défend son ordre et cela lui suffit.

 Récemment, il a donné une interview concernant l’audience « annulée » des jeunes de l’affaire Océanis. Il exploite les failles apparues au sein de la défense. Il est de bonne guerre d’exploiter les faiblesses des adversaires, surtout quand ceux-ci ont la bêtise de tendre des perches pour se faire battre. Mais à la fin, M. le Procureur fait un aveu qui démontre tout son sens de la justice. A la question de savoir s’il va reconvoquer ces jeunes devant un tribunal, il répond que cela dépendra de leur attitude ……

 Entre les lignes, c’est clair. Vous arrêtez d’embêter GBH et de mettre en cause mon ordre racisé et colonial, je passe l’éponge. Sinon, la matraque judiciaire frappera.

 Dans quelques mois, M. le Procureur quittera la Martinique. Il ira en un autre lieu défendre un ordre (peut-être) républicain. Il laissera ici une odeur de rafles, de coups et de sang. Il laissera aussi une délinquance de droit commun débridée et violente.

 Il a perdu en faisant croire qu’il était neutre ou objectif. Il a perdu sur son traitement du 13 janvier 2020. Il n’a gagné qu’en une chose : les magasins de GBH sont pour le moment à nouveau tranquilles. Bernard peut dire merci !

 M. le Procureur a rempli son office.

  R. CONSTANT

  Avocat et Militant

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