On se souvient que juste après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République française en 1981, prétextant le vote massif des Martiniquais pour son adversaire de Droite, Valéry Giscard d’Estaing, le président du PPM (Parti Progressiste Martiniquais) de l’époque, le député-maire et député-poète Aimé Césaire avait décrété un moratoire dans la lutte pour l’autonomie.
Réécoutons ses mots :
« Camarades, vous savez ce qu’est un moratoire ? C’est un arrêt provisoire, c’est une suspension. Je n’ai pas dit suppression, j’ai dit une suspension…Je proclame ce soir et jusqu’à nouvel ordre, je proclame solennellement un moratoire politique, concernant le statut juridique. »
Cette décision unilatérale, on le sait, a stérilisé la lutte du peuple martiniquais pour son émancipation durant les deux mandats de Mitterrand, devenu le « frère socialiste », « l’allié socialiste ami du peuple martiniquais » de qui l’on pouvait obtenir à la fois respect et assistance. Le moratoire, ce fut bel et bien 14 ans d’arrêt ! 14 ans de sur place. D’aucuns argueront des bienfaits apportés à la Martinique par le mitterrandisme : lois Auroux, autorisation des radio-libres, titularisation des maîtres-auxiliaires etc…Sauf qu’il ne s’agissait là que de l’application mécanique de décisions prises pour l’Hexagone et d’abord pour l’Hexagone. Rien qui ait fait avancer d’un demi-centimètre la lutte du peuple martiniquais pour son émancipation !
Aujourd’hui, c’est-à-dire trois décennies plus tard (28 ans pour être précis), voici que le PPM et son nouveau président sont prêts à nous rejouer la même partie. Voici qu’ils ont décrété de facto un nouveau moratoire, un deuxième moratoire, en appelant les Martiniquais à voter « NON » à la consultation référendaire du 17 janvier 2010 sur le passage de la Martinique à l’article 74. Ainsi donc, alors même que l’autonomie est à portée de main, cette autonomie dont le PPM s’est fait le héraut durant 50 ans, c’est le moment que choisit ce parti pour battre en retraite comme un crabe en utilisant une série d’arguments fallacieux.
Ce lamentable moratoire se veut une stratégie en 4 étapes dont la première serait de voter « NON » le 17 janvier et « OUI » à la consultation du 24 du même mois sur la création d’une assemblée unique. Puis, la troisième serait une période d’expérimentation de 6 ans (donc 50 ans d’attente + 6 ans = 56 ans d’attente !!!) et enfin la quatrième une nouvelle consultation du peuple martiniquais sur « une vraie autonomie » c’est-à-dire « une autonomie inscrite dans la constitution française », chose qui, soit dit en passant, nécessite une modification de cette dernière et donc la réunion du Congrès de Versailles (réunion de tous les députés et sénateurs français).
On ignore quel ou quels brillant (s) cerveaux ont concocté cette stratégie tortueuse, mais ce que l’on peut dire d’ores et déjà, c’est qu’il s’agit d’un coup très dur porté à l’idée d’autonomie. Pourquoi ? Pour une raison archi-simple : dans la tête de l’électeur moyen, l’autonomie (article 74) en viendra à remplacer l’épouvantail que fut naguère l’indépendance. Ayant voté une première fois contre le principe d’autonomie (le 17 janvier 2010 donc), on voit très mal comment six ans plus tard, il changerait son fusil d’épaule. D’autant que la vieille Droite assimilationniste s’est réveillée de son coma et qu’elle fait cause commune avec le PPM bien que ce dernier s’en défende. Il faut en effet une loupe, voire un microscope électronique, pour voir la différence qu’il y a entre l’article 73 de l’UMP et l’article 73 constitutionnalisé du PPM. Menm bet, menm pwel !
Avec ce deuxième moratoire, le PPM portera donc au regard de l’histoire__et cela pour la deuxième fois__la responsabilité de la stagnation de la revendication nationale martiniquaise à l’heure où le peuple martiniquais et la culture martiniquaises sont menacés de disparition.
C’est bien Aimé Césaire qui a parlé du « génocide par substitution », n’est-ce pas ?...
Commentaires