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Le grand naufrage d'Air Martinique. Après quinze ans de gestion désastreuse, la compagnie va être liquidée ou vendue

liberation.fr
Le grand naufrage d'Air Martinique. Après quinze ans de gestion désastreuse, la compagnie va être liquidée ou vendue

Quinze ans d'arnaques, de petites compromissions politiques et de grosses fautes de gestion" la sanction a fini par tomber: la Martinique va perdre la maîtrise de son ciel.

Le 18 novembre, Air Martinique sera liquidée ou vendue à sa soeur ennemie, Air Guadeloupe. La compagnie aérienne antillaise, fierté des pouvoirs publics locaux, n'a en effet pas déniché les dix petits millions nécessaires pour ne pas sombrer. La société, qui collectionne les dépôts de bilan, n'inspire pas confiance. En décembre dernier, elle frappait pour la troisième fois à la porte du tribunal de commerce de Fort-de-France. La ronde des faillites s'ouvre en 1981. Air Martinique, petite coquille à mi-chemin entre l'école de pilotage et le transport insulaire au coup par coup, évite une première fois le pire grâce à Euralair, compagnie privée. Deux ans plus tard, nouveau crash. Cette fois, les élus locaux, galvanisés par la décentralisation s'en mêlent. Le département (en 1983) puis la région (en 1985), désormais richement dotés, s'emparent de 79% du capital et entrent de plein droit au conseil de surveillance. A défaut de stratégie, les élus PPM (le parti d'Aimé Césaire, proche des socialistes) ont leur chauvinisme: Air Martinique doit voler plus haut que Air Guadeloupe et mieux que Air France, ce grand «colonisateur» du ciel antillais.

Six compagnies aériennes s'y livrent une guerre des prix suicidaire, la direction générale de l'aviation civile tente de convaincre Air Martinique, Air Guadeloupe et Air Guyane de se coordonner sous l'aile d'Air France. En 1990, les négociations ont fait long feu. Assurés du soutien des pouvoirs publics locaux, Air Martinique tente l'aventure en solo. C'est le début des déboires. Le déficit (8 millions de francs en 1991) se creuse: fin 1992, les pertes ressortent à 92 millions pour seulement 280 millions de chiffres d'affaires. En juin 1993, avec le deuxième dépôt de bilan d'Air Martinique, le scandale éclate. Les salariés de la compagnie découvrent, médusés, la réalité de la gestion de leur patron, Michel Ziegler, fondateur d'Air Alpes (hélicoptères), pilote chez AOM, et maire RPR de Saint-Bon-Tarentaise (Savoie). La désorganisation est complète, les frais généraux démentiels, les bilans approximatifs ou invérifiables faute de pièces comptables, les effectifs pléthoriques. Plus grave encore, la compagnie n'a plus un seul avion en propre; elle est vampirisée par d'obscures sociétés de leasing profitant de la loi Pons (défiscalisation des investissements dans les DOM). Pis: plusieurs prestataires de services de la compagnie aérienne sont directement sous contrôle de Ziegler ou de ses proches. Dans le même temps, on apprend que le maire de Saint-Bon-Tarentaise s'est illustré dans plusieurs opérations immobilières douteuses dans sa commune.

Ulcérés, les 350 salariés portent plainte contre X pour banqueroute. Jacques Vergès accepte de les défendre. Le SPRJ débarque et le tribunal de grande instance charge un expert comptable, Alain Aouaniche, de faire la lumière sur l'affaire. Curieusement, la justice temporise: la commission rogatoire décidée en octobre 1995 n'a pas encore eu un commencement d'exécution. C'est dans ce climat délétère que Corsair (Nouvelles Frontières) propose de reprendre Air Martinique. A la clé, un plan de licenciement de 168 personnes. La proposition échoue: «Quand je suis arrivé au palais de justice, le personnel d'Air Martinique, enchaîné aux grilles, scandait: "Le fouet et les chaînes, ici, c'est fini, raconte l'avocat de Nouvelles Frontières. Nous avons laissé tomber.»

Mais les élus ne s'estiment pas battus. Ils dénichent plusieurs personnalités martiniquaises prêtes à les accompagner dans une nouvelle aventure aérienne. Trois mois après son deuxième dépôt de bilan, une Société Nouvelle Air Martinique, cantonnée à l'exploitation des liaisons régionales, voit le jour. Il lui faut un président. Ce sera Guy Aurore, ancien directeur du Groupama, qui a des affaires dans l'immobilier et qui préside une télévision locale en difficulté. Il ne connaît rien à l'aéronautique et n'a, à l'évidence, pas le temps de s'y intéresser. Qu'importe, c'est un autochtone. Malgré les déboires passés, personne ne se soucie vraiment de rentabilité ou de coopération avec les autres compagnies. La sanction ne se fait pas attendre: en 1995, le déficit atteint 8 millions de francs, trois fois plus l'année suivante. En décembre 1996, la troisième faillite est consommée. 100 millions de fonds publics engloutis en quinze ans et une ardoise cumulée de plusieurs centaines de millions n'avaient pas découragé les élus locaux: «Nous devons trouver une solution, sinon les z'oreyes (métropolitains, ndlr) vont nous obliger à pactiser avec Air Guadeloupe"», confiait l'un d'eux en janvier. Confronté à la dégradation de la situation économique locale (le taux de chômage atteint 30% dans l'île), les pouvoirs publics locaux ont finalement dû se rendre à l'évidence: la Martinique n'a plus les moyens d'entretenir une danseuse.

 

Source : http://www.liberation.fr/futurs/1997/11/06/le-grand-naufrage-d-air-martinique-apres-quinze-ans-de-gestion-desastreuse-la-compagnie-va-etre-liqu_221658

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