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Le jardin secret du pharmacien

Le jardin secret du pharmacien

«Nous voulons être des modèles de réussite.» Présomptueux, Henry Joseph? Non, simplement convaincu de la justesse de ses combats. Et mû par une vitalité peu commune. Comme si ce docteur en pharmacie avait ingurgité toutes les plantes énergétiques de la terre...

A 48 ans, le Dr Henry Joseph - qui en paraît dix de moins - est toujours l'unique spécialiste de pharmacognosie (étude des médicaments d'origine animale et végétale) des quatre DOM. Une excellence qu'il entend partager à travers sa longue lutte pour la «légalisation» des plantes d'origine caribéenne - «En 1794, il a été interdit aux Noirs de vendre des plantes, car les colons avaient peur d'être empoisonnés. A cette même époque naissait la Pharmacopée française. Depuis, il ne s'est rien passé, c'est consternant.» 

Henry Joseph, titulaire d'une thèse de doctorat de l'université de Montpellier et pharmacien, depuis 1992, à Basse-Terre, n'a rien du savant fou, qui bricole, au fond de son laboratoire, des élixirs douteux et autres préparations hasardeuses. Sa bible? Le premier volume de la Pharmacopée caribéenne, publié en 1999, né du travail d'une équipe de 200 chercheurs de la Caraïbe (groupe Tramil) sur la classification des usages de 625 plantes de la région. «Nous avons démontré scientifiquement que certaines de nos plantes sont actives, par exemple, contre des mycoses ou des dermatoses, là où les plantes métropolitaines sont inefficaces, explique Henry Joseph. D'autres permettent d'atténuer les souffrances de personnes atteintes de maladies qui nous sont propres, comme la drépanocytose, la dengue ou le paludisme.» Or seules 19 plantes domiennes (citronnelle, gingembre, jujubier, orthosiphon...) - qui s'apparentent davantage à des épices et à des aromates - sont inscrites dans la Pharmacopée française. 

Voilà pourquoi, avec le Pr Claude Bourgeois et Me Isabelle Robard, deux spécialistes en la matière, le pharmacien de Basse-Terre fait le siège de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), l'organisme public chargé d'établir la pharmacopée officielle. Parallèlement, le président de l'Association pour la promotion des plantes aromatiques et médicinales en Guadeloupe (Aplamedarom), qu'il a créée en 1999, exerce un intense lobbying auprès des politiques. Autant de démarches qui commencent à porter leurs fruits.

«2003 aura vu l'aboutissement de plusieurs de nos projets, souligne, satisfait, Henry Joseph. La création d'un diplôme universitaire de botanique et en phytomédicaments à la faculté de Pointe-à-Pitre, afin de former et de sensibiliser tous les professionnels de la santé. Et l'inscription, dans la loi-programme pour l'outre-mer, de l'article 43 habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnances, notamment dans le domaine de la pharmacopée.» Ce qui signifie, vu le soutien de Brigitte Girardin, ministre de l'Outre-Mer, une meilleure prise en compte, à terme, des plantes antillaises. «Enfin, poursuit le pharmacien, avec la société Biotanica, nous développons une nouvelle filière aromatique, qui devrait aider à redresser la balance commerciale de la France, déficitaire dans ce secteur et, surtout, permettre de diversifier nos cultures, concentrées aujourd'hui sur la canne et la banane.» 

Né il y a un an, sous la houlette du Pr Jacques Protécop et les bons offices du conseil régional - qui a, notamment, financé l'achat du terrain - Biotinica exploite, sur les hauteurs de Capesterre-Belle-Eau, 10 hectares d'ambrettes. «Nous avons commencé avec une plante à forte valeur ajoutée. La graine de l'ambrette est en effet un fixateur de parfums et d'arômes. Or les parfumeurs, qui ont des problèmes avec les fixateurs d'origine animale - les animaux sont dorénavant protégés - ou de synthèse - provoquant de plus en plus d'allergies - se tournent à présent vers des produits naturels.» Avec la mise en place d'une usine d'extraction à Lamentin, les premières huiles essentielles pourront être commercialisées dès la fin de 2004. Biotanica emploie déjà 60 personnes et entend bien, après ce projet pilote, multiplier les productions de plantes aromatiques et... médicinales. «L'important, insiste Henry Joseph, c'est aussi de donner à nos jeunes une autre image de la terre. Longtemps, elle a été synonyme de souffrance et de misère. Les jeunes ne veulent plus se salir les ongles: c'est cela également que nous devons changer.» 

Henry Joseph, natif de Gourbeyre, lui, n'a jamais éprouvé ce mépris. Tout au contraire. Son père puis sa mère, qui cultivaient fleurs et cristophines sur leur petite propriété montagneuse, lui ont transmis, très tôt, le goût des plantes. Ainsi qu'à son frère, aujourd'hui fleuriste renommé, et à l'une de ses s?urs, qui ?uvre dans les légumes. Aussi, quand ses multiples fonctions lui laissent quelques minutes, se réfugie-t-il dans son «paradis»: 1 hectare d'espèces naturelles, sauvages et fruitières. Un véritable écomusée vivant, qu'il fait visiter, à l'occasion, aux enfants de la Guadeloupe. Pour qu'ils apprennent à parler, eux aussi, le langage des plantes.

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