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LE PARTI COMMUNISTE MARTINIQUAIS ET L’ASSIMILATION

par Yves-Léopold Monthieux
LE PARTI COMMUNISTE MARTINIQUAIS ET L’ASSIMILATION

On ne triche pas avec l’histoire. Elle est pathétique cette volonté d’ignorer la part assimilationniste de la revendication départementaliste exprimée par les deux députés communistes, Aimé Césaire et Léopold Bissol. Qu’ils aient changé d’avis, soit, mais dire que Césaire et les communistes ne voulaient pas l’assimilation est ridicule. Il suffit de relire le discours de ce dernier à l’assemblée nationale au moment du vote de la loi de 1946 pour y voir que l’assimilation était le premier objectif de nos deux élus. Le discours du rapporteur communiste contient plus de 20 fois le mot « assimilation », à l’exclusion de toute réserve et de tout manquement. Mieux, le rapport est présenté avec les accents de ce lyrisme qu’on a connu au député-maire de Fort-de-France, à ses meilleurs moments. D’où ma vieille tribune Le Chant assimilationniste d’Aimé Césaire reprise sur l’internet. Mais tant qu’à consulter ce media, relisez directement le chant, lui-même : le discours de 1946.

« Assimilation » est un mot-enveloppe qui effraie les partis de gauche après s’en être abondamment recommandés. On pourrait y voir une manière d’exorcisme à propos de maléfices qu’on se serait infligés à soi-même, ou une forme de rejet d’un monstre qu’on aurait enfanté. Mais « assimilation » est aussi un contenu pour lequel les partis politiques martiniquais n’ont pas cessé de se battre depuis 70 ans, et qu’ils n’ont pas manqué de vivre sans en perdre une goutte. Sans parler des aspirants assimilationniste de tous bords qui ont habité le long siècle précédant mars 1946. Cette opposition entre l’enveloppe et son contenu participe de ce paradoxe qui règne sur tous les rouages de la société martiniquaise et qui, dit-on, ferait du Martiniquais un être atteint de schizophrénie. D’ailleurs, ce sont les lenteurs de la 4ème République à mettre en oeuvre l’assimilation que sont nés les mouvements autonomistes.

Jacques Vergès, le plus grand dirigeant politique réunionnais du siècle dernier, et encore d’aujourd’hui, a eu l’honnêteté de le rappeler à Césaire au cours d’un échange qu’ils ont eu en mars 2006. Ce communiste qui a quitté le communisme - j’allais dire comme tout le monde, en tout cas comme Césaire et beaucoup d’autres -, c’est celui qui s’est retrouvé en prison pour être allé au plus loin de ses idées. Comme cela ne s’est jamais produit en Martinique, de mémoire d’homme politique.

Comment séparer la volonté assimilationniste de celle d’obtenir les mêmes droits ? Comment donc expliquer cet acharnement à vouloir opposer ces deux aspirations ? Il s’agit de ces sujets inépuisables de vaticinations qui font le bonheur de nos pieux intellectuels. On peut faire dire aux mots ce qu’on veut, mais tout de même : «MÊME = SIMILAIRE >>ASSIMILATION ».

Les seules entorses admises à l’assimilation sont dictées par les spécificités locales. Mais ce sont des entorses en trompe-l’œil. En réalité il s’agit de mesures réclamées à tue-tête, destinées à rattraper les écarts d’assimilation que la nature impose. D’où les 40%, les exemptions d’impôts, la « continuité territoriale », les congés administratifs, les défiscalisations, etc…, toutes exceptions destinées à tordre le cou à Dame nature, à nous soustraire, donc, à notre condition naturelle d’habitants vivant sous les tropiques à laquelle nous sommes par ailleurs attachés.

Surveillant le pouvoir comme le lait sur le feu, le PCM, y compris, avec sa courroie de transmission, la CGT, n’a pas eu de cesse d’exiger que la Martinique ne soit pas considérée, selon leur formule de l’époque, comme des « départements entièrement à part ». « Département à part entière » : c’était le slogan du PCM et, bien que partagé, son succès politique. En 1946, dans la majorité, par son vote, son unanimisme et son lyrisme. Puis, à partir de 1960, dans l’opposition, par sa force de frappe syndicale et sa farouche opposition aux nationalistes. La droite locale n’aurait sans doute pas réussi à vraiment mettre en œuvre la départementalisation – assimilation sans l’aiguillon du parti communiste et de la CGT. Le succès auprès de la population est tel que le pouvoir sait parfaitement que c’est la corde à ajuster pour jouer en outre-mer la musique électorale.

Michel Branchi a donc raison, l’égalité réelle qui, en soi, ne veut rien dire, est une manœuvre électoraliste. Mais laissons à l’économiste du parti communiste le soin de disséquer la promesse électorale du gouvernement. Disons simplement que sa notion de « résurgence assimilationniste irréaliste à visée électoraliste » est compliquée et n’est pas, en la circonstance, la juste expression. « Visée électoraliste », certes, on l’a dit ; « Assimilationniste », on la vu, c’est banal ; « Résurgence » : que non, Michel Branchi, puisque l’assimilation, banale et électoraliste, a toujours été réactivée, parfois par les diligences du PCM, et n’a par conséquent jamais cessé d’exister.

Yves-Léopold Monthieux, le 28 août 2016.

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