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Le quotidien "France-Antilles" dans la tourmente

Le quotidien "France-Antilles" dans la tourmente

   "FRANCE-ANTILLES" est donc en cessation de paiement !!! Qui l'eut dit ? Qui l'eut cru ? Créé dans les années 60 à l'initiative du général DE GAULLE pour mieux asseoir la politique d'assimilation dans les trois dernières colonies françaises d'Amérique et confié au magnat de la presse Robert HERSANT, ce journal bénéficie depuis bientôt un demi-siècle d'un monopole quasiment sans partage, insolent même. Il y a eu, certes, quelques tentatives pour créer des quotidiens concurrents, mais elles ont toutes échoué au bout de quelques mois, "FRANCE-ANTILLES" captant l'essentiel des annonces publicitaires et cela non seulement par le biais du quotidien, mais aussi de ses magazines satellites.

   La question qui se pose est donc la suivante : comment se fait-il qu'un journal qui se trouve en situation de monopole n'arrive ni à équilibrer ses recettes et dépenses ni même à dégager des bénéfices ? Comment cela est-il possible ?

   Il faut d'abord dire que pendant ses trente premières années d'existence, "FRANCE-ANTILLES" a été le plus rentable de tout le groupe Robert HERSANT qui possédait aussi des journaux dans l'Hexagone où aucun quotidien, dans aucune province ou région, ne se trouvait en situation de monopole. Ce qui est encore vrai aujourd'hui. A ces époques, FRANCE-ANTILLES n'était guère concurrencé que par la radio, la télévision dans les DOM étant à ses débuts et l'Internet n'existant pas encore. Or, ce journal en a-t-il profité pour produire un outil de qualité tant au plan technique que rédactionnel ? On peut en douter quand on voit ce qu'il est en 2017. Les photos sont à chier, par exemple, et il suffit que quelqu'un ait l'épiderme un tant soit peu foncé pour que son visage soit quasiment indistinguable !!! On peut dès lors très légitimement se demander où furent réinvestis les bénéfices engrangés au cours de ces trente premières années, d'autant que l'édition de Martinique paie un loyer ridicule pour le bâtiment qu'elle occupe en haut de La Levée, dit boulevard DE GAULLE aujourd'hui.

   En fait, le seul changement fut, il y a quelques années, celui du format : de grand format, il est passé à moyen format, chose qui a considérablement dégradé la qualité technique du journal. Cependant, dans le même, on voyait un léger assouplissement dans l'orientation du journal avec l'arrivée au pouvoir de Henri MANGATTALE. Jusque-là dirigé par des Métros, FRANCE-ANTILLES avait désormais un directeur antillais et embauchait de plus en plus de journalistes, mais surtout de pigistes autochtones. Le journal, dont le bon peuple n'était aucunement dupe au point de l'avoir surnommé FRANCE-MENTI ou FWANS-MANTI, regagnait dès lors un peu de crédibilité grâce à une moins grande implication en faveur de la Droite et de l'Assimilation. La Gauche et les indépendantistes, qui jusque-là étaient superbement ignorés, se voyaient soudain ouvrir les colonnes de La Pravda insulaire et les leaders des différents partis tout comme maints intellectuels prétendument purs et durs ne virent aucun mal à figurer, au sens propre du terme, dans le quotidien d'HERSANT. Il est vrai que cette gauche, ces indépendantistes et ces intellectuels avaient entre temps mis sérieusement de l'eau dans leur rhum.

   Cela signifie-t-il pour autant que FRANCE-ANTILLES soit devenu un journal martiniquais ? D'abord, s'agissant de ses propriétaires, il ne l'a jamais été et quant à ses probables repreneurs, ils ne le sont pas non plus, repreneurs qui viennent de publier une pleine page dans l'édition en date du mardi 18 avril dans laquelle ils s'emploient à donner moult assurances, garanties et serments de bonne foi au personnel de l'entreprise, mais aussi aux lecteurs. On ne saurait toutefois faire grief au groupe HERSANT hier et aux nouveaux repreneurs (AJR) d'être responsables du monopole qu'a détenu et que détient FRANCE-ANTILLES. Rien qu'à Fort-de-France, il y a onze familles qui paient l'impôt sur la grande fortune et nombre de Békés ou Mulâtres fortunés auraient pu (et pourraient encore) fort bien investir dans un quotidien local possédé par des Martiniquais.  Ils ne l'ont pas fait et ne le font pas ! Car c'est tout de même une honte que la minuscule Barbade avec seulement 250.000 habitants (contre presque 400.000 pour la Martinique) dispose de 2 quotidiens, tous deux détenus par des Barbadiens. Mais il est vrai que Barbade est un pays indépendant...

   Notre classe entrepreneuriale ne s'intéresse qu'aux profits à court terme et très rapides, autant dire que la presse n'est vraiment pas un secteur où on peut en faire et cela quel que soit le pays du monde considéré, surtout la presse écrite qui est sévèrement concurrencée par les sites d'informations sur Internet dont l'accès est le plus souvent gratuit. Mais nos intellectuels non plus et autres universitaires s'y intéressent peu aussi, se contentant de publier de temps à autre une tribune dans la page "DEBATS" de FRANCE-ANTILLES qui paraît une fois par semaine. Quant au grand public, à Monsieur-Tout-le-Monde, il est complètement happé par ces armes de crétinisation massive que sont les chaînes de télévision, d'une part et FACEBOOK, de l'autre. Le temps de cerveau disponible pour lire un article sur un journal mal fagoté en plus et aux photos nulles est donc quasiment proche de zéro. On comprend donc que FRANCE-ANTILLES n'ait cessé de perdre des lecteurs au fil des décennies. Mais là encore, il faut se garder de tout rejeter sur ce journal et le groupe HERSANT car quand on prend un magazine comme ANTILLA qui a plus de trente ans d'existence et dont la qualité technique s'est considérablement améliorée, on ne peut pas dire qu'il ait agrandi son lectorat dans la même proportion. Techniquement ANTILLA n'a rien à envier aux hebdomadaires hexagonaux, même si le contenu rédactionnel n'est plus à la hauteur de ce qu'il fut dans les années 80 et 90 du siècle dernier. Combien d'instituteurs, d'infirmières, de cadres moyens et supérieurs, d'universitaires et d'intellectuels achètent ANTILLA chaque semaine ? Font l'effort de l'acheter plus exactement ?

   Tout cela pour dire que le monopole de FRANCE-ANTILLES, si critiquable qu'il soit, est d'abord de la responsabilité des Martiniquais et le fait qu'aujourd'hui, ce journal soit en cessation de paiement est aussi la faute de ces mêmes Martiniquais. Avoir une presse de qualité et non inféodée aux différents pouvoirs politiques, coteries, obédiences et autres corporations ne nous intéresse pas et ne nous a jamais intéressé. Nous étions hier des consommateurs passifs d'un FRANCE-ANTILLES omnipotent et nous sommes aujourd'hui les consommateurs tout aussi passifs de chaînes de télé crétinisantes se dissimulant derrière l'alibi de la proximité et de réseaux sociaux qui relèvent de la viscosité mentale pure et simple.

   Le sort de FRANCE-ANTILLES n'est donc qu'un énième symptôme du Mal Martiniquais, celui que nous refusons de regarder en face, celui qui nous pousse à toujours accuser l'Autre de tous nos maux. Ce Mal a un nom : l'irresponsabilité...

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