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LES 300 MILLIONS $ DE CHAVEZ AUX FARC : UNE INVENTION

Par Greg Palast
LES 300 MILLIONS $ DE CHAVEZ AUX FARC : UNE INVENTION

{C’est dingue, non ?

La semaine dernière, la Colombie a envahi l’Equateur, a tué un chef
de la guérilla dans la jungle, puis a ouvert son ordinateur portable
et… devinez ce que les Colombiens ont trouvé ? Un message à Hugo
Chavez selon lequel celui-ci aurait envoyé 300 millions de dollars aux FARC
pour acheter de l’uranium et fabriquer une bombe !}

C’est ce que Bush nous raconte. Et il le tient de son copain, l’étrange
président d’extrême droite de la Colombie, Alvaro Uribe.

Donc : une fois l’acte accompli, la Colombie justifie sa tentative de
provoquer une guerre des frontières comme un acte destiné à
éliminer la menace d’une Arme de Destruction Massive ! Hum... on a
déjà entendu ça, quelque part...

La presse étasunienne a repris l’histoire des « 300 millions de dollars
de Chavez aux terroristes » en moins de temps qu’il n’aurait fallu au
jeune Bush pour sniffer un rail de poudre colombienne.

Ce que la presse étasunienne a omis de faire [pas que cette presse
là, d’ailleurs – NDT] c’est de vérifier l’information fournie par un
courrier électronique trouvé dans un ordinateur portable magique.
(On suppose que les dernières paroles du dirigeant des FARC furent,
« et mon mot de passe est … »)

J’ai lu ce courrier. Et vous aussi vous pouvez le lire, ici :
http://www.gregpalast.com/farc-docu...

Vous pouvez lire tout le document en espagnol, mais voici la
traduction du seul et unique passage qui fait mention des prétendus
300 millions de Chavez :

« … en ce qui concerne les 300, que nous désignerons désormais
comme le "dossier", des efforts sont déployés sur instructions du
chef au "cojo" (terme d’argot pour "handicapé"), que j’expliquerai
dans un autre courrier. Appelons le patron "Angel" et le handicapé
"Ernesto" ».

Vous avez compris ? Où est Hugo ? Où sont les 300 millions ? Et de
quels 300 parle-t-on ? En fait, remis dans le contexte, la note parle
de l’échange d’otages avec les FARC sur lequel Chavez travaillait à
l’époque (le 23 décembre 2007), à la demande du gouvernement
colombien. En réalité, tout le reste du courrier ne parle que des
modalités d’échange des otages. Voici la suite :

« pour accueillir les libérés, Chavez propose trois solutions : Plan A.
Recourir à une « caravane humanitaire » qui impliquerait le
Venezuela, la France, le Vatican [ ?], la Suisse, l’Union Européenne,
des démocrates [société civile], l’Argentine, la Croix-Rouge, etc. »

Pour ce qui concerne les 300, il me faut souligner que le précédent
échange des FARC concernait 300 prisonniers. S’agit-il des mêmes
300 dont parle Reyes ? Qui sait ? A la différence d’Uribe, de Bush et
de la presse US, je ne vais pas me lancer dans des conjectures ou
inventer une histoire fantasmagorique sur Chavez et des courriers
envoyés au milieu de la jungle.

Pour apporter de l’eau à leur moulin, les Colombiens affirment, sans
aucune preuve, que le mystérieux « Angel » est le nom de code de
Chavez. Mais dans le courrier découvert, Chavez est appelé par le
nom de code de… Chavez.

Et alors ? Et alors, ceci…

L’invasion de l’Equateur est une violation flagrante du droit
international, condamnée par tous les pays latins membres de
l’Organisation des Etats d’Amérique. Mais George Bush a tout
simplement adoré. Il a appelé Uribe pour soutenir la Colombie contre
« les assauts incessants des narco-terroristes ainsi que les
manœuvres provocatrices du régime vénézuelien ».

Notre président s’est peut-être bien un peu mélangé les pinceaux,
mais Bush sait ce qu’il fait : il soutient son dernier allié vacillant en
Amérique du Sud, Uribe, qui est désespéré et dans une situation
politique difficile. Uribe affirme qu’il va traîner Chavez devant la Cour
Pénale Internationale. Si Uribe s’y rend en personne, je lui suggère
d’apporter sa brosse à dents : on vient de découvrir que des
escadrons de la mort d’extrême droite on tenu des réunions
préparatoires dans le ranch même d’Uribe. Les amis d’Uribe ont été
convoqués devant la Cour Suprême colombienne et risquent la
prison.

En d’autres termes, c’est le moment où jamais pour Uribe de sortir ce
vieux lapin politique de son chapeau, la menace d’une guerre, pour
noyer les accusations de crimes portées contre lui. De plus, les
attaques d’Uribe ont littéralement mis fin aux négociations en tuant
le négociateur des FARC, Raul Reyes. Reyes était en pourparlers
avec l’Equateur et Chavez sur un nouvel échange de prisonniers.
Uribe avait autorisé les négociations. Cependant, Uribe savait que si
ces négociations aboutissaient à la libération de prisonniers, tout le
crédit en serait revenu à l’Equateur et à Chavez, et tout le discrédit
sur lui.

Heureusement pour un continent au bord d’une explosion, le
président de l’Equateur, Raphael Correa, est un des hommes les
plus réfléchis et les plus posés qu’il m’est arrivé de rencontrer.

Correa s’est rendu à Brasilia et Caracas pour tenter d’empêcher un
embrasement. Tout en plaçant des troupes à la frontière car aucun
chef d’état ne peut tolérer de voir des blindés étrangers fouler le
territoire national. Correa refuse que l’Equateur serve de sanctuaire
aux FARC. En fait, l’Equateur a démantelé 47 bases des FARC, plus
même que l’armée corrompue de la Colombie.

Pour sa gestion calme et posée de la crise, je vais pardonner à
Correa de s’être excusé d’avoir qualifié Bush de « Président crétin
(dimwitted - NDT) qui a causé beaucoup de dégâts dans son pays et
dans le monde. » (voir un extrait de mon interview de Correa ).

L’heure des amateurs a sonné

Nous pouvons faire confiance à Correa pour maintenir la paix au sud
de la frontière. Mais pouvons-nous faire confiance aux futurs
ex-présidents ? L’actuel occupant du bureau ovale, George Bush, ne
peut tout simplement pas s’en empêcher : une invasion illégale par
un promoteur des escadrons de la mort lui conviendrait
parfaitement.

Mais devinez qui n’a pas pu s’empêcher d’imiter Bush ? Hillary
Clinton, qui en est encore à expliquer que son vote en faveur de
l’invasion de l’Irak n’était pas un vote en faveur de l’invasion de
l’Irak, a fait une déclaration en termes quasi identiques à ceux de
Bush, qualifiant l’invasion de l’Equateur comme le droit de la
Colombie « à se défendre ». Elle ajouta, « Hugo Chavez doit cesser
ses provocations ». Ah bon ?

Je pensais qu’Obama éviterait ce terrain miné – surtout après avoir
été accusé d’être un amateur en politique étrangère pour avoir
suggéré qu’il franchirait la frontière Pakistanaise pour pourchasser
les terroristes. Il est embarrassant de voir Barack répéter
pratiquement mot pour mot les phrases de Hillary en déclarant « le
gouvernement Colombien a tout à fait le droit de se défendre ».

(Je suis certain que la position de Hillary n’a rien à voir avec le prêt
pour sa campagne électoral accordé par Frank Giustra. Giustra a
versé plus de 100 millions de dollars aux projets de Bill Clinton.
L’année dernière, Bill Clinton a présenté Giustra à Uribe, le président
Colombien. Aussi sec, Giustra a signé un accord juteux avec Uribe
sur le pétrole colombien.)

Sans oublier M. Héros de la Guerre, John McCain, qui en tient déjà
une sacrée couche, et qui a déclaré que « Hugo Chavez est en train
d’instaurer une dictature » probablement parce que, contrairement à
Bush, Chavez, lui, fait compter tous les bulletins de vote lors des
élections vénézueliennes.

Mais voici que les choses deviennent vraiment vicieuses.

Le critique des medias Jeff Cohen m’avait dit qu’il fallait guetter le
moment où la presse allait commencer à qualifier McCain d’expert en
politique étrangère et les Démocrates d’amateurs. Et ça n’a pas
loupé. Le New York Times, dans son édition de mercredi, qualifia
McCain de « pro de la sécurité nationale ».

McCain, c’est ce « pro » qui avait affirmé que la guerre en Irak ne
coûterait pratiquement rien en terme de vies et d’argent.

Mais, parlant de l’invasion de l’Equateur par la Colombie, McCain a dit
« j’espère que les tensions baisseront, que le président Chavez
retirera ces troupes de la frontière – de même que les Equatoriens –
et que les relations continuent à s’améliorer entre les deux. »

Ce n’est pas tout à fait de l’anglais (les approximations
grammaticales de McCain ont été plus ou moins rendues dans la
traduction française – NDT), mais ce n’est définitivement pas du
Bush. Et bizarrement, ce n’est définitivement pas du Obama ou du
Clinton en train de saluer bruyemment l’agression Colombienne
contre l’Equateur.

Démocrates, entendez-vous ? Il y a quelque chose de pire que de
voir les medias accuser Obama et Clinton d’être des amateurs, et
c’est de voir les candidats Démocrates se démener comme des fous
pour leur donner raison.

{{Greg Palast}}

[{Traduction par Le Grand Soir}->http://www.legrandsoir.info/spip.php?article6148]

6 mars 2008

Illustration : Raul Reyes

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