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Les Antilles vont bien payer la dette de la crise du Covid-19 !

Jean-Marie Nol
Les Antilles vont bien payer la dette de la crise du Covid-19 !

 En Martinique et Guadeloupe, la problématique de la dette et des déficits, on connaît déjà à travers la situation financière très dégradée des collectivités locales.

 Ainsi les deux-tiers des communes des deux îles sont dans une très mauvaise passe financière en raison notamment d'une masse salariale importante qui a augmenté de 14% en trois ans, selon la direction générale des finances publiques. La dette fournisseurs, fiscale et sociale des communes se creuse également, car début 2020 , elle avoisinait les 185 millions d'euros en Guadeloupe et un peu plus de 150 millions d'euros en Martinique.

 

Il y a un vrai mur de dettes et de déficits devant nous. Ce sera un sujet brûlant en 2021. Ayons toujours en mémoire qu'un pessimiste est un optimiste bien informé.

 

Les hommes et femmes politiques de la Martinique et de la Guadeloupe ne sont pas conscients qu’ils sont dans la situation d’un alpiniste qui est sur une paroi très raide et qui ne sent pas  que les prises sont en train de lâcher : ont-ils bien pris la mesure de la crise économique et sociale à venir en 2021 du fait des mesures d'austérité qui vont être prises pour rembourser les dettes accumulées lors de la pandémie du covid 19 et qui vont mécaniquement entraîner une réduction des dotations de l’Etat ainsi qu'une  progression inéluctable des dépenses notamment sur le plan social ?

 

« Faire de grandes choses est difficile ; mais diriger de grandes choses est encore plus difficile. » – Friedrich Nietzsche. Cette citation est particulièrement vraie dans l’administration des entreprises et la gestion des collectivités locales. Les nerfs des chefs d'entreprises en Martinique et des responsables de collectivités locales en Guadeloupe sont d'ores et déjà soumis à rude épreuve. 

 

La crise de la covid 19 va tarir les sources de financement des collectivités locales qui seront de fait confrontées à ce qu'on appelle un « effet de ciseau » avec des dépenses de fonctionnement augmentant plus fortement que les recettes. De plus, les taux d’endettement des entreprises et des ménages continuent de croître à un rythme soutenu depuis la crise sanitaire actuelle, notamment avec la mise en place des prêts garantis par l’Etat (PGE).

Par exemple en Guadeloupe, au 14 novembre 2020, 1 384 entreprises étaient soutenues pour un montant de PGE de plus de 500 millions d'euros. Pour autant, beaucoup d’entreprises ne pourront pas honorer le remboursement de ces PGE ayant déjà une capacité d’autofinancement insuffisante voire négative. Ce phénomène risque fort d'engendrer une crise bancaire. 

De plus, cerise sur le gâteau, avant que le Covid n’intervienne, 65 % des entreprises de l’archipel guadeloupéen présentaient des dettes sociales, et 35 % des dettes fiscales.

L'économie est une science passionnante qui permet, mieux qu’aucune autre, de prédire l’avenir. Covid-19 oblige, de nombreux Etats, plus particulièrement européens, s’enfoncent dans l’endettement. La situation n’est pas moins désespérée sur d’autres continents. Rien de nouveau me direz-vous. Juste une visibilité un peu plus grande d’une situation malheureusement sans surprise pour certains économistes qui ne cessent de tirer la sonnette d'alarme sur le danger de la dette  depuis des années. 

 

Le coût économique du Covid-19 sera gigantesque. L'endettement mondial devrait atteindre un niveau sans précédent de 277.000 milliards de dollars (233.400 milliards d'euros) à la fin de l'année 2020 en raison des montants colossaux empruntés par les États et les entreprises pour faire face à la crise du coronavirus, conclut l'Institute of International Finance (IIF) dans une étude publiée mercredi.

 

"Il y a d'importantes incertitudes sur la manière dont l'économie mondiale pourra se désendetter à l'avenir sans conséquences négatives importantes pour l'activité économique et la cohésion sociale des États ", estime l'IIF.

 

Quel est le coût de la crise ?

 

L’épidémie de coronavirus entraîne la crise la plus sévère depuis 1945 et pousse l’exécutif à sortir le carnet de chèques pour éviter un effondrement de l’économie. C'est le fameux « Quoi qu'il en coûte » de Emmanuel Macron le chef de l'Etat français. A l’occasion du premier confinement, il a mis près de 60 milliards d’euros sur la table afin de financer des mesures d’urgence : chômage partiel, fonds de solidarité pour les petites entreprises… Et la note s’est encore alourdie avec le reconfinement puisque 20 milliards d’euros de plus ont été mobilisés, soit près de 80 milliards d’euros de dépenses budgétaires. C’est sans compter sur les plus de 400 milliards d’euros de garantie et d’aides en trésorerie et en capital pour les entreprises dont le coût final est incertain. Tout dépendra si ces dernières seront en capacité dans le temps de rembourser leurs emprunts et leurs charges.

 

Mais ce n’est pas tout. Car les deux confinements ont bridé le fonctionnement de l’activité économique et selon le dernier projet de loi de finances rectificatives pour 2020, la chute sera de 11% du PIB. Ce qui va de facto entraîner une forte baisse des recettes fiscales. Entre le rendement de la TVA qui dévisse car les ménages consomment moins, les impôts sur la production des entreprises qui diminuent, près de 50 milliards d’impôts se seront envolés cette année. Le ministre délégué aux Comptes publics, Olivier Dussopt, a fait l'addition fin octobre : l'épidémie « nous a coûté 186 milliards d'euros ».

Résultat, le déficit devrait atteindre 11,3% d’ici la fin décembre. A ce moment-là, la dette française représenterait 119,8% du PIB, contre 98,1%fin 2019. Le stock de dettes qui était de « seulement 1 000 milliards d’euros » en 2008 va ainsi atteindre 2 800 milliards d’euros à la fin décembre 2020, selon l’Insee. 

 

Quelles sont les conséquences de la crise de la dette pour la Martinique et la Guadeloupe ? 

 

L’endettement généré par la crise sanitaire ne cesse de se creuser, et la question du remboursement se posera tôt ou tard. Pour l'instant, le gouvernement exclut toute hausse d’impôts, mais nul doute que les martiniquais et guadeloupéens vont bien payer la dette de la crise du Covid-19, car il y aura forcément des augmentations d'impôts et une diminution de la dépense publique. Tout cela sera mis en œuvre après les élections présidentielles, certainement dans un contexte social hautement inflammable.  En 2021, on risque d’avoir une situation très dégradée avec une forte poussée du chômage, une montée de la pauvreté, et des difficultés croissantes pour les jeunes. 

 

Alors, faut-il avoir peur de l’abyssale dette française quand on suppute que cela aura forcément en cas de crise systémique des répercussions en Martinique et en Guadeloupe avec une réduction drastique de la dépense publique, donc aussi des transferts publics vers les DROM ?

 

Et de fait, la vérité doit être dite sans fard : la capacité de production de l'économie Antillaise subira un coup qui persistera même si les restrictions de santé publique s'assouplissent par la suite avec l'arrivée d'un vaccin. La richesse produite par la Martinique et la Guadeloupe à savoir le PIB va drastiquement baisser dans la décennie à venir. 

Aujourd’hui, il est devenu très difficile de changer cela, car l'on est loin d'une sortie de la crise sanitaire, économique et sociale. La pandémie de COVID-19 va entraîner des dommages économiques à long terme et la reprise serait « vraisemblablement longue et en dents de scie » selon les experts.

A moins d’entreprendre des actions de très long terme, qui ne paieront pas avant au moins 15 ans. En faisant de l'équilibre budgétaire le point central de l’action politique, et non laisser libre cours à la dérive budgétaire. Et ce qui est sûr, c'est qu'il y aura bientôt tant en Martinique qu'en Guadeloupe des conséquences fâcheuses découlant de cette future politique du pouvoir central, car la départementalisation est désormais un modèle économique et social qui tourne en rond. Et que dire de la menace de disparition qui pèse sur la sur-rémunération des fonctionnaires. En effet, il est fort à parier qu’à l’instar des futures réformes en France hexagonale, beaucoup d’avantages sociaux acquis sous l’ère de la départementalisation risquent d’être mis à mal par un pouvoir central impécunieux et aux abois sur la question de la dette et des déficits budgétaires. La situation ne restera point en l’état lors du prochain quinquennat. Tout cela entraînera mécaniquement une baisse de la consommation qui était jusqu’ici le facteur principal du dynamisme de la croissance en Martinique et Guadeloupe. L'autre facteur qui influencera le PIB à la baisse : L’évolution technologique et la mutation du travail.

 

Avant on s’en remettait au modèle des 30 Glorieuses, qui a permis au milieu du 20e siècle aux Antilles de passer du « colonialisme de la pénurie » à celui de la relative prospérité, puis de l’obsolescence (des biens et bientôt aussi des hommes avec la révolution numérique et l'intelligence artificielle). La départementalisation a apporté à des milliers de personnes du confort, des facilités, un niveau de vie appréciable et apprécié. Mais ça c'était avant ! 

Pourtant, nos élus, ceux parmi eux qui ont un quelconque souci de l’intérêt général et de leur rôle, s’entend, n’arrivent pas à concevoir que ce modèle de la départementalisation est encore très protecteur. 

 

Il faut retrouver la légitimité de cadrer l’évolution économique et social de la Martinique et de la Guadeloupe à partir de la mutation de la société française, c’est vital, et déjouer ce sortilège maléfique de l'assistanat qui nous endort, nous plombe, alors qu’il nous faut bouger, et vite. Depuis toujours, l’on sait qu’il n’y a pas de développement sans argent (et pas de régulation sans marché local viable). La volonté politique n’est pas là pour remédier sérieusement aux problèmes de mal développement. Malheureusement, tout au moins dans ses principes, une politique budgétaire correctement conduite sert non seulement à soutenir la conjoncture sans créer des déséquilibres dangereux, mais aussi, avec les autres instruments de la politique économique, à infléchir sinon déterminer un modèle de croissance dont le meilleur niveau d’emploi n’est pas le moindre de ses objectifs. La question n’est pas de savoir quelle est la meilleure politique économique pour y parvenir avec éventuellement un changement de modèle économique et social, mais s’il est encore possible d’en avoir une tant les adhérences et les déficits hérités du coronavirus interdisent en réalité toute marge de manœuvre volontariste. 

Et pour conclure, je cite volontiers l'économiste Thomas Piketty pour qui " On s’interdit trop souvent de réfléchir à un autre système économique. On a un peu fermé la discussion sur différents systèmes économiques possibles. Ce qui contribue parfois à ce déplacement du conflit politique vers des questions, vers des postures nationalistes, des replis identitaires qui empêchent de régler des problèmes" .

 

" Domino ka rimé an pagal, mé pa ka jwé an pagal ". (Les dominos se mélangent en pagaille, mais ne se jouent pas en pagaille.)  Il y a des règles à respecter.

 

Jean-Marie Nol, économiste

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