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LES ÉGLISES FONDAMENTALISTES PROTESTANTES AUX ANTILLES : LES DEFIS POUR UNE ANTHROPOLOGIE CRITIQUE

Raymond MASSÉ
LES ÉGLISES FONDAMENTALISTES PROTESTANTES AUX ANTILLES : LES DEFIS POUR UNE ANTHROPOLOGIE CRITIQUE

Un texte publié dans l'ouvrage sous la direction de Raymond Massé et Jean Benoist, Convocations thérapeutiques du sacré. Chapitre 15, pp. 5-12. Paris : Les Éditions Karthala, 2002, 493 pp. Collection : Médecines du monde.

Introduction

La religion comme lieu et forme de résistance

Limites du modèle de la résistance

Les Églises protestantes fondamentalistes au défi du microsocial : l'exemple du concept d'empowerment

Conclusion

Références bibliographiques

INTRODUCTION

L'anthropologie de la religion a toujours été partagée entre deux mandats qui peuvent apparaître inconciliables. D'abord, riche d'une expérience de terrain, de contacts directs, personnalisés avec les membres de la population étudiée, l'anthropologue est en mesure d'observer la multiplicité des incidences de la pratique religieuse sur la vie quotidienne des individus dans leur environnement microsocial (famille, communauté religieuse locale, milieu de travail). La perspective émique est ici mise au service d'une phénoménologie du vécu religieux et d'une microsociologie de la pratique religieuse. Il se trouve aussi aux premières loges pour observer le travail fait par la culture locale, généralement dans le cadre d'un processus syncrétisme, sur les croyances et rituels des religions « étrangères ». Se greffe alors sur ce premier mandat un intérêt pour l'analyse des processus de réinterprétation et de redéfinition des croyances et pratiques rituelles dans des idiomes locaux.

Dans un deuxième temps, conscient de l'impact de la globalisation économique et culturelle sur les cultures locales, l'anthropologue ne pourra que porter son attention sur les nouvelles formes de rapport au religieux induites, par exemple, par le rayonnement international des nouveaux protestantismes sectaires. Mais surtout, il se trouve interpellé par les enjeux plus globaux, sociétaux, soulevés par les adhésions massives à ces « nouvelles Églises ». Se trouve soulevée la question de fond à laquelle est confrontée l'anthropologie moderne ; comment concilier explication macrosociologique et analyse micro-anthropologique, lectures politique et culturelle, de phénomènes aussi complexes que la pratique religieuse et la conversion ? Dans le cas des petites sociétés antillaises telles la Martinique ou Sainte-Lucie, par exemple, à quel niveau devons-nous situer l'interprétation du développement fulgurant des églises chrétiennes fondamentalistes du type adventiste du septième jour, baptiste, pentecôtiste, évangéliste de toutes sortes, dans un contexte postcolonial ?

Virginia Garrard-Burnett, dans son étude du protestantisme guatémaltèque, en est venue à rejeter sa thèse wébérienne de départ voulant que les mouvements protestants véhiculent une éthique du capitalisme, soit une moralité qui conforte le pouvoir politique de droite et les forces militaires anticommunistes de répression. Elle conclut qu'une telle position repose sur des prémisses réductrices quant aux intentions, aux objectifs et aux finalités du comportement des Guatémaltèques : « Au mieux, [dit-elle] cette approche suggère que les Guatémaltèques sont des opportunistes qui manipulent les institutions religieuses pour leurs propres avantages économiques et politiques ; au pire, elle implique qu'ils sont des "cruches vides" qui n'attendent que d'être remplies des croyances et des idéologies étrangères. L'un ou l'autre scénario ne fait que nier la vigueur et la résistance historique de la religion populaire guatémaltèque [...] qui continue de guider leurs conduites quotidiennes » (Garrard-Burnett, 1998 : x-xi). Bref, reconnaît Garrard-Burnett, « alors que la conversion est un drame qui se joue sur une toile de fond politique, elle ne se résume pas à une expression d'un acte politique » (idem : xii-xiii).

Bien qu'ayant été attiré moi-même, dans les années 1970, par la thèse wébérienne sur l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme pour expliquer le développement fulgurant de l'Église des adventistes du septième jour à la Martinique, un contact prolongé avec le terrain antillais montrait que la signification profonde de ces conversions pour les Martiniquais eux-mêmes était à trouver dans l'accès à une forme de protection efficace contre les menaces du monde des esprits et des forces surnaturelles diverses qui sont la cause des infortunes : cause de la maladie bien sûr, mais aussi des échecs amoureux ou professionnels, des conflits interpersonnels ou des difficultés économiques. À un niveau microsociologique, l'adhésion de 10 à 15% des Martiniquais ou Saint-Luciens à ces Églises offre un nouveau lieu d'ancrage, d'appartenance sociale, dans une nouvelle communauté de « frères et de soeurs dans la foi ». À un niveau plus macrosociologique, elle répond à un besoin identitaire en ce qu'elle détermine une nouvelle identité religieuse « adventiste », « pentecôtiste », « baptiste », etc.) à caractère universaliste, apolitique, trans-ethnique, qui évacue les pénibles débats sur l'identité néo ou postcoloniale (antillanité, créolité, versus américanité ou européanité) ; elle remplit alors une fonction politique en ce qu'elle alimente un désengagement social et politique qui rabaisse toute implication citoyenne à des préoccupations terrestres, à la corruption et au péché.

Dans un article récent traitant des méfaits du recours aux métarécits de la modernité dans l'analyse des pentecôtismes, Englund et Leach (2000) dénoncent les abus d'une lecture postmoderne qui subordonne l'interprétation de ces mouvements religieux à des catégories conceptuelles à la mode telles celles de « rupture » ou de « discontinuité » par rapport à la tradition ou celle d'individualisation référant à la construction d'un individu abstrait sur le modèle du soi postmoderne. Les auteurs démontrent avec force que le recours abusif à de tels concepts théoriques sous-tend une violence théorique qui nie la complexité du phénomène.

La question alors soulevée ici est celle des limites des modèles explicatifs macrosociologiques qui font abstraction des convertis eux-mêmes, de leur vécu, de la profondeur des impacts que l'expérience religieuse aura sur leur rapport au monde. Plus précisément, les pages qui suivent traitent des risques de surdétermination de la signification des mouvements religieux à partir de l'exemple du concept de résistance. Je ferai un plaidoyer pour l'intégration d'une approche plus phénoménologique de l'analyse des conversions afin de mieux rendre compte de l'impact que cette expérience personnelle profonde aura sur l'être-au-monde d'une partie importante des convertis antillais.

La religion comme lieu
et forme de résistance

Divers auteurs tentent d'expliquer le développement des Églises fondamentalistes ou des protestantismes sectaires, en y voyant des manifestations locales de « résistance » : résistance tantôt politique, contre les exactions du néocolonialisme et contre l'Église catholique associée aux pouvoirs coloniaux blancs ; résistance tantôt culturelle à la mondialisation et à l'acculturation par le biais d'une reterritorialisation des liturgies et des pratiques rituelles de ces Églises étrangères. Les conversions à ces Églises nouvelles devraient être vues comme des idiomes, accessibles aux masses défavorisées, d'expression de la résistance active, ou encore comme des formes de commentaires critiques sur la situation postcoloniale. Elles seraient à interpréter dans le cadre d'un colonialisme vu, non pas comme processus d'exploitation unidirectionnel, mais comme un processus de lutte et de négociation, comme mode de résistance à la sujétion (Pels, 1997). Cette résistance se manifesterait par l'éclosion de syncrétismes marquant une forme de réappropriation locale des religions introduites de l'étranger. D'où d'ailleurs, selon André Mary, un regain de popularité pour le concept de syncrétisme. Ce dernier souligne que l'attitude négative des anthropologues face au syncrétisme trahissant la culture indigène authentique au profit d'un mimétisme aliénant, « n'a pu être vraiment surmontée que lorsqu'on s'est avisé de lire ces phénomènes comme une sorte de "résistance culturelle" ou de "ruse symbolique" renouant, derrière le masque d'une apparente conversion, avec les ressources de la logique symbolique la plus traditionnelle » (Mary, 2000 : 10).

Évidemment, l'anthropologie a permis de raffiner les théories de la résistance depuis le cri lancé par Marx et Engels (1936) faisant de la détresse religieuse l'expression de la détresse sociale, « le soupir de la créature opprimée ». Ou de la position de Sartre qui dénonçait, en préface aux Damnés de la terre de Fanon (1961), le cul-de-sac des colonisés qui « se défendent de l'aliénation coloniale en renchérissant sur l'aliénation religieuse. Avec le résultat qu'au bout du compte, ils cumulent les deux aliénations et que chacune se renforcent par l'autre » (1961 : 49).

Or, de théories insistant sur l'aliénation passive induite par la religion, les sciences sociales passent à des versions qui en font plutôt le lieu d'une « résistance politique » active. Devish (1997), par exemple, propose que les Églises de guérison à Kinshasa comblent le vide éthique et législatif suscité par la faillite de la modernisation, qu'elles opèrent un exorcisme des conditions difficiles d'existence des populations suburbaines et jouent un rôle de régulateur des tensions générées par les espoirs déçus de développement économique. Lewis (1989 [19711) voyait dans certaines Églises de guérison recourant à la possession, des formes de résistance aux autorités et pouvoirs dominants. En parallèle avec ce qu'il appelait les « possessions centrales » qui deviennent des instruments qui consolident le pouvoir de l'Église et des dirigeants politiques, existeraient des mouvements de « possession périphériques » vus comme des moyens démocratiques d'exprimer les revendications populaires. Alors que Bastian (1994) avance que les protestantismes sectaires latino-américains reproduisent les rapports asymétriques d'autorité familiers aux colonisés, Fry (1976) y voit plutôt une forme de rébellion contre la domination politique. G.E. Simpson (1980) voyait dans le rastafarisme antillais à la fois un lieu de fuite face aux luttes sociopolitiques à mener dans le cadre postcolonial, mais aussi un lieu de résistance face à la modernité par la promotion de valeurs traditionnelles. Ou, encore, Jean et John Comaroff soutiennent que les rituels (religieux, magiques, sorciers) n'ont pas toujours joué un rôle conservateur en Afrique, qu'ils ont contribué à « changer le monde », à faciliter le passage vers la modernité, qu'ils sont « un site et un moyen de pratiques expérimentales ; de poétique subversive, de tension créative et d'action transformative » (1993 : xxix). Une telle interprétation « politique » du sens du religieux est aussi visible, à l'inverse, dans les interprétations qui en font plutôt des manifestations d'un désengagement social et politique et de renforcement des idéologies conservatrices. Dans le contexte antillais, par exemple, Bourguignon (1973) associait déjà le Shakerisme à saint Vincent à un exutoire à la révolte sociale. Droz, référant aux Églises pentecôtistes kényanes, suggère que, même si elles sont en apparence dépolitisées, et si elles ne s'impliquent pas ou si peu dans les débats politiques, « leur insertion dans l'espace public est à débusquer au-delà des discours [...] les services religieux ou les croisades sont l'occasion de réaffirmer la nécessité d'obéir aux autorités politiques, car leur mission est légitimée par la volonté divine »(Droz, 1999 : 12).

Au-delà des dimensions politiques de cette résistance, certains voient dans le développement de ces protestantismes le lieu d'expression d'une « résistance culturelle » à l'acculturation ou des « stratégies populaires de survie symbolique » (Mbembe, 1988) passant par le renforcement des identités locales. Bastian (1994) parle du développement des protestantismes latino-américain, en terme de stratégie de réactualisation des valeurs traditionnelles par le biais d'un syncrétisme sélectif par lequel les individus sélectionnent les éléments qui servent leur intérêt à court terme. Il y voit donc « une recomposition de la religion populaire dans le sens de la résistance des secteurs sociaux dominés, à une modernité qui leur est imposée » (Bastian, 1994 : 232). Ces nouvelles Églises seraient l'une des seules « options de rupture » avec les sources traditionnelles d'autorité, rupture que n'a jamais su faire le catholicisme. Ainsi « les protestantismes populaires et les pentecôtismes syncrétiques offrent un espace plus efficace de résistance et/ou d'adaptation à la modernité que les catholicismes populaires » (Bastian, 1994 : 262). Sa position rejoint celle de Hurbon (1986) pour qui les Églises nouvelles illustrent des formes de résistance passive « par un travail secret du système de symboles et d'images dans le but de produire une culture de la Caraïbe qui soit irréductible à la culture occidentale » (Hurbon, 1986). Bref, dans ces diverses interprétations, le syncrétisme lui-même est alors vu comme « une stratégie de résistance [...] au fondement de toutes les formes de ruse symbolique pratiquant, dans l'ordre culturel, la conciliation des opposés comme mode de réponse au défi de l'altérité, et notamment, au prosélytisme des religions missionnaires » (Mary, 2000 : 13). Toutefois, des auteurs, tels Martin (1990) et Stoll (1990), voient, au contraire, dans ces Églises un lieu d'acculturation à la modernité, à travers un réveil piétiste, du fait que leurs fidèles délaissent les valeurs et les référents traditionnels. Ces Églises deviendraient des hauts lieux d'acculturation aux valeurs dominantes nord-américaines. Résistance culturelle et lieu d'acculturation deviennent, alors, les pôles extrêmes d'une grille d'analyse qui ramène la participation à ces Églises à des enjeux sociétaux définis totalement en dehors du vécu religieux individuel.

Aux Antilles, le rôle joué par les pasteurs et leurs Églises dans la gestion des formes de détresse vécue par les fidèles colle à la fois à ces deux modèles. Dans un certain sens, la réalité du terrain martiniquais montre que ces Églises consacrent une certaine acculturation du fait qu'elles impliquent la participation à une « culture religieuse » (adventiste, pentecôtiste, etc.) internationale, a-nationale, qui véhicule ses propres valeurs et propose une identité religieuse transculturelle. En facilitant les échanges entre pasteurs et fidèles des diverses îles de la Caraïbe et des États-Unis (par le biais de voyages d'études, d'échanges, de camp de jeunesse), elles servent d'appui à un mouvement de délocalisation et de globalisation. Mais plus directement, l'adhésion a la moralité véhiculée par ces protestantismes fondamentalistes se traduit par une négation de pratiques qui sont au cœur de la culture et des valeurs antillaises (par exemple : rejet des relations sexuelles pré ou extramaritales, interdiction de pratiquer les danses antillaises traditionnelles considérées trop lascives, rejet de la musique antillaise au profit des gospels).

Nos observations rejoignent largement celles faites par Brodwin (1996) en Haïti, voulant que la conversion aux protestantismes implique une négation de l'identité antillaise par le biais d'un rejet de plusieurs marqueurs de cette identité. Le protestantisme avec sa rhétorique du « leaving the world », affaiblit l'attachement du converti à sa communauté. Ainsi, si la conversion est un langage de résistance, dans le contexte des Antilles françaises, c'est peut-être aussi une résistance au déchirement identitaire martiniquais ; une voie d'évitement face aux éternels débats portant sur l'identité de couleur ou les rapports néocoloniaux avec la France. Le converti n'est plus seulement martiniquais ; il est membre d'un mouvement international, d'une communauté internationale qui le place au-dessus de la mêlée politique locale. Interrogés sur ce thème, les convertis diront qu'ils sont adventistes avant d'être martiniquais, pentecôtistes avant d'être saint-luciens. Leur identité première va à l'Église ; en situation de conflits de valeurs, la culture véhiculée par l'Église primera celle véhiculée par la culture locale.

Toutefois, à l'inverse, mais parallèlement, ces Églises véhiculent de nouveaux idiomes d'expression et d'explication de la souffrance mentale et sociale profondément inspirés par la culture créole. La dénonciation obsessive de la démonisation d'une large partie des activités humaines et les plaidoyers en faveur d'une « renaissance » par la délivrance ont pour effet « pervers » de renforcer les croyances traditionnelles aux mauvais esprits, aux démons et aux « quimboiseurs », gadézafè ou obeahman. Les croyances dans le pouvoir des forces surnaturelles et dans le rôle actif joué par les « mauvais esprits » en situation de maladie ou d'infortune, trouvent confirmation dans les écrits bibliques référant aux possessions démoniaques. Les pasteurs deviennent ainsi, malgré eux, des agents de renforcement des idiomes traditionnels opérant un bricolage magico-religieux, un redéploiement de la religion populaire. Les pratiques de « délivrance » et d'exorcisme peuvent alors être interprétées comme les lieux d'activation d'une stratégie de résistance culturelle. Sous couvert de « délivrance », ces pratiques religieuses renouent, en fait, avec l'arsenal magico-religieux des traditions divinatoires locales et renforcent ainsi des pans importants de la culture locale antillaise.

Il ressort de cette brève analyse que les pratiques religieuses à l'intérieur de ces Églises alimentent à la fois l'antillanisation, l'indigénisation ou la reterritorialisation (pour reprendre des concepts à la mode) d'une culture exogène, mais tout en consacrant l'acculturation des Antillais aux valeurs promues par le monde judéo-chrétien d'où elles tirent leur origine. Une certaine rupture par rapport à l'univers magico-religieux des Antilles traditionnelles cohabite avec une redéfinition des doctrines et pratiques « étrangères », à la lumière des croyances et pratiques religieuses traditionnelles. Bref, les protestantismes fondamentalistes antillais consacrent, à la fois, résistance culturelle et acculturation, résistance politique et désengagement politique. Un tel constat suggère que c'est moins le concept de résistance qui présente un défi pour l'anthropologie critique, qu'une utilisation nuancée et contextualisée de ce concept.

Limites du modèle de la résistance

Ces théories macrosociologiques d'explication du renouveau religieux ont un puissant pouvoir d'attraction sur les scientifiques sociaux. Non seulement par leur esthétisme, leur raffinement conceptuel, mais surtout parce qu'elles alimentent l'illusion d'une compréhension des mécanismes par lesquels le religieux se reproduit. L'accent est alors placé sur les fonctions du religieux, en particulier ses fonctions politiques. Le religieux devient à la fois le terrain sur lequel se livre le combat pour un nouvel équilibre des rapports politiques et l'outil privilégié de lutte contre une acculturation dépossédante. Or, en dépit de leurs contributions indéniables à la compréhension du développement de ces Églises fondamentalistes, ces théories tendent à réduire l'humain religieux à un personnage passif d'un scénario écrit en fonction d'enjeux économiques, politiques ou sociaux qui le dépassent. L'acteur social tient lieu de figurant sur la scène des métarécits dont les postmodernes ont, d'évidence, déclaré la mort beaucoup trop tôt (d'autant plus que le discours postmoderne sur la mort des métarécits a lui-même, paradoxalement, adopté tous les attributs du métarécit).

Mais, surtout, ces théories sur la résistance portent les germes de la surinterprétation et de la surdétermination du sens. On risque alors de donner priorité à la quête de sens sur le reste de l'expérience. Réduire la pratique religieuse fondamentaliste à un exercice de réenchantement du monde via une colonisation inversée de religions étrangères, ou à une critique déguisée des rapports de pouvoir asymétriques, confine le concept de résistance au rôle de « déconstruction totalitaire » (pour reprendre un concept de Kleinman [1995] qui en masque la multidimentionnalité. Même si cette notion de résistance culturelle colle en partie à la réalité antillaise, il s'agit beaucoup plus d'une résistance attribuée par le chercheur que d'une résistance consciemment vécue, conceptualisée et exprimée par la population. Même si le scientifique social a la responsabilité de produire des modèles d'explication et d'interprétation du fait religieux qui vont au-delà des explications qu'en donnent les convertis, qui débordent de ce qui est explicite dans les discours des fidèles et des leaders de ces Églises, un risque de surdétermination du sens guette ceux qui élèvent des théories exogènes d'interprétation au rang de concepts explicatifs réifiés.

Les Églises protestantes fondamentalistes
au défi du microsocial :
l'exemple du concept d'empowerment

Avant de faire l'objet d'une interprétation de la part du chercheur en tant que « mouvement » social aux incidences politiques et culturelles, la pratique religieuse « prend sens » dans le vécu quotidien. L'un des défis de l'anthropologie sera alors de ne pas sacrifier l'analyse du sens que donne l'individu à cette pratique, ou encore de ne pas escamoter l'analyse microsociale des incidences de la conversion sur sa vie familiale, professionnelle, sur son réseau de relations, sur ses rapports avec la vie de sa communauté religieuse, pour se cantonner dans la construction de modèles macrosociologiques axés sur les enjeux macrosociétaux.

Le point défendu ici est que le principal défi que posent ces Églises fondamentalistes à l'anthropologie est celui de l'articulation des dimensions micro et macrosociétales, celui d'une prise en considération du sens profond que prend le vécu religieux pour l'individu lui-même, de son « être-au-monde »religieux, mais ce, sans tomber dans les ornières d'un culturalisme qui évacue tout questionnement sur les enjeux économiques et politiques soulevés par ces « mouvements ». Le chaînon manquant de l'analyse anthropologique est celui des paliers intermédiaires entre les enjeux macrosociétaux (mis en évidence, entre autres, à travers le concept de résistance) et la signification que prend la pratique religieuse pour l'individu en quête d'un sens à donner à sa vie. Ce chaînon manquant entre les analyses macropolitiques qui évacuent l'individu et les analyses spiritualistes qui focalisent sur l'appropriation du religieux par le pratiquant est, croyons-nous, celui des incidences concrètes de l'adhésion (par conversion ou simple transmission intergénérationnelle) à ces Églises au niveau microsocial. : socialisation dans des unités de solidarité que sont les lieux de culte, adhésion à une nouvelle communauté de frères et sœurs, conflits avec les membres non convertis de la famille ou du réseau social, outils de promotion sociale, etc. Bref, le microsocial devient le théâtre des interfaces entre agenda personnel et agenda politique collectif

Le concept d'empowerment peut être considéré comme un concept de niveau intermédiaire, permettant de saisir les articulations entre l'expérience personnelle du religieux et enjeux sociopolitiques du développement des Églises fondamentalistes. Globalement, il réfère au sentiment de pouvoir et de contrôle de l'individu sur sa vie sociale, sa destinée, son entourage, son salut éternel. La conversion opère alors, selon Corten, « un resserrement du tissu de la société civile à travers "une prise de pouvoir" (empowerment) par les individus (en particulier les femmes) de leur vie et un accroissement de leur sens de la "responsabilité" sociale et démocratique » (Corten, 1999 : 211). Sentiment donc de maîtrise sur son quotidien et son devenir. Sentiment d'être désormais doté des outils requis pour exercer un tel contrôle, une telle maîtrise ; ou sentiment d'avoir reconquis, de s'être réapproprié ces outils.

Ce sentiment de pouvoir est alimenté par plusieurs sources. Il s'agit d'abord d'un pouvoir conféré par la maîtrise d'un savoir spécialisé. Le savoir biblique est conçu par la grande majorité des convertis rencontrés, généralement faiblement scolarisés et à la marge d'un alphabétisme fonctionnel, comme un savoir technique maîtrisé (à travers la connaissance détaillée des chapitres de la Bible) et hermétique (qui n'est accessible qu'à ceux qui en ont fait une étude approfondie). L'acquisition de ce savoir renforce l'estime de soi et la confiance en soi. Il rehausse le statut social, donne une crédibilité à ceux qui en ont peu dans leur milieu social.

Il devient un second langage, avec ses codes et sa grammaire qui permettent de lire la vie sociale, les événements critiques, la vie politique. C'est un système de signes et de codes qui se superpose à la culture locale. La Bible, source du savoir qui confère ce sentiment de pouvoir, devient la réponse ultime à toutes les questions, le référant absolu accessible à tous.

Ce pouvoir de l'individu qui « sait » est ensuite décuplé par l'intégration dans une communauté solidaire de frères et de soeurs. L'aura de puissance qui émane de chacune de ces Églises, comme institution, et qui s'affiche à travers son rayonnement international ou les shows télévisés des téléévangélistes vedettes prêchant dans des stades contenant plusieurs dizaines de milliers de fidèles en extase, se transforme en pouvoir individuel. L'individu ne fait pas que participer à ce pouvoir ; il participe du pouvoir de son Église et de ses pasteurs. Ce pouvoir prend encore sa source dans la participation à une nouvelle identité, religieuse et universelle, sans frontières nationales ou ethniques. L'anthropologie ne peut faire abstraction du fait que la conversion s'inscrit dans une rhétorique expérientielle fondée sur le vécu singulier du sujet de même que sur le sentiment intérieur d'un profond changement d'identité. « En un mot [comme le dit André Mary], la réalité religieuse n'est pas une autre réalité, Dieu n'est pas une métaphore, il se laisse directement appréhender par les signes métonymiques de sa présence et de sa puissance (glossolalie, vision, prophétie et guérison miraculeuse) » (Mary, 2000 : 20), voire la bible elle-même.

Ce nouveau pouvoir conféré par l'adhésion à ces Églises trouve plusieurs lieux d'expression. Il permet, d'abord, à l'individu de se protéger efficacement contre les attaques du « malin », de Satan, des mauvais esprits. Au milieu des années 1970, dans le cadre d'une recherche sur l'adventisme à la Martinique (Massé, 1978), je suggérais que l'un des principaux motifs de conversion était le souci d'obtenir une protection, plus efficace que celle offerte par le catholicisme, contre les agressions des mauvais esprits et contre le « travail » que des quimboiseurs pouvaient faire sur soi. Les données recueillies à la fin des années 1990 confirment la centralité de ce motif, et ce tout autant pour les baptistes que les pentecôtistes (Massé et Poulin, 2000). Citons ici les paroles &une convertie adventiste de longue date :

« Vivre dans une communauté adventiste, [dit-elle] nous protège contre les esprits envoyés. Nous sommes en sécurité parce que notre religion nous protège contre les esprits du mal ; nous sommes sous la protection de Dieu parce que, comme adventiste, nous menons une vie sans reproche ; nous faisons nos petites affaires, respectons les autres et l'autorité et ne sommes pas envieux ; nous ne faisons pas commerce avec le diable et les séanciers comme le font les catholiques ; nous vivons avec des membres d'une communauté adventiste qui partagent nos idéaux, nos valeurs et qui n'ont pas le droit de recourir à la magie et aux quimboiseurs. En fait, le fait d'être converti cela nous protège des jalousies et des envies. Les pentecôtistes et les évangélistes aussi se sentent protégés. Eux aussi ils se réfèrent à la Bible. Seuls les catholiques ne le sont pas. En fait, être adventiste nous donne une sorte de "paix intérieure". Je sais que j'ai fait le bon choix, que non seulement mon salut éternel est assuré mais que je suis en sécurité dans ce bas-monde. »
Alors que l'Antillais attaqué par des « esprits » est dépossédé de tout contrôle sur ses actes, qu'il est à la merci des forces du mal, le converti renforce son contrôle sur son esprit, son corps, son âme. La conversion lui confère un sentiment de pouvoir, de puissance, une sorte de refuge offrant protection contre les démons et les mauvais esprits.

Ce nouveau pouvoir est aussi pouvoir de guérison, de délivrance des démons. Accessible à tous ceux qui acceptent de participer à des groupes de prière qui opèrent à distance (par téléphone ou par télépathie) ou à la maison du « malade », ce pouvoir peut être exploité, comme chez les pentecôtistes, par des « intercesseurs », fidèles de confiance mandatés pour assister le pasteur dans les exercices de « délivrance » et pour le protéger contre les assauts des démons extirpés. Pouvoir, encore, exercé à l'intérieur des Églises fondamentalistes, par l'accès à une multiplicité de postes de responsabilité (animateurs de l'école du sabbat, diacres, responsables des activités de bienfaisance) par des individus qui y trouvent souvent leur seule source de valorisation. Enfin, et paradoxalement, sentiment de pouvoir politique en se plaçant au-dessus de la politique et des débats de société. En fait, pour beaucoup, le désengagement politique est vu comme une libération des corruptions et des compromissions qui hypothèquent la perspective du salut éternel tout en faisant pâlir l'image de l'individu dans sa communauté. Pour reprendre l'analyse de Brodwin (1996), la conversion renforce la légitimité morale du citoyen, sa crédibilité sociale. Elle devient garante de son intégrité, de son honnêteté. En fait, contrairement à ce qui fut observé dans certains pays d'Amérique latine (voir Garrard-Burnett, 1998), ces Églises, dans leur prosélytisme, misent peu, aux Antilles françaises ou à Sainte-Lucie, sur une théologie de la santé et de la richesse économique ou sur la promesse d'une mobilité sociale spectaculaire. Toutefois, au-delà de la réussite professionnelle et de l'enrichissement économique, l'adhésion à ces Églises permet au converti de se donner une crédibilité sociale, une nouvelle image d'honnêteté, d'intégrité, de discipline, de désintéressement des enjeux politiques, de motivation à la réussite sociale. Les employeurs seront sensibles à des postulants qui véhiculent l'image de travailleurs honnêtes, motivés, dévoués, intègres, pour qui la conduite exemplaire au travail et dans le voisinage est la voie obligée du salut éternel. Ici, c'est une légitimité morale acquise qui devient l'assise de ce sentiment de pouvoir, de supériorité sur les non-convertis, fussent-ils les patrons immédiats. L'empowerment ne signifie pas seulement l'accès aux outils permettant la mobilité vers une classe sociale supérieure, mais aussi un sentiment, profondément ressenti, de supériorité morale face aux « infidèles » marqués par le péché invalidant.

Conclusion

Dans un article virulent dénonçant les interprétations abusives des pentecôtismes dans le monde en termes de métarécits de la modernité, Englund et Leach (2000) mettent en garde contre ces modèles d'interprétation et leur vocabulaire conceptuel qui tendent trop aisément à remplacer une véritable quête théorique sur le terrain. Prenant, entre autres, l'exemple de l'interprétation faite par divers auteurs du pentecôtisme en tant que discontinuité, marquant le rejet des traditions et le passage vers un individualisme postmoderne, ils suggèrent que ces prétendues discontinuités ne sont qu'inventions théoriques au service d'un esthétisme interprétatif Ce qui est d'intérêt dans cette analyse n'est pas l'hypothèse voulant que ces discontinuités référent plutôt à une simple remodulation des rapports des convertis avec leur propre identité, avec le magico-religieux ou avec la communauté. La contribution de la critique de ces auteurs réside dans leur dénonciation de la subordination des certaines ethnographies aux métarécits, c'est-à-dire à des modélisations théoriques qui se fondent sur une connaissance préalable des phénomènes socioculturels étudiés. Pour ces auteurs, toute ethnographie au service de métarécits forçant l'interprétation des pratiques religieuses (et socioculturelles en général) dans des moules conceptuels prédéfinis, conduit à une « ignorance ethnographique » qui gomme la richesse des données issues de terrains « sensibles » au vécu local. Une telle critique qui en appelle à une « ethnographie réflexive » s'applique parfaitement aux usages du concept de résistance. L'interprétation de la pratique religieuse à partir d'un objectif inconscient de lutte contre l'oppression ou contre l'acculturation situe les forces effectives du mouvement religieux à l'extérieur de l'individu, dans des facteurs extérieurs qui conditionnent les agirs des acteurs sociaux. Il peut en résulter une forme d'essentialisation de la « frustration » des communautés, de leur « volonté » de lutter, et des « menaces » qui planent sur les cultures locales. Bref, il s'agit d'une construction essentialiste de ce qui est considéré comme pertinent par l'anthropologue, essentialisation qui risque de conduire non seulement à une ignorance ethnographique, mais aussi à une « ignorance théorique » (Sangren, 2000 : 243). Le métarécit de la « religion comme résistance » incite le chercheur à couper court à l'analyse d'un phénomène en réalité complexe, multidimensionnel et largement indéterminé.

L'équilibre demeure difficile à trouver entre, d'un côté, une phénoménologie aveugle aux déterminismes et aux enjeux sociopolitiques impliqués par le développement de ces protestantismes sectaires antillais et, de l'autre côté, des modèles d'analyse du religieux qui débouchent sur une surdétermination politique du sens de la pratique religieuse. En particulier dans le contexte néocolonial antillais, on ne peut analyser le développement des nouvelles religions en ignorant les éléments de contexte qu'est la subordination politique et économique des ces petites sociétés insulaires aux règles imposées par la Banque mondiale, l'Organisation mondiale du commerce, le Marché commun européen ou l'Accord de libre-échange nord-américain. On ne peut non plus faire fi des rapports métropoles et ex-colonies, des tensions sociales engendrées par la pauvreté ou, encore, omettre de référer aux crises identitaires opposant identités créole et métropolitaine. Les Antillais ne sont aucunement dépourvus de motifs justifiant une résistance politique et culturelle, par les voies de la conversion ou par d'autres. Mais l'anthropologie se doit d'éviter les dérives de l'essentialisme et d'une certaine fétichisation de concepts théoriques. Ces dérives menacent plus directement les chercheurs privés d'une riche expérience de terrain. Fort de l'observation des incidences tangibles de la conversion sur les multiples facettes du vécu du converti dans son univers microsocial, l'anthropologue sera à même de saisir la complexité et les subtilités de ces multiples dimensions intermédiaires du vécu religieux. La seule position acceptable est donc celle d'un équilibre entre une entreprise critique qui souligne les enjeux sociaux et politiques de l'adhésion aux Églises fondamentalistes et une phénoménologie qui rappelle qu'avant de jouer ces fonctions macrosociétales, une telle adhésion a dû répondre à des besoins chez un individu en quête de sens ou d'une nouvelle façon d'être-au-monde.

Soyons clair, baliser la compréhension de ces phénomènes par des repères théoriques macrosociologiques sera toujours un mandat de base de sciences sociales. Nous ne pouvons pas, ainsi, suivre Englund et Leach lorsqu'ils considèrent que « la perspective anthropologique [souligné des auteurs] de l'ethnographe consiste à ne jamais assumer une connaissance a priori du contexte auquel réfèrent les populations concernées » (2000 : 236). Une telle position reviendrait à subordonner le travail d'analyse au seul point de vue de la population étudiée et à consacrer l'abdication du scientifique social face à son mandat d'interprétation et d'explication en tant qu'observateur extérieur. Mais aborder le vécu religieux comme un objet d'analyse coupé de ses ancrages dans la réalité sociale, économique et politique risque de trivialiser l'expérience vécue. Réduire le discours religieux et la pratique religieuse à un simple tremplin ou outil pour l'atteinte d'objectif de résistance, politique ou identitaire, et en faire de simples commentaires moraux sur les injustices, risque de les désincarner.

Le concept d'empowerment ne peut certainement pas combler à lui seul le fossé qui sépare approches macro et microsociales. Il ne fut invoqué ici qu'en tant qu'exemple possible de concept permettant de saisir l'épaisseur de ces paliers intermédiaires. Le pouvoir collectif de résistance de ces Églises se conjugue à un accroissement des sentiments de pouvoir personnel de chacun des individus. Le pouvoir du groupe, bien sûr, n'est pas que la simple sommation des sentiments de pouvoir et de contrôle de tous les membres de l'Église. Toutefois, ce pouvoir de résistance du groupe n'existerait pas sans cet empowerment individuel. Le défi qui attend, tout autant l'anthropologie médicale que l'anthropologie des religions au cours des prochaines décennies sera, avant tout, celui de l'arrimage entre ces lectures micro et macrosociologiques de la détresse et des mouvements religieux qui s'offrent pour lui donner un sens et la gérer.

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Commentaires

pitmakaya | 14/10/2012 - 17:43 :
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'article sur "Les églises fondamentalistes..." "...Bref, les protestantismes fondamentalistes antillais consacrent, à la fois, résistance culturelle et acculturation, résistance politique et désengagement politique". Ce passage semble vouloir faire la part des choses entre résistance et acculturation, passivité et engagement politique. Mais je reste tout de même déçu ou plutôt insatisfait, par le fait que l'analyse a ignoré à la fois le centre qui produit le discours fondamentaliste et d'autre part comment ce discours a pu pénétrer les cultures locales pour les désarticuler. Ne pas tenir compte de ces deux points fondamentaux nuit, pour ma part, à la qualité de l'article. L'auteur de l'article n'a pas cherché à comprendre pourquoi de Haiti, à Kinsasha, de La Martinique à Ste-Lucie, pourquoi la ressemblance des comportements chez les convertis est si frappante ? Quel est la relation qui existe entre un Haïtien converti et un Congolais converti ? La relation est double et elle se situe en deux temps : dans le premier temps le converti fait face à une situation de précarité, de désespérance ou d'incertitude : chomage et difficulté matérielle, incertitude angoissante, etc... Dans le deuxième temps, les sectes interviennent comme réponse ou comme espace de fuite ou de refuge face à ces précarités ou ces angoisses. Comme il est dit dans l'article le converti se met hors de portée des forces du mal, en l'occurence de sa culture, il rejoint un groupe supra-national plus valorisant. Ce discours qui culpabilise les cultures locales est produit par un centre et il s'enrichit de la détresse des locaux. Des prédicateurs isolés (en Haiti, au Congo, au Guatémala) n'ont pas décidé un jour qu'ils vont créer quelque chose de neuf avec du religieux. Quelqu'un dans un centre a pensé le discours, il l'a formaté (en méta discours, c'est pourquoi il s'adapte au contexte local) et des missionaires sont partis à la conquête des âmes angoissées et des hommes en détresse. De ce fait, on ne peut pas nier théoriquement le caractère aliénant du phénomène qui fait du converti un réservoir d'un discours produit par un centre, sur lequel il n'a aucun contrôle. Pire encore, le converti ignore que ce centre qui satanise sa propre culture a le même comportement chez d'autres peuples dominés, que ce soit en Haïti, au Guatémala, dans les antilles et au Congo. Loin d'être une résistance à la globalisation ou à l'acculturation, le discours des sectes détruit ou gêne les possibilités de contestation, et au delà toute possibilité de construire un monde qui échappe au dernier centre qui détermine les conditions d'existence de chaque être humain sur la planète. La planche de salut, la prise de conscience est une construction et aucune aliénation n'est définitive... Merci Pitmaka

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