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LETTRE A THIERRY CAILLE…

Par Raphaël Confiant
LETTRE A THIERRY CAILLE…

{ {{Il y a quelques jours, l'un des contributeurs de notre site-web, Thierry Caille, Français ayant vécu à la Martinique il y a quelques années, y publiait un article intitulé "Le cyclone Raphaël" dans lequel il prenait la défense de Raphaël Confiant, l'auteur martiniquais bien connu, tout en accompagnant son texte d'un certain nombre de critiques. Confiant lui écrit ici une lettre teinté à la fois de remerciements et de...critiques.
}} }

Cher ami,

Nous ne nous sommes jamais rencontrés et si vous devez très certainement savoir à quoi je ressemble, je serai, bien en peine, de dire la même chose de vous. Notre rencontre s’est faite par le biais du courrier électronique, il y a un peu plus d’une année de cela, lorsque que vous m’avez adressé un mail qui m’a profondément touché. Un mail dans lequel transpirait tout à la fois votre amour profond de la Martinique dans laquelle vous m’indiquiez avoir travaillé autrefois en tant qu’agronome ou expert en questions agricoles, je crois, et votre incompréhension totale de la revendication nationaliste martiniquaise. Vous étiez le « Métro » qui a refusé la vie facile, les grillades-parties, les réceptions préfectorales, la ghettoïsation volontaire pour vous immerger dans la vie du petit peuple des Anses d’Arlets que vous décrivez d’ailleurs magnifiquement dans vos textes poétiques.

Je vous ai aussitôt proposé de tenir une rubrique régulière sur notre site-web MONTRAY KREYOL, rubrique intitulé « Le bloc-notes de Thierry Caille ». Les textes, souvent iconoclastes, que vous y avez publiés depuis lors ont suscité des réactions violentes, des réactions de rejet, de la part de nombre de mes proches qui ne comprenaient pas pourquoi notre site vous donnait la parole. La réflexion la plus courante qui m’était faite était « De quel droit ce Métro parle-t-il de nous comme ça ? Comment se fait-il qu’il se permette de nous donner des leçons ? ». J’ai résisté à l’idée de ne plus publier vos réflexions et vos textes poétiques, même s’il m’arrivait, à moi aussi, certaines fois, d’être heurté par vos propos. Mieux : j’ai considéré même que la gêne que j’en éprouvais devait être l’occasion pour moi de me poser des questions sur moi-même, sur les idées que je défends et sur mon propre positionnement dans la société départementalo-régionalo-coloniale que constitue désormais la Martinique. J’estime avoir eu raison de maintenir ce dialogue, parfois difficile, entre nous.

C’est qu’en lecteur attentif de la nouvelle littérature antillaise, et en particulier de mes romans, vous avez noté que nous évoquons et célébrons une Martinique qui n’existe plus, et cela non pas sur le mode de la nostalgie larmoyante ou débilitante, mais dans le but (ou l’espoir) de faire perdurer un imaginaire créole qui, en dépit du massacre des Amérindiens, de l’esclavage des Nègres, de l’asservissement par le biais de l’engagisme des Indiens et des Chinois, a su inventer une nouvelle conception de l’identité, conception finalement très moderne car en phase avec l’actuel processus de mondialisation : {{l’identité multiple}}.

Tant que les moyens de transports et surtout de communication étaient lents entre les îles créoles et la « Métropole », cette identité a pu se développer de façon relativement autonome, mais depuis la fin des années 70, depuis le remplacement du paquebot par l’avion, depuis le remplacement de la lettre par le mail, depuis la multiplications des chaînes de télévision et le fait que certaines diffusent leurs programmes 24h sur 24, depuis l’arrivée massive de personnes venues de l’extérieur qui n’ont que faire de notre culture, cette identité multiple est menacée.

L’identité créole, celle des pêcheurs des Anses d’Arlets que vous aviez tant appréciée, cette ouverture à l’autre, cette bonhomie, cette générosité même, qui faisait la marque de notre société et que maints voyageurs de passage ont célébré, et cela dès le 19è siècle avec des gens comme Lafcadio Hearn ou Paul Gauguin, est en passe d’être éradiquée sous le rouleau compresseur de l’identité unique occidentalo-centrée. Au modèle jacobin français est venu s’ajouter, en effet, le modèle cosmopolite étasunien, notre jeunesse naviguant désormais à vue entre l’envie, pour certains, de devenir complètement français (et de jouer dans l’équipe de France de football ou de gagner la « Star Academy ») et l’envie, pour d’autres, de ressembler aux stars du rap qu’ils voient à longueur de journée sur « Trace TV ». Quand aux adultes, vous avez raison, ils se vautrent dans une forme d’hédonisme suicidaire marquée par un m’as-tu-vu qui, à juste raison, vous écoeure et vous a poussé à écrire des lignes très dures à leur encontre. Ce n’est certainement pas moi qui m’indignerai de vous voir critiquer férocement ceux qui paradent dans des 4/4 à 50.000 euros, qui construisent d’énormes villas en béton sur des terres jadis réservées à l’agriculture, qui friment au bord de leurs piscines ou à bord de leur bateau et qui n’ont qu’indifférence ou mépris envers ceux qui rejettent cette société de consommation à outrance. Car, oui, la Martinique est devenue une colonie de consommation. Cette étrange forme de colonie n’a pas encore été bien étudiée par les économistes, les sociologues et les anthropologues, sauf peut-être par Francis Affergan.

Là où je diverge avec vous par contre, c’est que vous ne faites peser la responsabilité du désastre que sur la bourgeoisie de couleur, oubliant celle des Békés d’une part et de l’Etat français de l’autre. Faut-il vous rappeler qu’à l’abolition de l’esclavage, en 1848, rien ne fut offert aux nouveaux libres, aucune perspective d’avenir en dehors d’un retour comme salarié sur les mêmes « habitations » où il avaient été esclaves ou la fuite à la périphérie des bourgs et des villes pour y exercer de petits métiers artisanaux ? Aux Etats-Unis, chaque esclave s’est vu doter de 22 acres and a mule (22 acres de terre et un mulet), expression qu’a d’ailleurs repris symboliquement le cinéaste noir américain Spike Lee pour nommer sa compagnie cinématographique.

En Martinique et en Guadeloupe, à l’inverse, l’ancien esclave s’est retrouvé sans rien. Gros Jean comme devant. Oublier cette donnée première s’est s’exposer à ne rien comprendre à l’évolution de la société post-esclavagiste antillaise. Mieux : les Békés ont été dédommagés de la perte de leurs esclaves par l’Etat français. Nous avons donc en quelque sorte été vendus deux fois : en Afrique d’abord, puis en 1848. Qu’ont fait les Békés de leur position archi-dominante ? Rien ou presque. Déjà que pendant la période esclavagiste, ils n’avaient pas eu le courage de leur alter ego blancs créoles hispanophones, lusophones et anglophones pour rompre avec leur métropole, une fois l’esclavage aboli, ils ont perduré dans la paresse mentale qui semble, à de rares exceptions près, être leur marque de fabrique. Ils n’ont pas cherché à moderniser leur outil de production, préférant s’appuyant sur une main d’œuvre de nouveaux libres taillable et corvéable à merci et scandaleusement sous-payée jusqu’en 1970. Et l’arrivée du Blanc-France Bougenot qui tenta de les secouer de leur léthargie à la fin du 19è siècle intervint alors qu’il était déjà trop tard pour sauver l’industrie sucrière. Paresseusement toujours, ils se sont reconvertis dans la culture de la banane tout en mettant leurs billes dans les services aux rendements plus juteux : concessions automobiles, supermarchés, magasins de bricolage, entreprises de publicité etc…, utilisant pour certains le Crédit Martiniquais comme leur portefeuille personnel. Cette banque avait, en effet, accueilli les fonds versés à eux en dédommagement de la perte de leurs esclaves par l’Etat français avec l’objectif de leur permettre de redynamiser la vieille économie coloniale.

Ils pillèrent ces fonds pendant des décennies s’octroyant des prêts à des taux ridiculement bas, prêts que souvent ils ne daignaient même pas rembourser. Lorsque l’Etat français se décida à réagir et que deux-trois profiteurs békés furent mis en examen, il était à nouveau trop tard : la banque coula corps et bien et les responsables de ce naufrage décédèrent opportunément avant le début de leur procès. Depuis, c’est motus et bouche cousue sur le Crédit Martiniquais où durant cinquante ans, comme des couillons, les fonctionnaires de couleur, sans doute abusés par la dénomination de l’établissement bancaire, déposèrent leurs économies. Ils ne se réveillaient que de temps à autre, lorsque, par exemple, pour un minuscule découvert de 100 ou 200 francs, ils étaient vertement rappelés à l’ordre et se voyaient privés de chéquier. Car enfin, qui vouliez-vous qui « développe » la Martinique post-esclavagiste : les nouveaux libres dépourvus de capital et qui ne savaient même pas lire et écrire (Code Noir oblige) ou les descendants des colons qui, siècle après siècle, avaient amassé des fortunes colossales à l’échelle de la Martinique ? Soyons sérieux !

Alors, vous invoquerez certainement les « hommes de couleur libres » et les Mulâtres, arguant du fait que leur statut leur permettait parfaitement de prendre progressivement les rênes de l’économie martiniquaise. Parlons-en justement ! Du côté maternel, j’ai un arrière-grand-père mulâtre, Louis Augustin, et un grand-père, François Augustin, qui possédaient une petite distillerie au quartier de Macédoine ainsi qu’une trentaine d’hectares de terre, au fin fond de la campagne du Lorrain. Connaissez-vous la loi du contingentement ? Celle que firent voter en 1932 les bouilleurs de cru métropolitains exaspérés par la concurrence que faisait le rhum à leur vin depuis que pendant la guerre de 14-18, l’alcool de canne à sucre avait servi, dans les tranchées de cette première guerre civile européenne (que des historiens farceurs nomment « la première guerre mondiale »), de moyen de se réchauffer et de médicament. Cette loi fixait la quantité de rhum exportable par la Martinique sur le marché hexagonal à 100.000 hectolitres annuels. Tout litre exporté au-delà de ce quota était lourdement taxé. Que firent les Blancs créoles selon vous ? Eh bien, ils accaparèrent la totalité du contingent, c’est-à-dire le rhum non taxé et laissèrent le rhum taxé aux petits et moyens distillateurs de couleur ! Ce qui devait arriver arriva : le rhum hors contingent eut de plus en plus de mal à s’écouler sur le marché hexagonal et une à une, les distilleries « mulâtres » fermèrent, sauf une, la distillerie Neisson, au Carbet, parce que le propriétaire de celle-ci, ingénieur de son état, avait eu l’idée géniale d’inventer la bouteille aux « épaules carrées », faisant preuve d’un sens du marketing étonnant pour une époque où le mot et la pratique étaient inconnues. La distillerie de mes parents maternels fut contrainte, elle aussi, de fermer ses portes. Ma mère et ses frères et sœurs se voyaient brutalement exclus de l’activité économique productive et durent se tourner vers des activités de service ou le fonctionnariat. Et après ça, on trouve des Békés pour dire que les nègres et les mulâtres sont des feignants qui veulent tous devenir fonctionnaires !

Vous le voyez donc, cher Thierry Caille, avant de critiquer les Martiniquais, il importe de bien connaître leur histoire. Il ne s’agit pas pour moi de dédouaner la bourgeoisie de couleur de toute responsabilité dans le désastre actuel, mais de bien mesurer leur degré de responsabilité. Il vient après, je dis bien après, la responsabilité des Békés et de l’Etat français.

Et justement, l’Etat français, parlons-en ! En 370 et quelques années de présence en Martinique et en Guadeloupe, il n’a jamais pris ses responsabilités, sauf quand il s’agissait de réprimer les révoltes ou les grèves. Je n’insisterai pas sur l’Insurrection du Sud de 1870 au cours de laquelle 300 nègres en révolte furent massacrés à Saint-Esprit, dans le camp retranché où ils se trouvaient, ni sur Février 1974, à Basse-Pointe, où des travailleurs de la banane furent mitraillés à partir d’hélicoptères. Ni sur des rébellions moins spectaculaires, comme celle de l’OJAM ou Décembre 59, mais tout aussi significatives. Nous n’avons jamais cessé de nous rebeller et l’Etat français n’a jamais cessé de nous réprimer. En près de quatre siècles de présence en terre antillaise, l’Etat français a laissé les Békés agir à leur guise, le dernier exemple en date étant celui de l’empoisonnement de nos pays par un dangereux pesticide, le chlordécone, cela pendant trois décennies. Qui les Békés qui l’Etat français connaissait parfaitement la toxicité de ce produit, mais les ouvriers agricoles qui le manipulaient journellement étaient le cadet de leurs soucis aussi bien que les populations antillaises qui buvaient une eau gorgée de pesticides et mangeaient des légumes contaminés. Or, une fois que le scandale éclata, l’Etat français n’a eu de cesse d’essayer de se dédouaner, refusant de prendre ses responsabilités. Au moment où je vous parle, aucune cartographie fiable des terres contaminées n’a été établie, aucune traçabilité des produits vendus sur nos marchés n’a été faite, aucun début de commencement de dédommagement des petits et moyens agriculteurs de couleur ayant acheté des terres contaminées ne se profile à l’horizon, aucune projet de dépollution des sols et des rivières n’est en cours et, cerise sur le gâteau, aucune commission d’enquête parlementaire n’a été mise sur pied pour que la justice puisse entendre les gros planteurs békés !

Donc oui, notre bourgeoisie de couleur est souvent indigne, comme vous le décrivez dans vos textes, mais sur l’échelle de l’indignité, elle ne vient qu’au troisième rang après les Békés et l’Etat français. Mais passons…J’en viens maintenant à votre défense et illustration de Confiant s’agissant de l’accusation d’antisémitisme qui m’a été imputée et qui a fait les choux gras de la presse française (de Gauche) et de quelques journaux étrangers l’an dernier (Los Angeles Times, Jerusalem Post, El-Watan etc.). Vos explications, lumineuses, me touchent beaucoup, d’autant qu’à l’époque je me suis retrouvé bien seul, hormis l’appui de quelques amis comme Jean Bernabé, Gerry L’Etang ou Thierry L’Etang. {{Sans doute ne le savez-vous pas, mais le texte incriminé, le texte que l’on me reproche, ne fut jamais publié nulle part. }}Ni dans un journal ni sur un site-web ! Il s’agit, en effet, d’un simple mail (ou courriel) que j’avais envoyé à quelques amis et qui est tombé entre les mains du correspondant du « MONDE » à la Martinique lequel a trouvé là l’occasion rêvée de me faire la peau. Ceci en violation de la déontologie journalistique {{puisqu’en droit français, le mail relève de la correspondance privée}}. Comme je l’ai écrit ailleurs, mon texte aurait été publié quelque part que j’aurais tout à fait admis qu’on puisse le questionner, même rudement, mais tel ne fut pas le cas ! L’ignominie du correspondant du monde et des journalistes hexagonaux bien-pensants qui l’ont relayé tient aussi au fait que dans mon texte, je précise bien que le mot « innommable » possède deux sens en français et que je le prenais dans son premier sens, le sens étymologique c’est-à-dire « ce que l’on ne peut pas nommer ». On ne saurait être plus clair ! Vous le dites bien vous-même, on peut écrire en toute impunité « lobby homosexuel », « lobby féministe » ou « lobby pharmaceutique », mais dès qu’il s’agit d’une certaine catégorie de gens, vous êtes immédiatement traduit en justice. Voilà donc ce que je dénonçais ! Et je vous remercie d’avoir rétabli la vérité.

Comment aurais-je pu d’ailleurs prendre le mot « innommable » dans son deuxième sens, dans son sens figuré », qui est « ignoble » ? Moi, en effet, qui n’ai cesse de rappeler partout où je le peux que les trois plus grands crimes de l’époque moderne furent :

. le génocide des Amérindiens

. l’esclavage des Nègres

. la Shoah.

Mais, vous le dites bien encore, ce qui a suscité la colère des droits-de-l’hommistes germanopratins et de leurs affidés locaux, c’est que je disais refuser de porter, en tant que nègre, la responsabilité de la Shoah. Je persiste et signe : {{l’Occident n’a qu’à assumer seul ses turpitudes}}. Ou mieux, comme disait feu mon père : l’Occident ne nous associe jamais à sa grandeur, pourquoi veut-il a tout prix nous faire partager ses turpitudes ? En effet, jamais, il n’est écrit nulle part que Louis XIV a pu faire construire le château de Versailles grâce, en partie, au travail des esclaves antillais et au sucre de canne. Le château de Versailles est toujours présenté comme le fruit du génie européen, du seul génie européen. Eh bien, la Shoah est le fruit du seul (mauvais) génie européen. Point barre.

Oui, la Shoah est une abomination. Exactement comme le massacre des Amérindiens ou l’esclavage des Nègres, mais c’est une abomination européenne. Voilà ce que j’écrivais dans mon fameux mail envoyé à quelques amis ! Où y a-t-il antisémitisme ? Pourquoi ce déchaînement de la presse française à mon égard ? C’est non seulement de la désinformation, mais aussi accorder bien de l’importance à ma modeste personne. Mais passons, un jour viendra où, dans un livre, je remettrai toute cette affaire à plat et réglerai mes comptes avec qui de droit…

Pour finir, je ne peux pas vous laisser insinuer, comme vous le faites à la fin de votre texte, que je serais « parfois raciste envers les Blancs vivant à la Martinique ». Là, par contre, vous tombez dans la désinformation germanopratine. Pour expliquer clairement ma position sur ce qu’Aimé Césaire appela jadis « le génocide par substitution » et qui est, à mon sens, le principal problème de la Martinique actuelle, sachez que je déteste le nationalisme. C’est le colonialisme français qui m’oblige à être nationaliste. Je suis nationaliste, non pas par amour débordant de la Martinique, mais parce que l’économie de mon pays est dévastée, que sa culture et sa langue sont piétinées, que ses enfants ne trouvent plus de travail au pays, que la spéculation foncière ne profite qu’à des gens fortunés venus de l’extérieur et qui s’installent chez nous comme en pays conquis etc…Sachez, cher Thierry Caille, qu’il existe aujourd’hui deux types de peuples : ceux dont l’identité est bien affirmée, dont l’existence n’est pas menacée (Français, Russes, Arabes, Chinois, Etasuniens, Japonais, Italiens, Espagnols etc.) et ceux qui, à cause des aléas de l’histoire, se retrouvent dos au mur, laminés, décérébrés, privés d’état et voués à la disparition (Berbères, Basques, Corses, Tibétains, Kurdes, Aborigènes, Kanaks, Quechuas, Créoles etc…). Les premiers peuvent se permettre de ne pas être nationalistes. Ils peuvent se concevoir comme « citoyens du monde », « internationalistes » ou « apatrides » comme vous le dites. Par contre, les seconds, ne peuvent se permettre un tel luxe. Sinon, ce serait un luxe suicidaire. Ils sont donc obligés de résister et de s’arquebouter sur ce qui leur reste de pays ou d’identité pour tenter de ne pas disparaître. Ils sont condamnés au nationalisme.

Comment pourrais-je être internationaliste alors que je n’ai même pas de nation à moi ? que ma nation est empêchée, opprimée ? Tant que vous n’aurez pas compris cela, cher Thierry Caille, vous continuerez à trouver que les Martiniquais ont parfois une attitude raciste envers les Blancs.

Et pour vous faire une confidence et vous prouver que je déteste le nationalisme, sachez, et cela tous mes amis proches le savent, que ma musique préférée est le fado (portugais), que ma boisson préférée est la vodka (russe), que ma peinture préférée est aborigène (australienne), que ma religion préférée est l’islam (arabe), que mon type de femme préféré est le type boschiman (sud-africain), que mon plat préféré est le poulet-mafé (sénégalais), que mon équipe de foot préférée est la sélection du Brésil etc. etc.
Sacré nationaliste que je fais !!!

(Mais sachez aussi que j’en veux terriblement à ceux qui m’obligent, qui me contraignent, à être nationaliste ! Ils m’obligent à assumer, de par leur comportement colonialiste, une idéologie que je déteste au fond de moi-même).

{{Post Scriptum :}} {ne sachant pas à quoi vous ressembler, je demande au web-master de notre site d’illustrer le présent texte à l’aide d’une photo d’un de vos prédécesseurs, Paul Gauguin, un homme qui adora la Martinique. J’espère que vous ne m’en voudrez pas}.

SALUTATIONS CREOLES.

{{
Raphaël Confiant}}

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