Un proverbe africain dit que lorsqu'un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
Mais qu'en est-il lorsque c'est le cas d'une librairie ?
Surtout d'une librairie âgée de 108 ans comme c'est le cas de la Librairie ALEXANDRE au beau mitan de Fort-de-France, dans cette rue piétonne fort animée de jour, mais qui dès six heures du soir devient complètement déserte. Comme le reste de l'En-Ville d'ailleurs...
Quand une librairie ferme, c'est une mémoire, c'est un pan de notre mémoire qui brûle. Et dans le cas présent, celle du Vieux Foyal d'antan, à l'époque où la rue Victor HUGO était une rue huppée (aujourd'hui, on n'y compte plus les magasins aux portes closes) et où la rue des Syriens (ou François ARAGO) résonnait des exclamations des vendeurs et des acheteurs. L'époque où les bancs en marbre de La Savane, ombragés par des tamariniers centenaires, offraient des espaces de discussions aux différentes couches de la société, certes séparées ("Le banc des Sénateurs", "le banc des Syriens", "le ban des vakabon" etc.) mais fières d'elles. Et cette magnifique Maison du Sport avec son escalier monumental qui semblait défier la plage de La Française, au pied du Fort Saint-Louis.
A l'époque, l'artère centrale de Foyal s'appelait joliment La Levée...
Foyal était une ville créole. Fort-de-France est devenue une tristounette banlieue tropicale dépourvue de centre. Un lieu fantomatique puisque sa partie historique, ce fameux quadrilatère, qui avait pour limite La Jetée (ou "Malecon" aujourd'hui), le Canal LEVASSOR, la Levée et la place de La Savane, n'est plus ou presque plus du tout habité. Comment repeupler ce quadrilatère ? Comment y faire revenir des habitants qui seraient désireux d'y vivre et non pas contraints faute de mieux ? Problème qui ne semble pas avoir de solution.
Car si FOYAL était animée la nuit, pas de doute que nombre de commerces revivraient. Que la Librairie ALEXANDRE aurait pu organiser des rencontres avec des auteurs ou des conférences. Mais petit espoir : deux librairies ont ouvert ces dernières années à Fort-de-France. C'est énorme car partout ailleurs dans le monde, à commencer par Paris et le Quartier Latin, les librairies ferment et sont remplacées par des fast-food ou des magasins de vêtements. Oui, PRESENCE KREOL a ouvert tout à côté de la cathédrale de Fort-de-France et LE PAPILLON BLEU au Rond-Point du Vietnam ! Et si on quitte la capitale, à Rivière-Salée, la librairie ZANOLI, spécialisée, dans la littérature de jeunesse, connaît un franc succès.
Trois librairies qui ouvrent en quelques années, une qui ferme.
On est triste pour celle qui ferme, mais dans le même temps, on se dit que tout espoir n'est pas perdu pour le Livre dans la terre natale des CESAIRE, ZOBEL, FANON et autre GLISSANT...