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MAC MAHARAJ: «MANDELA RECONNAISSAIT QUE, COMME TOUT ETRE HUMAIN, IL ETAIT FAILLIBLE»

Par Nicolas Champeaux sur www.rfi.fr
MAC MAHARAJ: «MANDELA RECONNAISSAIT QUE, COMME TOUT ETRE HUMAIN, IL ETAIT FAILLIBLE»

Mac Maharaj est l’une des figures du mouvement de libération. Il a été torturé en détention provisoire et emprisonné douze années à la tristement célèbre prison de Robben Island. À sa libération, il a sorti en fraude le manuscrit des Mémoires de Nelson Mandela. Aujourd’hui, Mac Maharaj est le conseiller spécial du président Jacob Zuma sur la crise au Zimbabwe.

{{RFI: Vous avez été arrêté pour sabotage en 1964. À quels défis votre mouvement était-il confronté à l’époque ?}}

Mac Maharaj: C’était quatre années après le massacre de Sharpville. La police avait tiré dans le dos des manifestants, alors qu’ils cherchaient à fuir. Des dizaines de personnes sont mortes. Le gouvernement avait banni l’ANC. Les policiers avaient arrêté au cours d’une rafle la plupart de nos dirigeants. Nous avons décidé d’envoyer en exil les cadres qui avaient échappé à ce coup de filet, et nous avons aussi envoyé des membres suivre des camps de préparation militaire à l’étranger. Mais à l’intérieur du pays, du fait de la répression, il était de plus en plus difficile de mobiliser nos hommes. Il nous a fallu organiser des actions violentes. Nous avons décidé d’organiser une campagne de sabotages, car les sabotages étaient visibles, spectaculaires, et ils permettaient d’éviter les pertes de vies humaines.

{{RFI: Les autorités venaient d’introduire de nouvelles règles concernant les détentions provisoires.}}

M.M: Oui, elles pouvaient nous maintenir en détention provisoire durant quatre-vingt-dix jours. Mais souvent, dès les quatre-vingt-dix jours écoulés, nous étions de nouveau arrêtés et maintenus en détention pendant une nouvelle tranche de quatre-vingt-dix jours. Nous étions totalement isolés, nous n’avions pas le droit à un avocat, et souvent, nous étions torturés.

{{RFI: Ce qui était votre cas, on dit que vous étiez l’homme le plus torturé d’Afrique du Sud.}}

M.M: A l’époque oui, mais d’autres ont souffert davantage par la suite. De nombreux prisonniers sont morts en détention. Les autorités disaient par exemple qu’un détenu s’était suicidé, qu’il s’était jeté par la fenêtre. Aujourd’hui, nous savons que ses bourreaux l’avaient défenestré. En ce qui me concerne, à l’époque de ma détention, la pratique de la torture contre les prisonniers était encore assez récente en prison, les autorités en étaient au stade de l’expérimentation. Nos bourreaux utilisaient surtout les chocs électriques pour nous faire parler. Le plus insoutenable quand on est torturé, ce n’est pas nécessairement la douleur physique, mais les périodes de pause entre les agressions, le fait de savoir que l’on va bientôt être de nouveau torturé.

{{RFI: Vous avez été incarcéré douze années à Robben Island. A votre libération, vous avez sorti en fraude le manuscrit des Mémoires de Nelson Mandela. Comment vous y êtes- vous pris ?}}

M.M: Une équipe entière travaillait sur les Mémoires (parues en français au Livre de poche, sous le titre Un long chemin vers la liberté). Mandela, Walter Sizulu, Ahmed Kathrada, moi même et d’autres encore. Nous formions un véritable atelier. On débattait d’abord du contenu, il fallait aussi recopier le texte en de minuscules caractères sur une page très fine, afin de dissimuler les pages dans des dossiers et des couvertures de livres. La procédure était la suivante. Mandela rédigeait une quinzaine de pages chaque jour. J’étais chargé de tout recopier en petites lettres sur une même page. Laloo Chiba m’aidait aussi, car son écriture était encore plus petite que la mienne. Une fois cette tâche accomplie, je transmettais la page à Ahmed Kathrada, qui apportait des modifications ou des suggestions dans la marge. Ensuite, c’était au tour de Sisulu d’ajouter ses commentaires, puis j’ajoutais les miens et je soumettais le tout à Mandela. Lui me disait « Tiens compte de tel ou tel commentaire, et à ta sortie, effectue des recherches pour vérifier l’exactitude de tel ou tel passage ». Mandela a tout écrit en quatre mois !

{{RFI: Cela en dit long sur l’importance du consensus au sein du mouvement. Même les Mémoires de Mandela devaient être soumises au collectif !}}

M.M: Oui, et nous aurions souhaité consulter davantage de camarades ! Mais c’était un projet illégal, et nous nous exposions à des punitions, les autorités nous auraient certainement privés du droit de faire des études par correspondance. Nous avons donc restreint le nombre de participants. Mais c’est vrai que nous discutions beaucoup, nous nous reposions sur notre mémoire, qui était faillible ! Il fallait recouper certains éléments, vérifier, corriger. Et parfois aussi, nous disions à Mandela « Ne verse pas trop dans l’autocritique, alors que nous sommes en pleine bataille! C’est se montrer faible et donner l’avantage à l’ennemi ! » Cela dit, l’objectif de l’autobiographie était d’inspirer tous ceux qui étaient encore en liberté et qui luttaient pour le mouvement. Il nous fallait donc aborder l’histoire avec réalisme et sincérité, afin qu’ils en retirent des leçons pour l’avenir. Et pour y parvenir, il fallait débattre. Et c’est d’ailleurs l’une des plus grandes qualités de Mandela. Il parait décisif, déterminé, sûr de lui, mais dans le même temps, il se remet en cause de façon permanente. Il reconnaissait que, comme tout être humain, il était faillible.

Post-scriptum: 
Mac Maharaj. Nicolas Champeaux/RFI

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