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Manifs : L’influence des stades sur le mouvement

par Mohamed B
Manifs : L’influence des stades sur le mouvement

L’Algérie est en pleine effervescence populaire faisant face ces derniers jours à de multiples rassemblements revendiquant l’abandon de l'option d'un cinquième mandat pour Abdelaziz Bouteflika. Le football, enjeu majeur de la société et de la politique intérieure algérienne se retrouve aujourd’hui au cœur de cette actualité.

À l’heure où la FAF et la LFP annoncent plusieurs reports de matchs des différentes compétitions organisées, le stade de football demeure surtout le dernier espace visible d’expression d’une société en pleine perte de repères, et qui chaque week-end le clame au gré des rencontres de championnat. Tentative d'analyse.

Les images du 22 février ont suscité en chacun de nous interrogations, craintes puis satisfactions et respect envers l’expression d’une voix unie et libérée, d’une aspiration pacifique à un changement. Voir autant de monde dans les rues d’Alger, d’Oran, de Constantine et d’autres villes du pays pour un motif politique semblait, il y a encore quelques semaines, une chimère.

C’est bien la raison du rassemblement et non le nombre qui nous surprend, car si il y a un phénomène qui attire tant d’expression populaire dans nos villes c’est bien le football. Il unit les Algériens et nous permet d’exprimer tous ensemble un sentiment commun.
D’un point de vue sociologique, il joue son rôle de caisse de résonance et de catalyseur social par les messages et dénonciations que les supporters portent (chants, banderoles, actions citoyennes) mais il est aussi l’expression violente d’une société profondément marquée par son Histoire et ses tourments.

En cela, il vient démentir cette affirmation que l’on entend depuis ces derniers jours : « la conscience politique des Algériens s’est réveillée ». Non, elle ne s’est pas réveillée, mais s’est exprimée autrement que dans ses stades où elle risque de ne plus l'être, en témoignent les décisions prises pour éviter, selon la FAF, « les troubles à l’ordre public ».


Vidéo intégrée


 

After being pepper-sprayed and cordoned off, Mouloudia supporters (ultras) broke out in a rendition of their hit song 'La Casa De l'Mouradia'.

Making reference to last year's Netflix blockbuster 'La Casa De Papel'... hinting that Bouteflika is running his own heist

 

Les stades ont relayé, dès les premiers jours, les appels des réseaux sociaux à se mobiliser contre la candidature à un cinquième mandat du président Boutelfika. De multiples rassemblements d’après match et des chants ont émergé dans le pays, comme à Bordj Bou Arreridj, Annaba, Ain M’lila ou Alger.
Mais ils sont aussi depuis ces derniers années, le dernier espace visible d'expression politique(hors réseaux sociaux), provoquant jusqu'à un l'incident diplomatique avec l'Arabie Saoudite, à l’image de la banderole déployée à Ain M’lila en décembre 2017 dénonçant le déménagement de l’ambassade américaine à Jerusalem (NDLR : cet incident a obligé le gouvernement algérien à formuler des excuses officielles au gouvernement saoudien).

Ces supporters souvent structurés en groupes apparentés ultras, reprenant des éléments de cette culture, dont les plus actifs sont ceux d’Ouled El Bahdja (USM Alger). Ces derniers symbolisent à travers leurs chansons - dont la plus connue « La Casa Del Mouradia » - l’exaspération d’une jeunesse faisant face à une frustration ambiante. Leurs textes, sonnant comme des réquisitoires, évoquent publiquement le recours à la drogue pour s’extirper d’une réalité morose, la responsabilité des politiques en place et la volonté de recourir à l’exil.

Ces chants ont dépassé le cadre des clubs où ils ont étés composés pour devenir une dénonciation collective de la situation politique et sociale dans laquelle le pays se trouve. Preuve en est, ils ont été repris à l’occasion du rassemblement du 22 février à Alger-Centre où on a pu (fait symbolique) entendre les supporters du Mouloudia reprendre la « Casa Del Mouradia ».

Là où les manifestants habituels, plus âgés, reprennent des slogans classiques de ces 30 dernières années, ceux issus des quartiers populaires ou les jeunes universitaires leurs préfèrent les chants venus des stades.

 

Ces chants repris dans les manifestations montrent ainsi le lien fort existant entre l’émergence de ce mouvement et celui existant au sein des stades algériens. Ce lien n’a pas échappé aux autorités, qui ont pris dès jeudi des mesures préventives de report de matchs devant se tenir ce week-end , notamment à Alger (MC Alger-MC Oran, USMH-RCK) et à Bejaia où la JSMB devait affronter le Paradou en 1/4 de finale aller de Coupe. D’autres reports sont depuis prononcés sur d’autres matchs de championnat posant la question des conséquences à venir pour la suite des compétitions nationales.

https://www.facebook.com/SAHIFA.NET/videos/392906228140555/
Les supporters de l'USM El Harrach chantent le désespoir de la jeunesse

Quelles conséquences pour le football en Algérie ?

Alors que d’autres rassemblements sont annoncés dans les prochains jours sur les réseaux sociaux, à l’appel de divers collectifs de la société (étudiants, avocats, associations) dont le plus grand serait le vendredi 1er mars, la LFP a d’ores et déjà prononcé le report des rencontres prévues ce jour-là dont l'affiche opposant le Paradou à l’USM Alger au Stade Omar Hamadi (reprogrammé le samedi 2 mars à 17h).

La multiplication des reports pose un sérieux problème de calendrier dans le bon déroulement des compétitions nationales et vient même à en remettre en question leur continuité. Plusieurs scénarios s’offrent aux instances dirigeantes, dont celui du recours au huis-clos sur tous les stades (ou selon la zone géographique) de Ligue 1 et Ligue 2 Mobilis.
Cette décision est à prendre dans un contexte global où trois clubs sont encore engagés en coupes continentales (JSS, CSC, NAHD) et ne peuvent y être soumis lors de leurs matchs à domicile sauf par la CAF. Aussi, cette décision aurait un lourd impact sur les recettes, la Ligue imposant de facto la non-retransmission des rencontres à huis-clos.

Même si il est encore trop tôt pour s’avancer, l’évolution du mouvement viendra potentiellement impacter d’autres rencontres sportives si il venait à durer. Un sérieux casse-tête se pose à la Ligue et la FAF qui devront rapidement trouver des solutions viables pour assurer la continuité des rencontres initialement programmées.

Ces récentes décisions ne sont pas anodines, mais relèvent d’une prise en compte réelle du risque d’amplification par les supporters d’un mouvement qui gagne en visibilité et en crédibilité auprès de l’ensemble de la société.
Le propre d’un catalyseur étant de provoquer une réaction par sa propre présence, on peut légitimement se demander si le football demeure l’élément nécessaire à l’amplification d’un mouvement qui vient matérialiser au-delà de ses frontières, des revendications politiques qu’il porte chaque week-end dans les stades du pays.

Il serait inopportun à l’heure actuelle d’en avoir la certitude.

DZfoot.com

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