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MARINA DU MARIN : CARENANTILLES OU L'ARBRE QUI CACHE LA FORET

MARINA DU MARIN : CARENANTILLES OU L'ARBRE QUI CACHE LA FORET

   Au-delà du scandale provoqué par la mise en examen des propriétaires békés de CARENANTILLES et de l'incarcération de Jean-Louis DE LUCY (une première en Martinique !), il y a un problème plus global concernant la Marina du Marin.

   Les plus anciens se souviennent de ces années 80 au cours desquels l'association écologique ASSAUPAMAR, présidée à l'époque par Garcin MALSA, s'était fortement opposée à la construction de cette marina dont le maire du Marin, Rodolphe DESIRE, mis en examen lui aussi dans l'affaire CARENANTILLES, avait assuré qu'elle ne recevrait que 250 bateaux. En réalité, très vite, près de 400 bateaux s'entassèrent dans cette baie semi-fermée. Contrairement à ce qui avait été dit à l'époque, les écologistes ne rejetaient pas ladite marina parce qu'ils étaient viscéralement hostiles au tourisme. Ils avaient, en fait, une proposition alternative : la création d'une vaste ferme aquacole.

   Proposition qui n'était nullement une lubie ou une idée farfelue, toujours comme certains l'avaient décriée à l'époque, mais fondée sur le cas d'une baie semi-fermée du Japon, de taille et de forme à peu près similaires à celle du Marin, où une telle ferme avait été installée et fonctionnait très bien. Elle émanait d'un membre de l'Assaupamar, le dentiste Jean MANGATTALE, aujourd'hui décédé, qui était marié à une Japonaise et vivait au Macabou. Celle-ci s'était procurée tous les documents nécessaires auprès des constructeurs (études d'impact, coût des installations etc.) ainsi que des dirigeants (espèces de poissons, méthodes d'élevage etc.) de ladite ferme aquacole. Restaient à trouver des investisseurs, de préférence martiniquais...

   Ce sont donc deux visions opposées du développement économique qui s'étaient affrontées et non un conflit entre des écologistes irresponsables et destructeurs d'un côté et de brillants développeurs de la Martinique, de l'autre. Une vision endogène (celle de l'Assaupamar) et une vision exogène (celle de la municipalité du Marin). Exogène pour la simple raison qu'une marina est entièrement dépendante de l'extérieur, de plaisanciers étrangers qui pour une raison ou une autre, peuvent décider du jour au lendemain, de ne pas venir amarrer leur bateau chez vous. Ou comme ils le font encore à la date d'aujourd'hui de traverser le canal de Sainte-Lucie pour acheter du carburant détaxé chez notre voisine du sud alors même que leur point d'amarrage se trouve au Marin, en Martinique !!! 

   D'aucuns se souviennent de ce dimanche matin au cours duquel une cinquantaine de membres de l'Assaupamar avaient investi le lieu-dit "Bassin-Tortue" (qui porte ce nom parce que c'était un très ancien lieu de ponte des tortues) et arraché les piquets mis en place pour pouvoir délimiter le terrain et commencer les premières constructions de la marina. Des "dogs" municipaux étaient d'abord venus les intimider, puis R. DESIRE avait accepté de discuter avec eux dans sa mairie où il étala de grandes cartes de la baie et des futures infrastructures, leur assurant qu'elle ne dépasserait pas 250 bateaux et qu'il veillerait à limiter les inévitables pollutions entraînées par cette activité. Il n'en fut rien évidemment comme déjà indiqué !

   Sa marina fut donc finalement construite, puis triomphalement inaugurée. Puis agrandie et modernisée au fil du temps.

   Sauf qu'assez vite, la population marinoise se rendit compte que deux sortes de personnes bénéficiaient principalement de ladite marina : les "Békés-pays" et les "Békés-France". Certes, des emplois furent créés dans l'entretien des bateaux, la réparation navale etc. et des "Neg" trouvèrent à s'employer, mais cela en quantité assez modeste. Les "Békés-pays" et les "Békés-France" accaparèrent ce qui avait trait à la location de bateaux de plaisance, à la restauration et à l'hôtellerie vu qu'ils disposaient de moyens financiers et de facilités bancaires surtout, toutes choses que n'avaient pas le Marinois ou les Martiniquais en général. Un sentiment de dépossession, rarement formulé à haute voix (car tout le monde a un fils, une cousine ou un beau-frère qui travaille directement ou le plus souvent indirectement pour la municipalité), commença alors à se faire jour même si R. DESIRE continua à se faire réélire des décennies durant.

   Le sentiment était (et est encore) que cette marina n'appartient pas aux Marinois.

   On voit donc bien que CARENANTILLES n'est que l'arbre qui cache la forêt, le symptôme d'un malaise beaucoup plus général et plus profond. Car même si ses propriétaires avaient utilisé honnêtement les fonds européens, régionaux et municipaux qui leur furent alloués, chose qui aurait évité à Jean-Louis DE LUCY de se retrouver à Ducos aujourd'hui, le problème demeurerait le même : à qui profite vraiment les, certes remarquables, infrastructures de la Marina du Marin ? En tout honnêteté, il est difficile de répondre : "Au Marinois moyen !" ou bien "A tous les Martiniquais !".

 

PLAISANCIERS SAUVAGES

   

   Sinon, avec le recul du temps, quand on voit ce qui se passe à St-Anne, chose dont le maire actuel ne peut être tenu pour responsable, à savoir l'envahissement des différentes baies de la commune, à commencer par celle au bourg, par des hordes de navires de plaisance qui préfèrent y stationner au lieu de payer un amarrage à la Marina du Marin et qui déversent leurs huiles de vidange et autres déchets directement dans l'eau, on a de quoi relativiser les critiques qui, dans le temps, avaient pu être adressées à la municipalité marinoise. Une jolie plage comme celle de Caritan, par exemple, qui possédait un hôtel (fermé aujourd'hui et revendu à des particuliers par morceaux ou, plus exactement par bungalows ou appartements), est aujourd'hui tellement polluée par ces plaisanciers sauvages qu'elle est régulièrement interdite de baignade ou signalée comme ayant une eau de qualité médiocre ou parfois mauvaise. Dépourvue de marina, il aurait fallu que la municipalité saintannaise disposât d'une police de la mer pour rappeler ces plaisanciers contrevenants à l'ordre, mais on pense bien que ce n'est pas possible.

   Résultat : le Marin a une marina, qui certes pollue, mais lui permet au moins de gagner quelque argent (enfin, ses "Békés-pays" et "Békés-France" surtout) et de fournir quelques emplois à sa population tandis que Saint-Anne, elle, a tous les désavantages d'une marina mais SANS AUCUN des avantages.

   On le voit donc, rien n'est simple dans cette affaire, ni tout blanc ou tout noir. Les écologistes ont été longtemps au pouvoir à Saint-Anne et ils n'eurent évidemment pas les moyens de s'opposer à la présence des plaisanciers sauvages dans les baies de leur commune. Ils ont même assisté, impuissants, à l'augmentation de leur nombre année après année ! Ce qui amène à se demander si l'idée d'utiliser cette baie semi-fermée du Marin pour installer une marina était une bonne idée quand on sait que dans ce domaine, les îles anglophones et hispanophones qui nous entourent ont développé le nautisme longtemps avant la Martinique d'une part et que d'autre part, le coût de la main d'œuvre chez elles est considérablement inférieur au nôtre alors même qu'elles disposent des mêmes attraits touristiques que nous. Certes, CARENANTILLES affirme disposer d'un matériel plus performant et plus moderne que celui existant ailleurs dans notre Caraïbe-sud, chose qui a ou aurait pour effet d'attirer les plaisanciers, mais cela ne change rien au coût de notre main d'œuvre et à la cherté de la vie laquelle amène nombre de bateaux amarrés au Marin à descendre chaque semaine à Castries (Sainte-Lucie) pour y faire leurs courses !!!

   Justement, en parlant de cette cherté de la vie qui pousse les plaisanciers à ne presque rien acheter chez nous, QUI EN EST RESPONSABLE ? On a pu entendre Jean-Louis DE LUCY dénoncer virulemment sur BFM-TV, les "fonctionnaires" qui en février 2009, à l'entendre, avaient organisé une grève générale d'un mois dans l'objectif d'"obtenir l'indépendance des iles" (sic). Ce mensonge grossier est passé comme une lettre à la poste, mais tous les Martiniquais, y compris les Békés intellectuellement honnêtes (il y en a, fort heureusement !) savent que ce n'est pas vrai. Les dizaines de milliers de gens qui sont descendus dans les rues durant tout un mois, tant en Guadeloupe qu'en Martinique, voulaient lutter contre la "profitasion", terme créole qui peut être traduit par "exploitation éhontée" et les Smicards, eux, réclamèrent plus particulièrement une hausse de salaire de 200 euros mensuels.

   Exploitation éhontée, oui, parce que lorsqu'un supermarché revend un produit fabriqué en France à 22 euros alors qu'il coûte 5 euros dans cette même France, le Béké a beau évoquer les frais d'approche, les charges patronales, l'octroi de mer et tout ce qu'il veut, cela reste de l'exagération pure et simple. Et les manifestants se montrèrent même raisonnables en ne demandant pas la baisse du prix de tous les produits, mais SEULEMENT des "produits de première nécessité" ! Donc la sortie de Jean-Louis DE LUCY sur BFM-TV était inqualifiable, inadmissible. Jamais les manifestants de 2008 n'ont réclamé l'indépendance !

  Et quand dans cette même interview, il pointe du doigt les 40% des fonctionnaires, il fait semblant d'oublier deux choses :

  

   . ce sursalaire finit inévitablement dans les caisses des supermarchés, concessions automobiles, magasins de bricolage etc...appartenant aux Békés. C'est grâce aux 40% qu'un fonctionnaire martiniquais peut se permettre de changer de voiture tous les 4 ou 5 ans alors que son homologue hexagonal ne le fait que tous les 8 ou 10 ans. Or, à qui appartiennent les concessions automobiles en Martinique ? La première personne qui devrait donc la fermer à propos des 40%, c'est bien le Béké puisqu'en fin de compte, c'est lui qui rafle la mise.

 

   . il n'y a pas de 40% à Sainte-Lucie ni à Barbade ! Un fonctionnaire indépendantiste le sait pertinemment et il sait aussi que dans une Martinique indépendante, il ne les aura pas. Donc il ne peut pas, comme l'en a accusé DE LUCY dans l'interview de BFM-TV, vouloir à la fois l'indépendance et les 40%. Cette accusation aberrante, illogique en tout cas, se retrouve aussi dans la bouche de maints professionnels libéraux (avocats, dentistes, architectes etc.), pourtant "de couleur" dans leur écrasante majorité, alors qu'eux aussi bénéficient des 40%. C'est grâce à l'existence de ce sursalaire que, par exemple, un avocat de renommée moyenne peut vous demander de mettre 1.500 euros sur la table avant de commencer à étudier votre affaire alors que son confrère hexagonal réclamera la moitié de cette somme.

 

DOUBLE DISCOURS ET SUBVENTIONS A GOGO

 

   Ainsi donc, les plaisanciers de la marina du Marin, quoique fortunés, constatent bien, eux aussi, la cherté de la vie en Martinique mais ils ont la possibilité d'aller faire leurs courses beaucoup moins cher dans les autres îles alors que le Martiniquais, lui, est enchaîné à son caddy. Ce qui fait que les mêmes qui nous disent que le nautisme est la chance de la Martinique font fuir les plaisanciers avec le coût exorbitant de leurs marchandises dans leurs supermarchés !!! OUI, LES MEMES !

   Toute une frange de Békés a toujours tenu ce type de double discours, pas très cohérent, peu logique, démagogique dans tous les cas, d'une part pour intimider les "Neg" en se présentant comme les seuls intéressés par le développement économique de la Martinique (tous les "Negs" voulant devenir fonctionnaires, n'est-ce pas ?) mais surtout pour puiser à pleines mains dans les subventions franco-européennes et locales comme on le voit dans le secteur de la banane depuis des lustres. Et celui du nautisme comme dans le cas de CARENANTILLES !

   Inévitablement, à force de brasser des subventions énormes et surtout régulières, certains finissent par déraper et c'est comme ça qu'ils finissent à Ducos. Entre temps, on ne voit aucun développement économique réel, mais une économie de comptoir dominée par des féodaux (et non de vrais capitalistes lesquels ne vivent pas principalement de subventions).

   Pour en revenir brièvement d'ailleurs au projet de ferme aquacole présentée par l'ASSAUPAMAR dans le temps pour la baie semi-fermée du Marin, non seulement elle s'appuyait sur une documentation technique très précise, mais aujourd'hui, on mesure à quel point le projet était loin d'être farfelu : notre aquaculture a, en effet, été tuée par l'usage massif du chlordécone. Les principaux bassins d'élevage se trouvaient placés, en effet, au pied des bassins versants des bananeraies du Centre-Atlantique et du Nord-Atlantique de la Martinique. Or, il n'y a pas de bananeraies dans la région du Marin et si elle est polluée, c'est à cause des huiles de vidange des bateaux de plaisance et non par le chlordécone. Mais pour qu'une ferme aquacole y vit le jour, encore aurait-il fallu que des capitalistes martiniquais acceptent d'investir c'est-à-dire DE PRENDRE DES RISQUES, ce qui est, pour autant qu'on sache, la définition même du capitalisme. Il ne fallait surtout pas compter sur nos rentiers-compradores-féodaux Békés !

    Que peuvent nos politiques, toutes tendances confondues, face à ce qui est une impasse pour la Martinique ?

  Pas grand chose. Ou presque...

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