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Méfions-nous des apparences

René Ladouceur
Méfions-nous des apparences

Voilà le roman que, en ce mois d’août finissant, il faudrait lire séance tenante en Guyane. On pénètre dans *Une famille presque parfaite comme on transgresse un vieil interdit de chez nous. Les propriétaires de la maison sont bien présents mais tout est calme, rien ne frappe le regard. On y entre d’ailleurs sur la pointe des pieds, comme si on pressentait qu’une révélation était tapie entre les murs, que quelque chose de l’énigmatique Edmond, le chef de famille, était resté accroché aux rideaux.

Il faut dire que Jessica Martin, l’auteur du livre, ne manque pas de talent. C’en est du reste presque indécent. Tant de dons chez une seule femme exaspèrent l’idéal de justice et découragent le principe de l’égalité des chances. On y ajoute même une vertu, qui est de ne jamais s’avantager. Bousculons donc sa modestie. Tout ce qu’elle touche, Jessica Martin en fait du métal précieux.

Il ne lui suffit pas d’être une chanteuse dont les prestations attirent un nombre grandissant de spectateurs. Elle ne se contente pas non plus d’être une actrice de cinéma dont les réalisateurs, notamment Marc Barrat dans la série Meurtre à Cayenne, se disputent la formidable présence. Elle trouve encore le temps de cultiver les langues étrangères où elle excelle. Et il faut en plus que l’écrivaine, dont on apprend ici qu’elle s’essaie à la rédaction de livres sur le développement personnel, ait la grâce. C’est désespérant pour tous ceux qui tentent, dans une seule discipline, d’avoir un peu de virtuosité.

Car Une famille presque parfaite sort réellement de l‘ordinaire. Ce roman, en Guyane, bouscule toutes les conventions du genre. Il explose. Il détonne. Son histoire, à l’évidence, n’a pas seulement été vécue dans la fièvre. Elle a été aussi écrite sur le vif.

Entre la fiction et la réalité, il n’y a parfois qu’un pas. Celui-là même que franchit Jessica Martin et qui définit au plus près son art romanesque.

Une famille presque parfaite est à cet égard un modèle du genre. Il y est question d’une famille guyanaise bourgeoise d’aujourd’hui dont, pêle-mêle, le père est un trafiquant de drogue, son épouse ne pense qu’à fuir le domicile conjugal, un de ses fils peine à révéler son homosexualité, sa fille tombe amoureuse d’un dealer … et autres joyeusetés familiales. Il faut insister : le mot « joyeusetés » s’impose. Si Jessica Martin ne se berce pas d’illusions excessives quant aux promesses de bonheur que peuvent receler la vie de couple, l’institution du mariage, la paternité, l’entente entre les générations ou un épanouissement sexuel durable, elle refuse d’en faire pour autant un drame.

On réalise soudain, à la lecture de ces pages, que c’est toujours de la marge que viennent les artistes, et que c’est en marge qu’ils choisissent de rester. Le centre, ils l’observent, l’analysent, le critiquent, et parfois parviennent à le déplacer. Tel est l’enjeu : forcer le centre à détourner son regard de lui-même ; forcer la Guyane à s’interroger et à se questionner véritablement.

Il faut dire que Jessica Martin écrit dans un français universel, qui emprunte à la fois à sa naissance dans l’Hexagone, à ses origines antillaises, à sa maturation en Guyane et à ses lectures de chevet. Un français enrichi de tout ce que, à son jeune âge, elle a déjà vécu.

Sous sa plume, si délicate qu’on dirait un pinceau pour calligraphier, les images, les parfums, les sensations, les idées se mêlent et parfois se confondent. La détresse et l’espérance, les cicatrices et les baisers, la vérité et le mensonge.

 

René Ladouceur

 

 

 *Une famille presque parfaite-Jessica Martin-67 pages-20,00 euros

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