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NOTRE PREMIER MAI MATRAQUÉ

De Batay Ouvriye
NOTRE PREMIER MAI MATRAQUÉ

{La liberté d'association et de réunion sans armes à des fins politiques, économiques, sociales, culturelles ou toutes autres fins pacifiques est garantie.}

(Article 31, Constitution d’Haïti)

Ce vendredi 1er mai 2009 le gouvernement Préval - Pierre-Louis a finalement et définitivement révélé sa vraie nature, jetant au loin son masque démocratique pour montrer ce qu’il est réellement : le protecteur farouche des la bourgeoisie haïtienne la plus vile, gardien servile de ses intérêts uniquement, et, à cette fin, une reproduction « revue et corrigée » des dictatures les plus féroces, à la Franco, Batista, Trujillo, Pinochet, Duvalier… « Pope twèl », fantoche.

La répression du droit le plus légitime de manifester des travailleurs et ouvriers en ce premier mai, à la capitale, violemment mise en œuvre par les forces du CIMO, bafouant et foulant au pied l’élément quintessentiel de nos conquêtes démocratiques de l’après-Duvalier (ainsi que du mouvement ouvrier international du 20e siècle) le droit d’association et d’expression, est l’expression répugnante mais concrète de l’abandon total du mandat octroyé par le peuple haïtien à ce gouvernement, de sa trahison, de son asservissement.

Car, oui, notre manifestation inouïe de milliers de personnes, ouvriers, travailleurs, militants du milieu universitaire, chômeurs, marginalisés, exclus, de sensibilités politiques diverses, se regroupant pour la première fois en un « Collectif pour un autre premier mai », s’est vu menacée, intimidée, attaquée, matraquée. Deux blessées : l’une, d’un coup au tympan, l’autre des suites de l’intoxication au gaz lacrymogène. Beaucoup d’autres auraient pu l’être, dû à la panique suivant les coups de feu de ces forces spéciales, assurant l’interdiction d’accès au Champs-de-Mars.

En effet, regroupé devant le Palais Législatif dès les neuf heures du matin, le Collectif[*], accompagné des différentes délégations de solidarité venues de divers pays[†] s’est déployé rapidement. Du Palais Législatif aux Affaires Etrangères (pour dénoncer l’occupation) ; puis devant la poste, la mairie et la Téleco de la Grand’ Rue (pour protester contre les non paiements, révocations antisyndicales et privatisations pendantes sur le secteur « Service Public ») ; passant devant la Cour Supérieure des Comptes (pour dénoncer la corruption rampante en ce pays déjà si dénudé) ; puis par le Ministère des Affaires Sociales et du Travail (pour exiger un salaire minimum ajusté suivant le coût de la vie et protester contre son rôle rétrograde sur ce sujet) ; pour enfin monter vers la Place du Marron Inconnu du Champs-de-Mars, point d’aboutissement de la marche, signifié à la police.

Pour être clairs : avant même le jour du premier mai, ce n’est qu’après maintes et maintes « négociations » que les responsables de cette police de plus en plus répressive ont « accepté » de « permettre » notre marche, eux qui ne sont censés être qu’avertis ! (« Les réunions sur la voie publique sont sujettes à notification préalable aux autorités de police. », Art. 31.2, Constitution d’Haïti).

Et ne voilà-t-il pas qu’arrivé vers midi au seuil du Champs de Mars, le mouvement dont la puissance s’évaluait à l’œil se trouvait confronté à des « agents anti-émeute », interrompu par les forces répressives de ce gouvernement – ceci après tant d’efforts réalisés pour faire ce premier mai 2009 reprendre sa signification fondamentale. Hargneux, ces agents de l’ « ordre » revêtus de tenues de guerre enfonçaient leurs bâtons à l’estomac des manifestants, nous forçant à retourner.

La coordination du Collectif a pu s’entretenir avec eux. Les négociations, retransmises par radio à leur supérieur, confirmaient qu’effectivement le parcours désigné avait été reçu et que nous pouvions repartir vers le Bel-Air (quartier populaire) pour redescendre sur le Champs-de-Mars, Place du Marron Inconnu.

Pourtant au prochain carrefour, la manifestation se trouvait confrontée face au même contingent avec cette fois-ci une consigne claire : interdiction d’avancer ! Et : gaz lacrymogènes ! Même tirs ! Une panique générale s’ensuivit et la manifestation pacifique des travailleurs et secteurs populaires a pu effectivement être désagrégée.

*

Tout ceci pour éviter une rencontre entre notre manifestation revendicative et la « parade » de syndicalistes jaunes et autres « représentants paysans » cooptés pour l’occasion, mais surtout pour protéger la fameuse foire traditionnelle placée cette année sous le thème démagogique « Solidarité Patrons, Ouvriers, Artisans… », et où siégeaient en bonne place la multinationale Digicel, Acra…, ou encore l’Office Nationale d’Assurance (ONA) nationalement décriée récemment pour ses actes de gabegie à grande échelle, où ce gouvernement a choisi de dilapider 20 millions de gourdes du trésor national du Ministère des Affaires Sociales ?

Ou pour bien signifier au peuple son déni soutenu au droit à la parole, son exclusion permanente, son refoulement des évènements publiques (a moins qu’il s’agisse d’élections) ?

Dans un cas comme dans l’autre, notre outrage est infini, la colère gronde. Le choix manifeste de ce gouvernement écœure, face à la détérioration continue des conditions de travail et de vie du peuple haïtien.

*

Il faut bien comprendre qu’Haïti est le seul pays au monde où le Premier Mai de la lutte des travailleurs est transformé en une foire agricole, puis artisanale, puis incluant aujourd’hui publicité pour autant de firmes capitalistes ! Il n’est qu’à regarder les nouvelles des manifestations en Europe, en Amérique Latine, en Afrique… aujourd’hui aux Etats-Unis même et leur ampleur partout cette année pour comprendre que pire et plus dégradante récupération ne peut en effet avoir lieu qu’ici. Nous étions déjà accoutumés aux 8 mars de la « femme », célébrés dans des hôtels de luxe à grand renfort de propagande unificatrices mielleuses tandis que le 8 mars est encore une autre date de lutte ouvrière, plus d’une centaine d’ouvrières du textile protestant contre des conditions de travail abusives et dégradantes ayant été brulées vives à l’intérieur de l’usine par les patrons …et leurs femmes. Mais on n’avait pas encore atteint ce point culminant où la manifestation des travailleurs est elle-même empêchée puis écrasée un Premier Mai !

Il ne reste plus à cette clique de renégats que de célébrer les prochains 18 mai et premier janvier à l’ambassade de France (ou simplement dans les bureaux de la MINUSTAH) et, carrément, replacer le blanc au drapeau national. C’est en effet le rôle qui leur est assigné et qu’aujourd’hui ils assument.

Nous sommes donc en présence d’une nouvelle dictature montante où les droits les plus élémentaires du peuple sont tous bafoués. Au, nom, s’il-vous-plaît, de la démocratie ! Cette « démocratie pèpè » ? - comme le peuple l’a déjà si bien nommée - « démocratie » réduite à des élections bidon : ce peuple qui, avec son rejet massif teinté de dégoût pour les dernières « joutes », a signifié son clair entendement de la mystification.

Notre exigence est que seul un déni complet et clair du gouvernement sur sa responsabilité des évènements du premier mai, avec déclaration formelle de sécurité et de soutien aux prochaines manifestations des travailleurs, pourraient nous permettre un entendement différent.

Port-au-Prince, ce 2 mai 2009

Pour Batay Ouvriye

{{Yannick ETIENNE}}

____

[*] Confédération des travailleurs des services publiques (CTSP), Batay Ouvriye , Antenne Ouvrière, Tèt Kole Ti Peyizan Ayisyen, MODEP (Mouvement Démocratique Populaire), SOFA (Solidarite Fanm Ayisyen), Solidarité entre Jeunes (SAJ/Veye yo), Chandèl, Rassemblement d’Organisations pour une Nouvelle Alternative (RONA), Réseau d’Organisations de la Zone Ouest (ROZO), ainsi que beaucoup d’autres associations de quartier et autres marchandes de détails (Ti Machann)… …

[†] La Coordination Nationale de Luttes (Conlutas) et le Mouvement des Sans Terre (MST) du Brésil, le Lyannay Kont Pwofitasyon (LKP) de la Guadeloupe, et le Syndicat International des Services Publics (PSI) de Trinidad et Tobago


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