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PAS DE VACANCES POUR LES ENFANTS BRISEURS DE CAILLOUX AU BURKINA

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PAS DE VACANCES POUR LES ENFANTS BRISEURS DE CAILLOUX AU BURKINA

Deux garçons de 7 ans, la peau et les vêtements blanchis par la poussière, remplissent des gobelets de petits cailloux. L’un d’entre eux se lève, marteau à la main, et s’attaque à un tas de pierres aussi grand que lui. L’air est irrespirable, des pneus brûlent pour aider à briser le granit récalcitrant. Son enfance, il la passe à casser la roche dans une carrière à ciel ouvert non loin de Ouagadougou, la capitale.

Le cas de ces mineurs est loin d’être une exception au Burkina Faso. Orpailleurs, vendeurs ambulants, travailleurs dans les champs de coton… Selon l’Enquête nationale sur le travail des enfants (ENTE, 2006), environ 60 % des jeunes de 5 à 17 ans exercent une activité économique dans ce pays sahélien de 16,9 millions d’habitants, où près de la moitié de la population vit avec moins d’un euro par jour.

Une jeune femme travaillant au fond dans la carrière de Pissy, à l’ouest de Ouagadougou, le 4 juin 2016

Une jeune femme travaillant au fond dans la carrière de Pissy, à l’ouest de Ouagadougou, le 4 juin 2016 CRÉDITS : NABILA EL HADAD/AFP

Comme Amy et sa sœur, 15 et 14 ans, ils sont des dizaines d’enfants à trimer dans la carrière de Pissy, un quartier populaire à l’ouest de la capitale. « On vient à deux sur le vélo. Le trajet dure plus d’une heure », explique Amy. Au bout du parcours, huit heures de travail par jour les attendent, six jours sur sept.

Dès l’aube, un millier de personnes, chaussées pour la plupart de tongs ou de sandales, s’enfoncent dans le cratère dont les bas-fonds sinueux et glissants prennent des allures de fourmilière. Une fois chargés, ils remontent un chemin ardu, avec sur la tête un plateau lourd de dizaines de kilos de granit, qu’ils revendent 300 francs CFA (45 centimes d’euro) l’unité. Des femmes courbées en deux, enfant sur le dos, brisent le granit dont certains éclats perdus atterrissent dans leurs yeux abîmés.

Tous travaillent à leur compte et gagnent en moyenne un à deux euros par jour. Sorti de la carrière, ce granit sert à construire des bâtiments, des maisons, des routes.

Poussière et gaz toxiques

« Vous avez des médicaments ? », demande la jeune Némata. L’ongle de son index est violet, le doigt enflé. « C’est le marteau… », explique la fillette de 12 ans, qui se met à tousser. L’air est saturé de poussière et de gaz toxiques s’échappant de pneus brûlés, utilisés pour fragiliser la pierre. Autour d’elle, aucun des jeunes travailleurs ne porte de gants ou de masque de protection.

 Un jeune garçon brisant la pierre dans la carrière de Passy, près de Ouagadougou, le 21 décembre 2015

Un jeune garçon brisant la pierre dans la carrière de Passy, près de Ouagadougou, le 21 décembre 2015 CRÉDITS : NABILA EL HADAD / AFP

Les travailleurs de la carrière risquent des maladies pulmonaires comme l’asthme ou la tuberculose dans les cas extrêmes, explique Dr Boureima Koumbem, du service de pneumologie du CHU Yalgado à Ouagadougou. « Ils sont exposés à une pneumoconiose, leurs poumons sont envahis par des poussières minérales. Ce sont des maladies silencieuses. Ces personnes sont sous-oxygénées toute leur vie, parfois sans le savoir… » Un enfant sur quatre exerçant une activité économique dans le pays est assigné à des tâches dangereuses, selon l’ENTE.

Amy déverse son plateau de granit sur « sa » pyramide de pierres. Ici, chaque famille dispose d’une parcelle depuis des années, quand les Français ont quitté ce qui était à l’époque la Haute-Volta.

« Payer les cahiers »

Les enfants viennent prêter main-forte à leur mère, leur père ou leur tutrice pour augmenter les revenus ou subvenir à leurs besoins. C’est le cas de Némata, orpheline de père, et d’Amy, toutes deux scolarisées au collège. Elles aident leurs familles pendant les vacances scolaires « pour payer les cahiers », dit Némata. Pour « aider à payer l’école », renchérit Amy.

Seuls deux enfants sur cinq sont scolarisés au Burkina, selon le BIT (Bureau international du travail). Et quand ils le sont, la qualité de l’enseignement laisse souvent à désirer. Classes surchargées, conditions d’études difficiles… Les enfants qui quittent le système pour gagner un peu d’argent sont légion.

Avec son programme national de lutte contre le travail des enfants dans les sites d’orpaillage et les carrières artisanales, le ministère de l’action sociale ambitionne de réinsérer 80 % des enfants travailleurs via des formations dans des ateliers, en les scolarisant ou en ouvrant des écoles proches des sites miniers. Mais faute de financement, ce projet sur cinq ans, évalué à environ 26 milliards de francs CFA (40 millions d’euros) et adopté en Conseil des ministres en septembre, est toujours au point mort.

Pour Alizetta Korgo, les raisons économiques n’expliquent toutefois pas à elles seules le travail des enfants. La pression sociale joue aussi, souligne cette membre de la Fondation pour l’étude et la promotion des droits humains en Afrique (Fepdha) : « Si tu es un enfant, que tu vas à l’école et que tu n’aides pas ta famille, tu es mal vu par la société, on te traite de paresseux », soupire-t-elle.

Le lieu de travail devient alors le substitut de l’école et cette carrière du « pays des hommes intègres » se transforme en terrain d’apprentissage autonome pour des enfants dont les mains meurtries se confondent bientôt avec celles des adultes.

 

 

 

Post-scriptum: 
Deux jeunes filles posant avec du granit sur leur tête dans la carrière de Pissy, à l’ouest de Ouagadougou, le 10 juin 2016. CRÉDITS : NABILA EL HADAD/AFP

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