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PIERRE PAPAYA, OU LA TOUJOU !

Raphaël Confiant
PIERRE PAPAYA, OU LA TOUJOU !

En moi perdure comme une rumeur de chagrin, « le chant profond du jamais refermé » comme le dit Aimé Césaire, blessure secrète que rien ne vient apaiser et qui, surgit, ici et là, au détour d’un mot, d’une phrase, d’une simple photo ou d’une intonation de voix.

Pierre Papaya fut le tout premier webmaster de notre site MONTRAY KREYOL qui entre aujourd’hui dans sa cinquième année d’existence. Pendant les trois premières années, seul, avec une énergie qu’on ne soupçonnait pas chez cet homme d’apparence frêle, il l’a porté à bout de bras. Jour après jour, nuit après nuit plutôt, car le jour, il était informaticien au Conseil régional de la Martinique. Chaque soir donc, Pierre recevait son compte d’articles de nos nombreux collaborateurs, un trop plein de textes et de photos même devant lesquels il n’a jamais rechigné. Et cela même quand le contenu desdits textes allait parfois à l’encontre de ses convictions de militant marxiste-léniniste convaincu.

C’est que Pierre savait au plus profond de lui qu’on n’a nul besoin d’être à 100% d’accord avec quelqu’un pour pouvoir collaborer avec lui. Ce en quoi il différait profondément de nombre d’anticolonialistes de ce pays qui ne supportent ni la contradiction ni la remise en question. Nous étions d’accord sur l’essentiel et cela lui suffisait à savoir que la Martinique doit nécessairement devenir, un jour proche ou lointain, une nation libre, un pays indépendant. Sur ce principe de base, sur ce socle intangible, il savait qu’il était, qu’il est possible de construire des solidarités concrètes et non purement verbales. Concrètement donc, il a apporté son aide, sa grande maîtrise de l’outil informatique, à un site, MONTRAY KREYOL, qui est composé surtout de nationalistes avec toutes les nuances possibles : nationalistes créolistes, nationalistes écologistes, nationalistes caribéens, nationalistes négristes etc…

L’ouverture de notre site à toutes les sensibilités plaisait beaucoup à Pierre Papaya, homme à l’esprit ouvert et d’une discrétion rare, par ailleurs membre actif du PKLS (Parti Kominis pou Lendépandans ek Sosializm) dont le site-web était également géré par lui. On ne saurait définir Pierre comme un militant de l’ombre. Il était de toutes les mobilisations, de toutes les manifestations dès l’instant où il lui semblait que les droits des travailleurs étaient bafoués. S’il n’a jamais fait la une des journaux ou d’autres médias, c’est qu’il savait aussi que pour être efficaces, certains militants ont besoin d’un relatif anonymat alors que d’autres doivent nécessairement apparaître en pleine lumière, les uns étant les compléments des autres.

L’annonce de son décès - deux ans déjà ! - , je l’ai reçue alors que je me trouvais à la Guadeloupe. Ce qui fait que n’ayant pu assister ni à sa veillée ni à ses funérailles, l’image que je conserve de lui est celle d’un homme vivant. Celle de l’Indien barbu aux petits yeux rieurs qui s’étonnait un peu de mon grand intérêt pour l’hindouisme créole, lui, le marxiste-léniniste athée et donc peu enclin à accorder du crédit aux religions. Celle d’un être à la voix étonnamment douce mais marquée par une tranquille détermination. Celle d’un Martiniquais résolument opposé, mais sans éclats de voix ni dénonciation aucune, à l’hédonisme mortifère et au consumérisme débile qui empoisonnent à petit feu notre peuple. Un peuple qui passe son temps à musiquer et à « jwé boul » n’est-il pas voué à un destin mineur ? Ne « fouille-t-il pas sa fosse lui-même » comme le dit l’expression créole ? Ces préoccupations-là nous étaient communes aussi. Nous n’étions pas toujours d’accord sur la manière de résoudre le problème ni sur la nouvelle société qu’il faudrait construire une fois notre pays devenu libre, mais cela importait peu car nous marchions sur le même chemin.

Alors, parfois, au détour d’une intonation de voix, d’un mot ou d’une phrase, à la vue d’une photo ou d’une affiche, son visage me revient, comme à l’improviste, furtivement, et je sais donc qu’il est encore vivant en moi. Comme il l’est chez son épouse, ses enfants, ses amis et ses camarades militants du PKLS.

Mèsi anchay, Piè !

Commentaires

sapotille | 22/01/2012 - 05:17 :
Bonsoir, Merci pour ce bel article, que je ressens profondément vrai par rapport à ce que j'ai pu connaître de Pierre (trop peu de temps), qui était quelqu'un qui m'a marquée, dont j'ai réellement apprécié la présence et la conversation, et que je respecte infiniment pour son engagement, sa culture, sa générosité, sa loyauté sans faille, sa finesse d'analyse...

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