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POLYGAMIE A MAYOTTE : TEMOIGNAGES DE FEMME

www.malango-mayotte.fr
POLYGAMIE A MAYOTTE : TEMOIGNAGES DE FEMME

Sophiata Souffou, commerçante à Chirongui, dit avoir elle-même incité son époux à prendre une seconde femme. "Quand j'ai appris que pendant ses va-et-vient à Madagascar mon mari sortait avec des filles, je lui ai dit que c'était honteux", explique-t-elle. "Alors je lui ai proposé: tu en prends une seule plutôt que trois ou quatre, que je sache qui elle est, où elle est, et où te trouver s'il arrive quelque chose. Au moins, c'est clair C'est mieux que des cafouillages, surtout avec le problème du sida. Et puis contre une femme, tu peux te battre, mais trois ou quatre jeunes qui ont les formes sexy... elles peuvent te neutraliser! Alors il a épousé une Malgache, il a fait là-bas deux ou trois enfants qui souffrent sans leur papa... et maintenant il reste là. Ça me fait mal pour eux, mais je le garde quand même près de moi."

Mariain Madi Boina a elle aussi la chance d'être favorisée par son mari : "Il a trois femmes mais ça ne me gène pas car je suis la première, et la première est toujours en tête Avant Ça me dérangeait mais plus maintenant, quand je vois qu'il y a des femmes qui n'ont pas de mari. "
Toutes les trois sont formelles : "Interdire la polygamie, ça ne change rien, car alors les hommes ont des copines. La femme est toute seule à la maison, enfermée, elle angoisse, alors que la copine, elle, est libre. Comme les femmes doivent être à la maison, on est sûre que s'il est chez la deuxième femme, il n'aura pas de maladie "

Ce discours n’est pas l'apanage des mères de famille qui ont construit leur vie dans le système polygame. Hadjarati Moustoifa, jeune fille dans le vent de 18 ans à peine, lance - 'Je n'aimerais pas que mon mari aille voir une autre pendant un mois. Mais les hommes c'est des vrais soussous, ils iront toujours voir ailleurs, c'est comme ça, je le sais. Si j'ai un mari qui va voir des femmes en cachette, et que je ne veux pas qu'il se marie, c'est comme si je me mentais à moi même. Autant qu'il se marie, de toutes façons, qu'est-ce que ça change?"
Tous les garçons et les filles de son âge ne pensent cependant pas comme Hadjarati. Hommes et femmes confondus, plus les personnes interrogées sont jeunes, plus elles sont défavorables à la polygamie.

En effet, les 1524 ans sont 67% à se prononcer contre, tandis qu'avec 51%, les 40 ans et plus y sont plus favorables que la moyenne. Ainsi Hassan, étudiant de 21 ans vivant dans la commune de Dembéni, refuse tout net l'idée de pratiquer la polygamie. Son expérience de fils de polygame n'y est pas étrangère. "Mon père est parti de chez ma mère quand j'avais six mois", raconte le jeune homme. 'Je ne l'ai revu que le jour de ma circoncision, à cinq ans. Il s'est aussi marié à M’tsangamouji, à Bandrélé, à Mamoudzou... Il a des enfants mais il ne s'en occupe pas Je ne connais pas mes frères. Il s'absentait pendant six mois, revenait... Je n'ai pas connu l'amour du père. Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai rien reçu de lui, pas un seul cahier Il ne peut pas s'occuper de tout le monde avec les moyens qu Va Moi, je n'arriverais pas à faire la polygamie. Ma philosophie est simple : la fille que j'aime, je resterai avec elle jusqu'à la fin de mes jours. "

Les personnes ayant effectué des études sont également davantage défavorables à la polygamie que les autres. Ainsi, 54% des personnes n'ayant pas fait &études désapprouvent la polygamie, contre 65% de celles ayant poursuivi leur scolarité au moins jusqu'au lycée.
En revanche les membres des catégories socioprofessionnelles les plus élevées, qui font a priori partie des couches les plus instruites de la population, sont plus favorables à la polygamie que les personnes issues de milieux plus modestes. 52% des individus actifs pensent ainsi que la polygamie ne doit plus être pratiquée, contre 62% des individus inactifs. Ce décalage peut en partie s'expliquer par la plus forte proportion de femmes inactives.

De même, 50% des "CSP+" (agriculteurs, pêcheurs et artisans ) leur compte, commerçants, chefs d'entreprise, cadres, professions libérales, professions intermédiaires) désapprouvent la polygamie, contre 60% des "CSP-" (employés, ouvriers, ouvriers agricoles, chômeurs, retraités, pré-retraités, sans emploi). Logique : subvenir aux besoins de plusieurs foyers nécessite une certaine richesse. La polygamie est donc d'avantage prônée par ceux qui la pratiquent que par ceux qui n'en ont pas les moyens. L'aspect financier, économique du mariage est d’ailleurs au cœur de nombreuses prises de position, qu'elles soient bienveillantes ou hostiles à l'égard de la polygamie.
Le partage de l'amour du mari entre plusieurs femmes est bien mieux accepté si chacune des épouses y trouve son compte matériellement. Ainsi Sandia, le cœur brisé par le second mariage de son homme, se console en voyant ses amies admirer sa demeure : "Comme son mari a peur d'elle, Sandià a « une très belle maison », s'extasient-elles.

Mariam Madi Boina est encore plus terre à terre : « tout ira bien pourvu que l’on s'entende avec le mari, qu'il paye », estime-t-elle. "J'aimerais que ma fille ait un homme qui la respecte", poursuit-elle. « Il doit la respecter payer la facture. »

Et si Zam Zarn Hassani, collégienne âgée de 16 ans, trouve que la polygamie est une mauvaise chose, c'est avant tout pour des raisons pratiques: "Imaginons qu'il y a une femme avec son mari", propose-t-elle. "Qu'ils ont des enfants et que le mari a deux femmes et pas beaucoup d'argent. Comment va-t-il nourrir ses enfants ? Tai une amie qui est dans cette situation et elle me raconte ses problèmes. Pour laver le linge, on a besoin de savon. Mais son père n'est pas là pour donner le savon... Hadjarati va plus loin : "Ce que je n'aime pas, c'est qu'un homme n'arrive pas à s'occuper d'une femme et qu'il en veuille une autre. Mais s'il a les moyens, je ne suis pas contre. S'il est capable de s'occuper de 5 femmes, de 20 enfants, qu'il aille ! »

Supportable, voire souhaitée par les épouses si elle leur permet de vivre honorablement, la polygamie devient inadmissible à leurs yeux lorsque leur mari ne leur donne plus de quoi se nourrir, entretenir dignement leur foyer, élever leurs enfants. Le plus important est de trouver un époux. "Si j'avais un mari polygame, je me sentirais abandonnée", avoue ZamZam. "S'il n'y a que lui, je l'épouserai. Par contre, s'il y a d'autres mecs, je l'oublierai. « J’ai pitié pour les filles qui viennent après nous", affirme de son côté Mariam Madi Boina. "Avec l'interdiction de la polygamie, les hommes ne voudront plus se marier s'engager avec une seule femme." "La polygamie, c'est trop dur en sentiments, mais comment faire si on veut aller au Paradis et qu'on n'a pas de mari Il demandent ses amies de Chirongui.

Et l’amour dans tout ça ? Bien des partisanes de la polygamie l'admettent : elles préféreraient avoir le cœur de leur mari pour elles toutes seules. Mais l'essentiel est de le garder, quitte à le partager. 'De toutes façons, c'est lui qui commande. Il aura toujours le dernier mot Et plus tu boudes, plus tu le verras pas", résument les femmes de Chirongui. Pour elles, hommes et femmes aiment radicalement différemment: "Si la femme aime son mari, elle n'aime pas d'autre homme", affirme Mariam Madi Boina. "Mais le mari qui aime sa femme, s'il voit une autre femme, il peut l'aimer, Il peut aimer toujours plus. Il peut changer de femme comme de slip. II reste une question : peut-on aimer sincèrement plusieurs partenaires ? Non, pense Souraya, qui a vécu un mariage polygame traumatisant (lire témoignage). "Un homme ne peut pas aimer ses deux femmes. Ce n'est pas toutes les deux, c'est une seule." Hadjarati n'est pas d'accord : « les m'zungus ne peuvent pas comprendre qu'un homme puisse aimer deux femmes. Mais c'est vrai, il yen a qui les aiment vraiment. Alors, qu'ils aillent. S'ils sont capables d'en être responsables.. »

Mariée à un polygame en cachette

Tout a commencé le jour où un homme, un Mahorais, s'est penché sur sa photo. Il rendait visite à la soeur aînée de Souraya quand il s'éprit de l'image de la jeune fille. Souraya, elle, n'avait que 18 ans et vivait avec son père, à Moroni. L'homme la demanda en mariage par l'intermédiaire de sa grande soeur. "Je ne voulais pas mais j'ai été obligée de céder", raconte lajeune femme. "Le mariage a été accepté par ma famille, mais pas par mon cœur. Il a envoyé le billet et je suis venue sans le connaître. Il C'était en 1997. Souraya s'est installée chez sa sœur, à Kawéni, et a rencontré son prétendant âgé d’une dizaine d'années de plus qu'elle. "J’ai refusé de l'épouser car son caractère ne m'intéressait pas. Mais ma sœur et ma tante m'ont dit : "C'est lui. "Je me suis enfuie chez ma grand-mère à Passamainty. Mais elles sont venues me chercher et m'ont emmenée chez ma tante où j'étais comme prisonnière. Je sortais juste pour aller à la mosquée. » Puis Souraya a quitté cette captivité pour une autre. Le jour du mariage, elles ne m'ont pas prévenue. J’ai vu le cadi et les témoins arriver le mari n'a pas pu venir et a envoyé un copain pour le représenter. J'ai dit: "Je ne veux pas", mais ma tante a répondu : « Ta gueule ! » Mon mari est venu le deuxième jour C'était le samedi 18 avril, à six heures du soir. Si Souraya se souvient si bien de la date, c'est que ce jour là, son mari s'est emparé violemment de sa virginité, la violant pendant plusieurs heures. « Ma tante était très contente, lui aussi était content,' car j’étais bien vierge. Mais moi, je n'étais pas contente car je ne l'aimais pas. » Souraya aurait pu, malgré tout, se résigner à sa nouvelle vie si son époux l'avait traitée avec respect. Mais non. « Il ne m'a pas donné de dot, pas de cadeau pour ma virginité. Il m'a dit qu'il n'avait pas d'argent. Il est resté vingt jours avec moi à la maison, puis il m'a dit que sa mère était malade. Alors, il m'a laissée tomber sans rien à manger sans argent. Ma famille ne venait pas me voir puisque j'avais un mari. Heureusement, une voisine me donnait à manger ».

Au bout de vingt-neuf jours de solitude, Souraya quitte son logement et explique au propriétaire qu'il doit réclamer le loyer à son mari ou à sa tante, avant de se réfugier chez sa grand-mère. "Il est venu chez elle demander des excuses. Elle ne voulait pas me laisser partir... "Mais l'homme insiste, une cousine s'en mêle, et voilà Souraya partie pour Mtsangadoua, le village d’origine de son époux. "Là, il m'a laissée dans un bungalow de son oncle, il ne m'a pas amenée chez ses parents ! J'ai insisté mais il m'a dit que sa mère était à Madagascar. C'était faux, et je savais que mes beaux-frères et belles-sœurs étaient là ! Il me traitait comme une femme de la rue, pas comme sa femme. » Humiliée, Souraya le quitte à nouveau, finit par être hébergée par une cousine célibataire dont elle s'occupe des enfants, et demande le divorce au cadi. "J'ai été convoquée avec mon mari. Le jugement m'a donné raison, mais mon mari et le cadi ont préféré faire une conciliation, ils ont insisté pour essayer de nouveau. Alors, il m'a emmenée chez ses parents. J’ai dit bonjour à ma belle-mère mais elle ne m'a pas répondu, elle est partie. Elle n'était pas contente que je sois Grand-comorienne. Là, j'ai pleuré. Pavais abandonné mes études aux Comores, je ne gagnais rien, son fils m'avait fait mal, je me trouvais comme un animal, et elle, la première fois que je la voyais, elle me traitait comme un chien!" Installée dans une maison avec interdiction de sortir, la jeune femme vit au rythme des allées et venues de son mari, qui reste en ville la semaine ')gour travailler", et des visites de membres de la famille qui se prennent de sympathie pour elle. Mais son répit est de courte durée : son époux cesse de lui apporter des vivres régulièrement et lui confie sa fille de trois ans, enfant &un précédent mariage. "Une cousine de mon mari me donnait à manger mais je devais d'abord nourrir la petite, et moi, il ne me restait qu'un peu de riz Et j'ai appris qu'il était séparé de trois femmes, qu'il était marié à une quatrième, et que j'étais la cinquième. Il était polygame, mais en cachette. Je ne savais pas qu'il était déjà marié. Sinon, j'aurais refusé de l'épouser. Il Une sixième "fiancée", une voisine que son conjoint fréquente quasiment sous ses yeux et qui vient l'insulter sur le pas de sa porte, sera la cerise sur le gâteau. Une fois l'homme parti pour la semaine, l’épouse délaissée s'en va au petit matin en taxi brousse, sans rien dire à personne. Elle n'obtiendra le divorce que trois ans plus tard, à sa troisième tentative, et reviendra de Moroni pour le jugement. L'homme à qui sa photo avait plu lui a arraché la fin de son adolescence, sa virginité, la poursuite de ses études, son passeport - il l'a déchiré dans un moment de colère. Il a piétiné sa fierté. Ce qu'il lui a donné en échange ? Rien.

Post-scriptum: 
Date de mise en ligne : Mercredi 25 Avril 2007

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