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Pourquoi une nouvelle Mer des Sargasses étouffe les Antilles

Thierry Thibaut (Chercheur à l'Institut méditerranéen d'océanologie)
Pourquoi une nouvelle Mer des Sargasses étouffe les Antilles

   Tout le monde, un jour, a entendu parler des sargasses : la mystérieuse Mer des Sargasses découverte par Christophe Colomb en route vers l’Amérique, lieu de la reproduction des anguilles suscite, de longue date, la fascination du public. Plus récemment, en moins positif, on a largement évoqué les invasions de Sargasses qui pourrissent la vie des habitants des Caraïbes.

   De quoi parle-t-on, précisément ? D’algues brunes qui ressemblent à des petits arbres avec un tronc, des branches et des feuilles et des flotteurs qui leur permettent de rester bien droites sur le fond des océans et de flotter quand elles se décrochent. Il existe plus de 350 espèces de sargasses dans le monde. Elles appartiennent au genre Sargassum, qui signifie varech en portugais et ont été décrites par un étrange naturaliste, homme de lois suédois Carl Adolf Agardh au 19e siècle.

   La plupart des espèces sont tropicales et apprécient peu les eaux froides et tempérées. On en rencontre cependant une dizaine en Méditerranée. Selon les océans et les milieux, la présence de sargasses est un signe positif, ou négatif. Dans les récifs coralliens tropicaux, elles recouvrent les coraux morts et sont un signe de mauvais état écologique du récif. Mais en Méditerranée, elles sont une oasis de vie en voie de disparition : grâce à leur port dressé et à leur taille, elles jouent un rôle écologique important dans les petits fonds où elles peuvent former de véritables forêts sous marines servant d’abri aux poissons et crustacés.

   En Chine, des quantités phénoménales de sargasses se détachent du fond et forment de gigantesques radeaux à la surface de l’océan. Dans la partie européenne de l’Atlantique du Nord, leur présence n’est pas une bonne nouvelle. Une espèce de sargasses s’est introduite dans ce milieu en même temps que des huîtres asiatiques et est devenue très envahissante : Sargassum muticum a profondément modifié les paysages sous-marins.

   Enfin, une poignée d’espèces forment la mer des sargasses dans l’Atlantique Nord. Ces algues (leur nombre et identité n’est pas connu avec certitude) ont une particularité incroyable : elles passent l’intégralité de leur vie à flotter en plein océan. Contrairement à leurs cousines, elles ne s’attachent jamais au fond de la mer. Sur des millions de kilomètres carrés, des radeaux flottent au gré des courants et des vents, parfois très abondants, elles peuvent couvrir des dizaines de kilomètres carrés. Christophe Colomb a été le premier navigateur à rester littéralement scotché dans un radeau géant de sargasses !

   Echouages catastrophiques

   Depuis 2011, des millions de tonnes de ces sargasses flottantes s’échouent aux Caraïbes, Afrique de l’Ouest, au nord du Brésil et pénètrent en masse dans la mer des Caraïbes pour finir sur les plages de Floride. Les algues, que l’on détecte depuis l’espace, sont maintenant proches de l’Équateur et, par le jeu des courants, remontent sur les Caraïbes. Les échouages sont catastrophiques : les algues s’entassent et pourrissent sur le littoral, elles larguent de l’hydrogène sulfuré (odeur d’œufs pourris) qui intoxique les habitants et corrode le métal dans les maisons. Leur quantité empêche la navigation dans les petits ports, les herbiers de plantes sous marines sont détruits, les tortues ne peuvent plus pondre sur les plages…

   La communauté scientifique française s’est mobilisée pour étudier le phénomène et, l’été dernier, une première campagne océanographique financée par l’IRD à bord de l’Antea a parcouru plus de 5 400 kilomètres à la recherche de la nouvelle mer des sargasses au sud des Antilles. Treize scientifiques marseillais (du laboratoire MIO), brestois (laboratoires LEMAR et IMAGO) et de Point-à-Pitre (laboratoire BOREA) et 12 marins et guidés et épaulés par des équipes à terre, ont pu passer 25 jours en mer à étudier, prélever, plonger, mesurer des sargasses et leur environnement.

   Le constat est sans appel : les sargasses sont présentes au sud et plus au nord, elles prolifèrent partout sur l’océan, sous forme de très longs filaments formés par les vents, ou bien de petites taches ou d’individus isolés, mais les radeaux géants sont rares et fugaces. Il y a plus d’espèces qui forment ces radeaux, dont une forme inconnue qui est la plus abondante.

   Les échantillons sont prélevés, les analyses sont en cours, et bientôt on saura combien d’espèces il y a dans ces zones, comment se dispersent-elles sur l’océan, quelle est l’influence des fleuves amazoniens sur leur prolifération, quel est le rôle du réchauffement de l’océan et celui des brumes de sables du Sahara… Il faudra encore patienter une bonne année pour lever un coin du voile sur l’une des plus grandes proliférations d’espèce sur la planète.

 

 

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