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Quelles différences entre un vaccin classique et un vaccin à ARN messager ?

François NR Renaud ("Ouvry")
Quelles différences entre un vaccin classique et un vaccin à ARN messager ?

Jamais vaccin n’a fait autant parler de lui

Il faut avouer que si les scientifiques avaient voulu saboter leur travail de recherche ils ne s’y seraient pas pris autrement. Bien aidés d’ailleurs par une mauvaise communication de la part des politiques et par les chaines d’information en continue toujours promptes à provoquer de la division « Le vaccin nouveau est arrivé » (comparaison à peine voilée à notre beaujolais). Il suffit de le dire et d’accompagner ses propos par un étonnement sur la rapidité de la mise au point pour que des milliers, voire des millions d’internautes s’improvisent biologistes expérimentés et déversent sur les réseaux sociaux des monceaux de bêtises incohérentes.

Au pays de Louis Pasteur, l’un des grands précurseurs de la vaccination, il est bon de rappeler à quoi sert un vaccin et en quoi les vaccins à ARN messager sont différents des vaccins classiques.

Rappels

Nous avons déjà parlé dans ce blog de la découverte des premiers vaccins, variole par Jenner, rage par Louis Pasteur. Ces maladies ont fait des centaines de milliers de morts jusqu’à ce que la vaccination cesse leur progression jusqu’à leur disparition totale dans certains cas comme pour la variole par exemple. La vaccination contre la rougeole chez l’enfant a, elle aussi, enrayé la maladie jusqu’à ce qu’un mouvement de contestation empêche l’administration correcte du vaccin ce qui a provoqué et provoque encore des épidémies de rougeole chez les adultes non vaccinés. Or, on sait que la rougeole peut être une maladie grave, voire mortelle chez le jeune adulte et je ne suis pas prêt d’oublier l’absence dans mon amphithéâtre de près d’1/3 des étudiants tous atteints de la maladie dans les années 2000, le tout dans un climat d’inquiétude pesant à l’université. Actuellement on considère que le vaccin contre la rougeole sauve un million d’enfants dans le monde par an.

À côté des vaccins obligatoires, on se fait vacciner contre la fièvre jaune pour aller dans certaines zones tropicales d’Afrique et d’Amérique centrale et australe ou la maladie est endémique, la vaccination contre le choléra est obligatoire pour personnel en uniforme (militaire et policier) déployé dans des opérations de maintien de la paix dans des pays atteints par le choléra, dans un objectif de protection collective. On pourrait donner plusieurs autres exemples.

Les personnes âgées se font vacciner chaque année contre la grippe et, pour certaines d’entre elles, contre le pneumocoque, aussi appelé compagnon du vieil homme, car il peut entraîner sa mort.

En 1974, Charles Mérieux décide de consacrer tous ses moyens de production de Marcy l’Etoile près de Lyon à la fabrication d’un vaccin pour enrayer une épidémie mortelle à méningocoque A. Ceux-ci fonctionneront jour et nuit. Dix millions d’habitants de São Paulo sont vaccinés en cinq jours, 90 millions de Brésiliens en six mois ! L’épidémie a été enrayée.

N’oublions pas non plus les vaccins vétérinaires si utiles dans nos élevages.

Alors que l’épidémie de Covid-19 sème la panique et met les économies à l’arrêt, en l’absence de traitement de la maladie (pour rappel, ni l’hydroxychoroquine , peu onéreuse, ni le Remdesivir, dont le prix s’apparente à une tromperie alimentant malheureusement les soupçons  quant aux « big-pharma », il apparait bien que seul un vaccin efficace pourra à la fois apporter une protection personnelle et communautaire capable de faire cesser l’épidémie.

Depuis l’apparition du SARS-Cov-2 un grand nombre d’équipes scientifiques ont cherché à mettre au point un vaccin efficace en utilisant pour chacune d’elle sa propre expérience et leurs propres technologiques.

Des laboratoires chinois ont utilisé la méthode la plus ancienne, dérivée de celle de Pasteur, consistant à inoculer un virus inactivé par chauffage, par formolisation ou ayant subi des mutations génétiques le rendant inoffensif.

D’autres laboratoires font fabriquer à des lignées cellulaires de mammifère de la protéine S « Spike » du coronavirus qui, après purification sera injectée au patient, accompagnée d’un « adjuvant » comme des sels d’aluminium par exemple. Cette protéine étrangère sera reconnue comme étrangère et stimulera le système immunitaire. Ce type de vaccin est développé par Sanofi allié à GSK (GlaxoSmithKline).

L’Institut Pasteur utilise lui son expérience sur les vaccins virus vivants atténués en modifiant l’ARN du virus atténué de la rougeole pour lui faire produire de la protéine Spike. Le vaccin Spoutnik V utilise le même principe en faisant synthétiser la protéine Spike par un Adénovirus (virus du rhume).

Et les vaccins à ARN messager ?

Katalin Karikó, est une biochimiste hongroise née en 1955 et spécialisée dans la technique des ARN messagers. Les laboratoires Hongrois ont peu de moyens et ne croient pas à ses théories concernant l’utilité de l’ARN messager introduit dans des cellules pour y faire synthétiser des protéines utiles. Elle fuit la Hongrie en 1985 pour rejoindre les États-Unis mais aucun organisme de recherche ne veut de son projet et elle est même renvoyée en 1995 de l’Université de Philadelphie à cause de son entêtement à présenter toujours le même projet ! En 2005 elle rencontre l’immunologiste, Drew Weissman et ils travaillent ensemble sur cette technique en réduisant la réponse inflammatoire trop intense de l’ARN messager introduit dans un organisme et en mettant au point son enrobage dans une particule lipidique. Elle occupe maintenant un poste important au sein de la société BioNTech dont le fondateur co-auteur du vaccin, propriétaire et déjà milliardaire, Ugur Sahin, est lui aussi un immigré d’origine de Turquie.

Un peu de biologie moléculaire

Les gènes sont présents dans l’ADN (Acide DésoxyriboNucléique) de nos noyaux cellulaires.

Ils sont « transcrits » en ARN messager (Acides RiboNucléiques) qui sont synthétisés au contact de l’ADN = c’est la TRANSCRIPTION

Ces ARN messagers sortent alors du noyau cellulaire et viennent se positionner sur des organites appelés ribosomes ou une protéine sera synthétisée en fonction de la séquence du messager ! C’est la TRADUCTION

Donc la séquence d’un gène contenu dans l’ADN du noyau est transcrite dans une séquence équivalente d’ARN messager qui est ensuite lue par les ribosomes pour faire une protéine spécifique du gène.

Dans le fonctionnement normal d’une cellule, l’ARN messager est transcrit au contact des gènes de l’ADN puis il sort du noyau cellulaire pour être traduit en une protéine spécifique par les ribosomes : cette protéine est spécifique du gène correspondant

Le principe des vaccins à ARN messager (ARNm) consiste à synthétiser avec les outils de la biologie moléculaire un ARNm codant pour la protéine « S » Spike du SARS-Cov-2. Cette protéine est en évidence sur le virus (c’est l’ensemble de ces protéines qui forme la « couronne » du coronavirus) et elle sert à l’attachement du virus sur les cellules. Elle est vite repérée par le système immunitaire qui va la bloquer pour l’empêcher de se fixer aux cellules et donc éviter l’infection.

Introduit dans l’organisme cet ARN messager se retrouve internalisé dans les cellules appelées « Cellules Présentant l’Antigène » ou CPA comme les cellules dendritiques et les macrophages. À l’intérieur de la cellule il va se fixer aux ribosomes et guide la synthèse de protéines Spike qui seront ensuite présentées par le CMH (complexe majeur d’histocompatibilité) aux lymphocytes B responsables de la formation des anticorps et les cellules T à l’origine de la réponse immunitaire cellulaire.

Contrairement aux vaccins classiques, la protéine Spike n’est pas introduite dans l’organisme pour être traitée par les cellules macrophagiques mais elle est directement synthétisée par ces cellules.

Pour les lecteurs plus avertis, cet ARNm est inclus dans une boule lipidique (liposome) destinée à le protéger mais aussi à lui permettre de pénétrer dans les cellules par fusion des membranes. Sur l’extrémité 5’ de l’ARN un morceau supplémentaire (une « coiffe ») a été ajoutée pour l’empêcher d’être détruit par les exonucléases. S’ajoutent une séquence stabilisatrice puis une queue polyA chargé de recruter les ribosomes. Dans le cas du vaccin Pfizer bioNtech, une séquence supplémentaire d’une réplicase permet à cet ARN messager de s’autorépliquer dans la cellule et donc d’augmenter in vivo la quantité de molécules synthétisées. Ceci qui permet un allongement de la stimulation.

Il n’empêche que malgré toutes les protections, cet ARN messager est très fragile et nécessite d’être conservé à -70°C. En ce qui concerne le vaccin Moderna (signifiant »Modified RNA » ) un protecteur supplémentaire permet au, vaccin d’être conservé à -20°C ce qui rend les choses plus faciles pour la distribution.

Présentation aux cellules B (réponse immunitaire humorale par formation d’anticorps) et aux cellules T (réponse cellulaire)

Ce système présente plusieurs avantages 

            – une meilleure sécurité : la fabrication est beaucoup plus simple par rapport à un vaccin classique qui nécessite le développement du virus dans un milieu cellulaire (œuf embryonné de poule ou des cultures cellulaires) , puis sa purification, puis son atténuation. Ici, une simple synthèse acellulaire suffit. Le vaccin n’est donc constitué que de l’ ARN et une bulle lipidique : il est donc très pur ;

            – l’ARN déclenche lui-même une réponse immunitaire innée très puissante : c’est pourquoi il a fallu modifier quelques bases de façon à atténuer le phénomène pour ne pas avoir d’effets secondaires et pour ne pas l’éliminer l’ARN avant qu’il ne soit actif dans la cellule. Cette réponse innée non spécifique permet de se passer d’adjuvants de l’immunité comme des sels d’aluminium très critiqués dans les vaccins classiques ;

            – quant à la sécurité, l’ARN messager est détruit après avoir été traduit par le ribosome et il ne perdure donc pas dans les cellules. De plus, ce processus s’effectuant dans le cytoplasme de la cellule, l’ARN ne pénètre pas dans le noyau et ne peut donc pas cotoyer l’ADN de nos gènes. Il n’y a donc aucune interférence possible. En outre, l’ARN ne peut pas se transformer en ADN puisque l’homme ne possède pas l’enzyme qui permettrait de la faire : la DNA polymérase RNA dépendante. Donc pas d’apport de gènes étrangers possible.

Ces vaccins ont une efficacité très importante puisque les deux actuellement en fin de phase 3, Pfizer/BioNtech et Moderna ont montré plus de 95 % d’efficacité. En revanche, si on sait que ces vaccins empêchent les formes graves de la maladie, on sait encore peu de choses sur leur rôle dans la transmission du virus d’un individu à l’autre.

Autres applications

C’est dans le domaine de la lutte contre le cancer que l’on dispose du plus grand recul sur les vaccins à ARN messager.

L’objectif est de concevoir une immunothérapie anti-cancéreuse dans laquelle l’ARN messager est le médicament. Il fait synthétiser les antigènes associés aux tumeurs. L’objectif de tels vaccins est de stimuler la production de lymphocytes T cytotoxiques, autrement dit de lymphocytes T tueurs, capables de détruire les cellules tumorales exprimant l’antigène codé par l’ARN messager. Des résultats encourageants ont été obtenus contre des mélanomes. En ce qui concerne les maladies infectieuses des résultats ont été obtenus contre le virus de la grippe mais aussi contre le SIDA et le virus Zika.

D’autres voies d’administration ont aussi été testées :  intradermique, sous-cutanée, intranodale (dans le ganglion lymphatique), intraveineuse, intranasale, De même, pour lutter contre le cancer, l’administration d’un ARN messager par la voie intratumorale est à l’étude dans la mesure où cette stratégie pourrait tirer parti de la présence, au sein même d’une tumeur cancéreuse, de lymphocytes T résidents que l’on pourrait rapidement activer de façon spécifique.

Pourquoi la mise au point de tels vaccin a été si rapide ?

Pour plusieurs raisons 

            – nul besoin de multiplier le virus dans des œufs ou dans des cultures cellulaires qui mettent longtemps à se développer ;

            – nul besoin d’extraire et de purifier les virus cultivés avec toutes les précautions requises pour ne pas laisser de produits potentiellement toxiques ;

            – nul besoin de les inactiver ou de les traiter pour en isoler la protéine S ;

            – l’analyse des résultats de la phase III a pu se faire dans les meilleures conditions car nous sommes en pleine épidémie. Dans le cas contraire il faut attendre très longtemps les cas d’infections par les germes, ceci allongeant d’autant le temps d’analyse des au moins 30 000 cas requis.

Il faut noter aussi que les sommes d’argent investies ont été colossales.

Au niveau des autorisations, les autorités de santé ont mis les dossiers « au-dessus de la pile » et les ont analysés au « fil de l’eau » et non séquentiellement ce qui a aussi fait gagner beaucoup de temps.

Les entreprises ont lancé la fabrication des vaccins avant d’avoir reçu les autorisations ce qui leur a fait prendre un gros risque financier en cas de refus mais qui leur a fait aussi gagner beaucoup de temps. L’intervention commune des big-data, de l’intelligence artificielle, de la collaboration entre géants de la pharmacie et des start-up donné d’excellents résultats. C’est aussi le fruit du mariage de l’innovation et de l’efficacité industrielle.

Et si avant il fallait 10 ans pour valider un vaccin, ce n’était pas pour s’assurer de son efficacité et de son innocuité mais pour lutter contre l’indifférence et la bureaucratie et aussi à cause des impératifs commerciaux.

Nous avons basculé dans une autre époque dans laquelle une période de 10 ans pour faire un vaccin est maintenant devenu une anomalie !

Les vaccins anti-Covid-19 ARN messagers ne seront pas les seuls sur le marché. Des vaccins contenant des virus recombinants adénovirus d’AstraZeneca, J&J et du russe Spoutnik V, des virus atténués vaccinaux de la rougeole de l’Institut Pasteur, des virus inactivés comme les vaccins chinois Sinopharm et Sinovac déjà utilisés en Chine et au Maroc et aux Émirats Arabes Unis, enfin, le vaccin aux protéines recombinantes comme celui de Sanofi/ Pasteur associé à GSK. Tous ces vaccins seront bien utiles pour compléter la panoplie de protection contre les SARS-Cov-2. Aucun d’entre eux ne sera inutile.

Conclusion

Si c’est la première fois que les vaccins ARNm infectieux sont utilisés chez l’homme, ils sont connus et étudiés depuis de nombreuses années. La recherche vétérinaire est aussi en plein développement avec un vaccin équivalent contre le virus de la peste porcine. Puissent-ils nous aider à combattre cette épidémie de Covid-19 ! Se protéger soi-même contre la maladie, c’est bien, protéger les autres en se faisant aussi vacciner est un geste altruiste qui aboutira à l’immunité collective et la disparition de la pandémie.

Bibliographie

L’aventure scientifique des vaccins à ARN messager (14/12/2020) Marc Gozlan

L’ARN est-il l’avenir des vaccins ? (22 nov. 2020). Hugues Tolou : mes vaccins.net

Quel vaccin contre le Covid-19 ? (27/10/2020) Laure Cailloce : CNRS « Le journal »

mRNA vaccines — a new era in vaccinology. Norbert Pardi, Michael J. Hogan, Frederick W. Porter and Drew Weissman. Nature Reviews , Drug Discovery, 17 ; 2018, 261-279.

The Conversation 27 novembre 2020. Marc Toshner

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