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Qu'est-il arrivé à nos librairies emblématiques ?

Raphael CONFIANT
Qu'est-il arrivé à nos librairies emblématiques ?

   Emblématiques, le mot n'est pas trop fort. Quasi centenaire pour l'ex-Librairie Alexandre située au mitan de Fort-de-France, presque sexagénaire pour la Librairie Générale Jasor située, elle, au mitan de Pointe-à-Pitre, ces deux établissements furent longtemps des temples de la culture.

   On y rencontrait des libraires passionnés qui lisaient les ouvrages qu'ils étaient chargés de vendre, qui conseillaient le chaland, lui faisaient découvrir tel ou tel auteur inconnu de lui. Gilles ALEXANDRE en Martinique, le Père JASOR en Guadeloupe, puis ses enfants Max et Régine, avaient le livre chevillé a corps. Mieux : ils furent les premiers en matière de promotion du livre antillais et pas seulement franco-créolophone. Si NAIPAUL, LOVELACE, CARPENTIER, WALCOT, GUILLEN et tant d'autres sont connus du grand public cultivé de nos deux îles, ce fut grâce au travail exemplaire de ces deux librairies à des époques (jusqu'à la fin des années 80 en tout cas) où le seul livre qui avait de l'intérêt était le livre français, européen ou nord-américain.

   Mais ces établissements ne surent pas franchir la barre du nouveau millénaire. Aujourd'hui, hélas, ils sont fermés. Peut-être (ou sans doute) définitivement.

   Qu'a-t-il bien pu se passer ?

   Les causes sont évidemment diverses et variées : d'abord, le nombre déclinant de lecteurs, certes comme partout à travers le monde, mais avec un impact beaucoup plus grand quand le marché du livre est étroit ; la concurrence des points-Presse/Livres des supermarchés ; l'arrivée de librairies hexagonales liées ou appartenant à de grands groupes et donc plus à même de supporter les difficultés de trésorerie ; la baisse des commandes d'ouvrages scolaires par les collectivités et__spécialité martiniquaise__l'absence de politique du livre quel que soit le parti au pouvoir à l'ex-Région ou à la Collectivité Territoriale.

   La Guadeloupe (et la Guyane), par contre, ont toujours développé des actions fortes dans le secteur du livre au contraire du pays de ZOBEL, CESAIRE, FANON, GLISSANT ou CHAMOISEAU : salon du livre, association des écrivains de la Caraïbe, Prix des Amériques insulaires etc. Pourtant, cela n'a pas empêché la Librairie Générale de perdre pied année après année au point de se trouver quasiment en liquidation judiciaire aujourd'hui. Mais assez paradoxalement, trois librairies ont ouvert en Martinique ces dernières années : ZANOLIVRES, PRESENCE KREOL et L'OISEAU BLEU. Comme quoi !

   C'est que le livre est un OVNI commercial, un objet bizarre dont nul (à commencer par l'éditeur) ne peut prévoir le destin. Le Livre est muet. Il ne s'impose pas partout comme le fait la musique ou le sport. Il n'a besoin ni de l'électricité ni de l'Internet. Le livre vit du silence. Pourtant, l'objet culturel le plus vendu au monde à ce jour est un...livre : Harry Potter. Allez comprendre ! Le livre est aussi un Phoenix : il s'est écrit sur des pierres, des papyrus, du papier et maintenant sur nos divers écrans. Demain, il le sera sur l'ordinateur quantique de nos arrière-petits-enfants. A ce propos, on ne peut pas, comme en Europe ou en Amérique du Nord, imputer la chute du nombre de lecteurs aux Antilles à cet objet nouveau et déroutant (il faut bien l'avouer) qu'est le livre électronique. Chez nous, où on lit déjà peu, il n'a pas percé, même chez ces jeunes que l'on appelle les Digital natives autrement dit ceux qui sont nés en pleine ère de l'Internet.

   Y aurait-il alors quelque raison cachée ?

   Je pense que tant dans nos pays que dans le reste du monde, les défenseurs du livre ont commis et commettent toujours l'erreur de confondre Livre et Littérature. Et cela dès l'école ! Cela détourne de la lecture celles et ceux qui n'ont pas la fibre littéraire. Ne faudrait-il pas plutôt faire comprendre que le livre touche tous les domaines et qu'on peut parfaitement être un grand lecteur sans avoir jamais ouvert MONTAIGNE, HUGO, SARTRE, CAMUS, CESAIRE, CARCIA MARQUEZ ou GLISANT ? Je pense à ces enseignants ou à ces parents qui, croyant bien faire, interdisent à leur progéniture les polars, les livres de science-fiction ou les bandes dessinées. Devenus adolescents, puis jeunes adultes, comment penser que celle-ci en viendra à s'intéresser aux livres d'histoire, d'anthropologie, de sociologie, de psychologie, de linguistique, de sciences politiques, de vulgarisation scientifique etc...?

   Lire c'est...tout lire. Pas forcément de la littérature !

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