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Relance de l'économie en Martinique : Ne pas regarder en arrière, mais aller de l'avant !

Jean-Marie Nol
Relance de l'économie en Martinique : Ne pas regarder en arrière, mais aller de l'avant !

Alors que 2020 touche à sa fin, la Martinique doit revenir sur son approche des problèmes trop centrée sur l'émotion humaine et la division, pour relever les défis économiques d'une année sans précédent. La crise actuelle va bientôt démontrer que la récession, la chute de la croissance vont aggraver la problématique du mal développement et son corollaire la grande pauvreté de masse.

En 2021, l’emploi sera en soins intensifs et les indicateurs pourraient se dégrader, selon le rapport annuel de l'organisation internationale du travail (l’OIT). 

Quelle sera la réponse des décideurs Martiniquais à la pandémie du COVID-19 et au crises multiples dans le monde ? 

Et si la Martinique  changeait enfin de cap économique en 2021 ?  La question peut paraître saugrenue. Au moment où le pays est confronté à la pandémie  de Covid-19 et alors que les perspectives économiques de la France sont sombres à court terme, on pourrait écarter d’un revers de la main une telle interrogation ! De la même manière, la dernière décennie a souvent montré la «périphérisation» de la Martinique  dans le cadre changeant des mutations du monde, que ce soit sur le plan géopolitique ou sur le front économique. Selon nous, un changement profond de l’économie est nécessaire, qui passe par de nouveaux investissements massifs dans le secteur de la production, et une phase d'innovation. Et les PME et TPE doivent y jouer un rôle central.

Le problème de la Martinique  actuellement, c’est qu’elle  applique un modèle politique et économique qui a été conçu initialement pour développer les activités tertiaires à partir des transferts publics, ce qui implique que le problème actuel de mal développement ne va pas aller en s’arrangeant, car avec la réduction attendue de la dépense publique du fait de la crise de la dette, ainsi que l’émergence de la révolution numérique et l’intelligence artificielle, ce modèle de société de consommation de la départementalisation est d’ores et déjà condamné dans le temps. Et pourtant, nul remise en cause sérieuse à l’horizon. De fait, l’être humain a besoin d’entrer dans des impasses pour mieux comprendre les enjeux de demain. Les impasses peuvent soit finir sur un chaos généralisé, soit permettre d’initier autre chose. Le chaos social est tout à fait possible en Martinique : une sorte de cocotte-minute d’incertitudes et d’inquiétudes est en train de miner les âmes et les consciences. Le problème aujourd’hui n’est pas de se réjouir de cela, mais de voir ce qu’on peut tirer de cette évolution. Notre modèle de société montre son inadéquation, son incapacité à continuer. Si nous nous y accrochons, ce sera le dépôt de bilan assuré dans la décennie à venir. On voit déjà les prémisses d’un certain déclin de l’activité économique, si l’on prend lecture des derniers rapports de l’IEDOM. Et pour cause, de l’aveu même de l'IEDOM, il n’existe pas à ce jour de nouveaux relais crédibles de croissance aux Antilles. Dans ce contexte de mondialisation, les vieux schémas ne sont plus adaptés et peinent à relayer les préoccupations de la population. On a besoin de nouveaux instruments pour orienter les politiques publiques. Parmi ces instruments, il existe un concept qui semble émerger, c’est celui de l’innovation . Mais c’est quoi l’innovation ?

Selon Wikipédia, l’innovation est le résultat de l’action d’innover. C’est un changement dans le processus de pensée visant à exécuter une action nouvelle. Elle se distingue d’une invention ou d’une découverte dans la mesure où elle s’inscrit dans une perspective applicative.

Innover aux Antilles, c’est rompre avec l’usage de la vie chère concomitante à l’ancienne économie de comptoir, et encourager le neuf, quitte à faire mourir l’ancien notamment dans le secteur de la consommation avec l'ère de l'e-commerce pouvant aller vers la  fin des hypermarchés .

Pour les économistes classiques, l’innovation est réputée être l’un des moyens d’acquérir un avantage compétitif en répondant aux besoins du marché local  et à une nouvelle stratégie d’entreprise. Innover, c’est par exemple être plus efficient, et/ou créer de nouveaux produits (biens ou services, matériels ou immatériels), ou de nouveaux moyens d’y accéder.

Promouvoir le concept d’innovation, au moment où l’intelligence artificielle et la révolution numérique sont une menace réelle pour notre modèle de société actuel, n’est-ce pas utopique ? Non, estimons- nous, du fait même de l’urgence de combattre le mal développement qui engendre des conséquences négatives pour nos sociétés antillaises comme par exemple le chômage de masse, la violence, la pauvreté, l’illettrisme, le désastre écologique . L’innovation en politique, c’est une nouvelle manière, originale, d’envisager l’action publique, qui doit viser à répondre aux aspirations légitimes de la population à la vie la plus heureuse possible. Et c’est pourquoi nous devons coupler l’innovation avec le concept de « Bonheur régional brut », car on y voit le parfait reflet d’une nouvelle culture créole qui n’acceptera désormais qu’un seul type d’innovation: celui qui se fait dans un cadre bien établi de justice sociale, celui d’un nouvel indice de développement (le Bonheur Régional Brut) par des politiques publiques de type prospectives bien établies dans notre  région de type insulaire . 

Comme innover c’est créer quelque chose qui n’existe pas encore, il y aura toujours une part de risque. 

Et donc, pour l’avenir, il faudrait tenir compte des leçons tirées de cette pandémie du covid 19. Premièrement, il n’y pas de dilemme entre préserver la santé et préserver l’activité économique parce que, sans la santé, il n’y a ni production ni consommation. La sécurité et la santé au travail est désormais une question clé pour la reprise économique .

 

Soit donc on accepte ces règles du jeu, qui incluent la possibilité de l’échec, et l’on innove quand même notamment dans les services, l’énergie et l’environnement. Soit on refuse ces conditions et on ne fait rien. Dans ce cas on subira l’innovation des autres. C’est-à-dire que l’on devra accepter de facto les produits et les services offerts actuellement sur le marché à moindre coût (cf. la nouvelle problématique de la Route de la Soie de la Chine), en croyant l’illusion que rien en matière de protection locale ne peut changer à la vie chère et au déclassement attendu de la classe moyenne. Pourtant, on voit bien que le monde change avec la crise du coronavirus. Ce changement donne la possibilité de prendre des risques pour les entrepreneurs, mais également pour les investisseurs, particulièrement dans le financement d’innovations durables sur le territoire de la Martinique. L’innovation doit constituer désormais un axe majeur de la stratégie de développement de la Martinique et de  la Guadeloupe  .

Face au ralentissement des moteurs traditionnels de la croissance – démographie en baisse, transferts publics en diminution, protections sociales menacées et import-substitution en crise – l’innovation est le levier d’une transition vers un nouveau modèle de développement endogène, dont les maîtres mots sont compétitivité, soutenabilité, solidarité et ouverture économique sur la Caraïbe mais aussi et surtout en direction du continent Nord-américain .

C’est pourquoi une Stratégie Régionale de l’Innovation doit s’imposer aux Antilles comme cela se passe déjà à l’île de La Réunion (SRI- S3). Cette stratégie mise en place dans l’île de la réunion est déjà opératoire. Cette SRI vise à structurer le territoire et à améliorer « la machine régionale à innover » pour atteindre une nouvelle étape de développement. L’objectif est de créer un environnement qui dynamise le processus d’innovation à La Réunion. Cette stratégie pourrait bien se révéler payante aussi pour la Martinique et la Guadeloupe  .

Le politique peut-il limiter la casse sociale à venir avec la crise du coronavirus puis de la destruction créatrice de l’intelligence artificielle et de la révolution numérique et relancer l’économie de la Martinique  sur des bases nouvelles alors que les caisses de l’État sont vides ?

Avec la crise du Covid 19, le modèle social français se veut généreux avec un État omniprésent qui déverse des milliards pour endiguer la crise sanitaire et sauver les emplois.

 

Malheureusement, ce modèle social semblait déjà mal en point avant la crise actuelle du coronavirus. En effet, la mondialisation a mis en concurrence la société française avec des pays avec peu ou pas de protection des travailleurs. Les déficits commerciaux sont à mettre en parallèle avec les déficits publics.

 

Dans la mesure où le modèle social français n’arrive plus à se financer autrement qu’avec une augmentation des déficits et de la dette, sa viabilité est indéniablement remise en question. Ce système fonctionnait bien quand l’économie française connaissait un taux de croissance élevé. Ce système est censé nous protéger, mais pourtant, demain une fois la crise économique et sociale bien installée en France il sera un fardeau financier et le filet de protection deviendra un piège infernal pour les finances publiques déjà mis à mal depuis tantôt . Et surtout pour remettre de l’ordre dans le système, les Français et donc les Martiniquais et Guadeloupéens n’échapperont pas dans les années qui viennent à une cure d'austérité. N’en doutons pas !

Je suis assez pessimiste quand à un rebond de l’économie française. Toute cette chienlit de déficits et de dettes en France finira par détruire le tissu économique et social de la France avec toutes les conséquences que l’on peut déjà imaginer à l’avenir pour la Martinique . 

Le risque avec le plan de relance de la CTM, c’est qu’on ait surtout un plan de bonne conscience pour essayer de masquer les conséquences de la crise de la covid 19. L'échec risque d'être au bout avec la stratégie de réduction des déficits à tout prix, qui redeviendra bientôt la priorité du gouvernement .

Les politiques économiques basées sur l’innovation, ce sont des politiques de long terme . Les politiques de soutien à l’innovation passe nécessairement par la politique de l’offre. Le hic c’est que cela prend des années avant d’obtenir des résultats tangibles. C’est très difficile d’en faire la pédagogie et cela inclut des choses assez douloureuses sur le plan social . Depuis tantôt dans nos chroniques, nous répétons qu’un nouveau modèle économique et social et une montée en gamme de l’économie  de la Martinique est la seule sortie de crise possible, mais à condition de ne pas se contenter d’imiter et de dupliquer ce qui se fait en France hexagonale compte tenu de notre vulnérabilité à la dépense publique (transferts publics et sociaux, subventions aux entreprises, avantages fiscaux et sociaux aux ménages, etc…).

Si on ne fait qu’imiter, on est au mieux au niveau de la crise de confiance actuelle avec cependant des perspectives de vraie récession en 2021 /2025. Le virage est d’autant plus dur à négocier que certains des atouts des pays qui ont pratiqué avec quelque succés la politique de l’offre, comme la compétitivité retrouvée des entreprises, la qualité du dialogue social et la flexibilité du travail, paraissent difficilement transposables en l’état actuel aux Antilles . La structure de l’économie de la France n’est pas la même que celle des pays d’Outre-Mer, aussi nous devons garder raison et éviter de dupliquer telle quelle la politique de l’offre définie sur le plan national en Outre-Mer .

Nous l’avons déja dit et nous le répétons, cette politique de l’offre est bien la bonne mais elle comporte des risques dans sa mise en oeuvre et à bien des égards peut même se révéler dangereuse pour nos pays d’Outre-Mer, car elle posséde cette caractéristique de générer un coût social élevé à court terme. Seul un orfèvre de la politique ayant une double culture économique et administrative peut le comprendre et éviter le piége de la déflation qu’elle porte en germe .Pour continuer à penser et construire un nouveau modèle économique et social basée sur la théorie économique de l’offre couplée à l'innovation , les acteurs économiques et politiques doivent donc avoir non seulement le recul nécessaire en matière d’évaluation, mais également privilégier la différenciation, la valeur ajoutée et un nouveau style de relations sociales, investir dans la formation et l’innovation, ce qui demande temps et argent.

Dans ces conditions, est-t-il possible de faire des économies, nombreuses dans tous les domaines, tout en prônant un nouveau système économique préservant notre actuel modèle social ? Cette question sans réponse à l’heure actuelle se posera de toute façon de manière lancinante ces deux prochaines années, aussi nous devons impérativement réfléchir à l’adoption d’un nouvel indice de développement à savoir le bonheur régional brut. Pourquoi ? Tout simplement parce que le produit intérieur brut (PIB) est un modèle conçu pour la croissance inhérente à l’époque de la départementalisation, développé à un moment où on pensait être dans un univers infini de progrès économique et social. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, d’où la nécessité d’un nouvel indice qui permette de mesurer les effets d’une politique publique de manière plus large. En conséquence, il doit y avoir un plaidoyer de tous les observateurs avertis de la chose économique pour un indice du Bonheur Régional Brut aux Antilles en lieu et place du Produit Intérieur Brut (PIB.). 

Jugeant le PIB dépassé par l’impact futur du télétravail, de l’intelligence artificielle et la révolution numérique, nous souhaiterions inscrire le principe de «Bonheur Régional Brut» dans la mise en œuvre des politiques publiques aux Antilles, pour mesurer la vitalité du lien social ou encore la santé mentale de la population de la Martinique  , et ce bien avant l’éventualité de la mise en place du revenu universel de base de 1.000 euros  pour enrayer autant que faire se peut les effets secondaires du chômage massif engendré à brève échéance par la crise du coronavirus, la destruction du commerce traditionnel, l’intelligence artificielle et la révolution numérique.

L’argent des transferts publics en provenance de la France hexagonale ne suffit pas, à lui  seul à garantir un avenir serein pour la Guadeloupe et la Martinique. Donc en fait, l’objectif: c’est inscrire dans la mise en œuvre des politiques publiques, le principe de «Bonheur Régional Brut», en s’inspirant du modèle déployé au Bhoutan, petit royaume himalayen de 800.000 habitants.

Le concept de Bonheur Régional Brut vise à redéfinir la notion même de progrès économique et social . Contrairement au PIB, l’indice de Bonheur Régional Brut ne mesure pas seulement le développement économique, mais s’intéresse à la préservation de l’environnement, la bonne gouvernance, la vitalité du lien social et la promotion de la culture . Des facteurs qualitatifs qui se rapprochent des critères de développement émis par l’ONU…. Répétons le encore et encore : " Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va. "– Sénèque –

 

Jean-Marie Nol, économiste

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