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Révolutions et déclarations universelles

Par Claude Moïse
Révolutions et déclarations universelles

Il fallait s’y attendre [1], l’évocation des circonstances de l’adoption par l’ONU de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH) le 10 décembre 1948 ne pouvait manquer de ramener aux origines et aux causes de telles initiatives à prétention universaliste. Il est un fait qu’au sortir de la deuxième guerre mondiale les États et les peuples éprouvés par tant d’atrocités se devaient de s’interroger et de convenir aux moyens de prévenir la répétition des génocides, tortures dégradantes, déportations massives et autres calamités dévastatrices des droits fondamentaux. 

Le conflit de 1939-1945 a touché tous les continents, c’est donc à juste titre que l’ONU créée en 1945 propose en 1948  «La présente Déclaration universelle des droits de l’Homme comme l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société , ayant constamment cette déclaration à l’esprit, s’efforcent … de développer le respect de ces droits et libertés et d’en assurer … l’application universelle et effective …»

Sur le site internet de l’ONU on trouve un historique qui présente La DUDH  comme « la première affirmation mondiale de la dignité et de l’égalité inhérentes de tous les êtres humains» On y lit également que «au cours de l’histoire, les conflits, qu’il s’agisse de guerres ou de soulèvements populaires, ont souvent été une réaction à des traitements inhumains et à l’injustice.» Et l’auteur de citer en exemples : La Déclaration anglaise des droits de 1689 qui traduit  «l’aspiration du peuple à la démocratie à la suite des  guerres civiles survenues dans le pays» ;   la Révolution française de 1789 qui enfanta la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en proclamant l’égalité universelle. D’autres événements moins connus remontant à des siècles avant notre ère sont également signalés comme pour signifier la persistance de l’aspiration à la dignité et à la liberté de la condition humaine. Le texte publié dans ce numéro et signé de Aryeh Neier l'un des fondateurs de  Human Rights Watch renvoie aux grands moments de l’histoire de l’humanité qui en Angleterre, en France, aux États-Unis ont été selon lui à l’origine de l’élaboration du concept des droits universels. Il est allé jusqu’à préciser que «ce concept a aussi modelé la pensée de ceux qui en Angleterre menaient la lutte contre l'esclavage dans la deuxième moitié du 18° siècle - le premier mouvement de défense des droits de l'homme.»

Toutes ces observations, pour importantes qu’elles soient, restent terriblement injustes pour leur occultation d’une des seules révolutions de la fin du 18e siècle et du début du 19e qui pouvait prétendre à l’affirmation concrète des droits universels. On ne saurait douter de la portée universelle de la Révolution haïtienne quand on sait qu’elle a surgi dans la contemporanéité des révolutions américaines et française et qu’elle a imposé la reconnaissance des droits à la liberté, à l’égalité et à la dignité d’une portion de l’humanité maintenue en esclavage et subissant l’oppression coloniale et raciste. Certes, la Révolution haïtienne n’a pas produit une Déclaration générale des droits de l’Homme, mais a affirmé avec force dans la Proclamation de l’Indépendance le 1er janvier 1804 les droits inaliénables de tout être humain et a inscrit en acte le concept des droits universels. Bien sûr, l’histoire atteste que notre libération de l’esclavage et de la colonisation s’est déroulée en imbrication étroite avec la Révolution française de 1789 : soit que nos combattants se soient inspirés des principes humanistes de celle-ci confirmés dans l’abolition de l’esclavage le 4 février 1794, soit qu’ils aient rejeté les tentatives liberticides manifestées dans l’effervescence de la construction laborieuse d’une nouvelle nation française en 1801. Et leur détermination n’a pas faibli devant la poussée de l’armée expéditionnaire de Napoléon en 1802.

On me dira vous voilà bien loin de 2008 et de 1948, et les contempteurs de l’expérience historique haïtienne s’empresseront de dire : qu’avez-vous fait de cette liberté? Ce n’est pas ici que je leur répondrai tant la question porte une charge complexe. Je peux leur dire que l’histoire n’est pas faite pour être niée, mais pour éclairer et inspirer ceux qui forgent l’avenir dans la mesure où elle est bien lue; je peux également les inviter à jeter un coup d’œil sur le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui afin de mesurer le parcours de l’humanité et de voir à quoi ressemble l’humaine condition. En attendant la réflexion se poursuit. C’est à quoi nous convie l’UNESCO lorsqu’elle projette l’organisation à Port-au-Prince en août 2009 d’un colloque international sur la signification et la portée universelle de la Révolution haïtienne.

[1] Texte éditorial publié dans le quotidien haïtien Le Matin du 10 décembre 2008, reproduit dans Un pas en avant, deux pas de côté - Chronique des années 2004-2008 , volume 2, pp 244-246, Éditions de l'Université d'État d'Haïti, 2014.

 

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