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"Sale bougnoule", "voyou", "je vais te crever" : ces maires de Seine-Saint-Denis victimes de racisme

Hajera Mohammad, France Bleu Paris
"Sale bougnoule", "voyou", "je vais te crever" : ces maires de Seine-Saint-Denis victimes de racisme

Alors que l'Association des maires d’Île-de-France dénonce une augmentation inquiétante des violences à l'encontre des élus, France Bleu Paris a recueilli le témoignage de deux élus de la Seine-Saint-Denis, victimes d'insultes racistes et de menaces.

En 2014, quand il est élu à Stains, Azzedine Taïbi (PCF) devient le premier maire d'origine maghrébine, d'une ville de Seine-Saint-Denis, tout un symbole à l'époque, dans un département où une importante part de la population est issue de l'immigration.

"Des lettres, des appels, des messages toutes les semaines"

"À l'époque, je recevais déjà quelques courriers d'insultes, mais c'était un ou deux messages par mois, je n'y prêtais pas vraiment attention", nous raconte le maire, réélu en mars 2020, dès le premier tour. "Aujourd'hui, c'est vraiment préoccupant, c'est quasiment toutes les semaines : des messages, des appels téléphoniques avec des insultes comme "sale bougnoule, sale arabe, retourne dans ton pays'".

Des menaces de mort

Il y a aussi ces menaces qui se font plus violentes, comme dans cette lettre reçue il y a quelques semaines en mairie : "Regardez bien devant, derrière, sur les côtés... on va venir te crever !", écrit l'auteur qui a pris soin de signer ce courrier. Ces racistes ne se cachent plus, vont de plus en loin et suscitent une certaine crainte chez Azzedine Taïbi :  "Je me dis que ces personnes-là vont certainement un jour passer à l'acte". 

L'élu sent que les choses se sont aggravées ces derniers mois. Son engagement (pas nouveau pourtant) contre les violences policières et son soutien à la famille d'Adama Traoré semblent avoir empiré la situation. En juillet dernier, il a porté plainte après avoir reçu une vidéo "d'un groupe fasciste" qui menaçait explicitement de s'en prendre à lui. Ces gens lui reprochaient d'avoir autorisé l'installation, dans sa commune, d'une fresque en hommage à Adama Traoré.

 


"On banalise, on cautionne"

Désormais, Azzedine Taïbi portera plainte systématiquement en cas de menaces "parce que trop, c'est trop". Il espère que la réponse pénale sera à la hauteur, mais pour lui, il faut aussi que la réponse de la classe politique soit à la hauteur, qu'elle mette "un holà". "En tant que maire, parfois je me sens totalement isolé, abandonné face à ces actes racistes", avoue-t-il. 

D'ailleurs, pour lui, la polémique suscitée par le magazine Valeurs actuelles qui a représenté la députée Danièle Obono, en esclave, en dit long sur l'état de notre société : "Ce n'est pas la première fois que cette élue est victime de racisme. Là, Valeurs actuelles a franchi un cap encore, mais c'est parce que les choses ont été permises avec les Zemmour et compagnie qui passent encore à la télévision par exemple. On banalise, on cautionne".

"Je suis noir donc je fais de la sorcellerie"

Autre témoignage, celui du nouveau maire de Villetaneuse. Dieunor Excellent (DVG), a créé la surprise, le 15 mars 2020, en remportant les municipales dès le premier tour, dans cette ville dirigée depuis un siècle par les communistes. Pourtant, l'homme né en Haïti et qui a grandi en Guyane, a droit lui aussi à des propos insultants : "Dès lors que j'ai été élu, il y a eu un procès en permanence en illégitimité. J'ai eu des posts dans lesquels on disait que j'ai été élu parce que j'ai fait de la sorcellerie. Là, pour le coup, c'est clair : je suis noir donc j'ai fait de la sorcellerie".

La couleur de peau avant les compétences

Parfois le discours est plus sournois et renvoie aux origines sociales : "On dit que c'est la "voyoucratie qui a gagné" parce que je suis issu d'un milieu populaire, que j'habiterais dans un quartier populaire, donc je suis un voyou. On est sans cesse renvoyé à ces clichés et finalement notre compétence n'est pas reconnue à cause de notre couleur de peau et cela doit cesser !"

Pire, ce procès en incompétence est parfois amené par des remarques ou des sous-entendus de la part d'autres élus ou d'institutionnels. "Pendant la campagne, c'était un argument de certains opposants ", explique Dieunor Excellent. "Parfois, j'ai un peu le sentiment qu'on est un peu plus regardés, surveillés, par certaines institutions", nous confie Azzedine Taïbi. "Les choses ne sont pas dites, mais on sent qu'il y a quelque chose qui n'est pas très sain et qui consiste à dire : "bon t'es maire ok, mais comme les autres'".

L'association des maires d’Île-de-France inquiète

Stéphane Beaudet, maire d'Évry-Courcouronnes (Essonne) et président de l'Association des maires d’Île-de-France (Amif) dénonce cette violence raciste qui s'est banalisée à l'encontre de ces élus. "C'est le paradoxe : la diversité est de mieux en mieux représentée dans le corps des élus et notamment les maires et en même temps, malheureusement, ils sont victimes de racisme", relève-t-il. "On peut parler du racisme, mais on peut aussi parler de l'homophobie avec des maires attaqués là-dessus".

L'Amif vient de lancer une enquête auprès des élus franciliens pour avoir leur ressenti et pour répertorier précisément la nature des violences auxquelles ils sont confrontés. Les conclusions seront transmises à l'État pour l'inciter à s'engager plus concrètement sur le sujet, c'est le souhait en tout cas du président de l'association.

 

 

 

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