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Stimuler l’utilisation du français dans la recherche universitaire

Stimuler l’utilisation du français dans la recherche universitaire

Il y a quelques jours, Statistique Canada rendait publiques les plus récentes données sur la langue. Les résultats en inquiètent plusieurs quant à l’avenir du français autant au Canada qu’au Québec, et il semble évident que les défis pratiques associés à l’idéal du bilinguisme canadien ne sauraient être sous-estimés.

Ceci étant, au-delà de l’implantation de grandes politiques visant à soutenir l’usage du français, je voudrais ici suggérer quelques pistes plus modestes qui seraient susceptibles d’avoir un impact positif dans mon domaine bien spécifique. Je soupçonne qu’une approche similaire dans d’autres domaines aurait également des impacts bénéfiques, en plus d’être bien plus facile à implémenter que de grandes politiques aux apparences plus ambitieuses.

En avril dernier, j’étais invité à participer à un panel de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) portant sur la publication en français de la recherche universitaire. J’étais alors accompagné d’autres jeunes chercheurs dont le témoignage était très similaire au mien : l’internationalisation croissante de la recherche universitaire fait en sorte que les jeunes chercheurs francophones publient et travaillent presque exclusivement en anglais.

Je me souviens encore de manière très vive de la réaction d’étonnement de l’assistance lorsque j’ai indiqué avoir sept articles à divers degrés d’avancement dans le processus de révision par les pairs et qu’aucun de ces articles n’était en français.

Je voudrais d’abord poser une importante distinction entre deux pressions différentes auxquelles sont soumis les chercheurs, puis proposer une piste de solution qui devrait permettre de les alléger de sorte que davantage de travaux soient publiés en français. Cela me semble aussi d’autant plus important que la recherche est largement soutenue par des fonds publics et que les francophones sont donc tout autant en droit de s’attendre à pouvoir accéder dans leur langue aux fruits de la recherche qu’ils soutiennent.

Deux sources distinctes de l’attractivité de l’anglais

Le contexte linguistique bien particulier au Canada fait en sorte que nous avons souvent tendance à comprendre l’attractivité de l’anglais avec la lunette strictement canadienne. S’il est vrai que le français est la langue maternelle de la minorité des chercheurs canadiens et qu’il en résulte nécessairement qu’il y a plus de chercheurs anglophones que francophones, je peux attester personnellement que la très vaste majorité de mes collègues anglophones sont sensibles à cet enjeu. Cette situation particulière au Canada, conjointement à l’idéal de bilinguisme, fait en sorte que nous aurons toujours à fournir des efforts particuliers à cet égard. Ceci étant, cette source d’attractivité de l’anglais n’est pas la plus puissante.

Les débats académiques mobilisent maintenant des chercheurs de toutes les origines et la pratique quotidienne de la science exige une langue commune. À plusieurs égards, le fait que les chercheurs de partout dans le monde soient à même de communiquer facilement entre eux accélère grandement l’avancement de la recherche et en améliore certainement la qualité.

Si je travaille essentiellement en anglais, c’est aussi le cas de mes homologues suédois et allemands. Le fait que nous puissions communiquer et travailler ensemble nous offre des occasions stimulantes qui bonifient nos travaux.

Nos sociétés tirent donc des bénéfices importants de l’internationalisation de la recherche, mais il est vrai que cela se fait parfois au détriment de nos langues respectives.

L’avancement de la carrière des chercheurs exige aussi que leurs travaux aient le plus d’impact possible. Cet impact est actuellement le plus souvent mesuré par l’influence des travaux d’un chercheur dans sa discipline, et cette influence se gagne par des publications dans des revues prestigieuses qui ont le plus grand lectorat possible.

Pour cette raison, les chercheurs ont tout intérêt à privilégier les revues internationales et à consacrer leurs ressources limitées à des projets qui sont susceptibles d’y être publiés. Pourtant, malgré ces pressions, la très grande majorité des chercheurs aimeraient aussi avoir l’occasion de travailler plus directement sur leur propre société et de publier des travaux dans leur langue. Ce type de recherches a nécessairement un auditoire plus limité, mais leur impact peut parfois être beaucoup plus évident pour des sociétés qui ont toutes un intérêt clair à mieux se comprendre elles-mêmes.

Une manière simple de stimuler la publication de la recherche en français serait tout simplement de mieux appuyer les infrastructures de recherche qui permettent aux chercheurs de s’intéresser plus directement à notre propre société.

Dans mon domaine bien spécifique, une manière simple et peu coûteuse de faire une telle chose serait que le gouvernement du Québec finance des « études électorales québécoises », bâties sur un modèle similaire à ce qui se fait dans plusieurs pays, y compris au Canada lors des élections fédérales.

Lors de chaque élection fédérale, un groupe de chercheurs canadiens décide des enjeux pertinents et mène une série de sondages qui ont pour but de mieux comprendre l’élection. Les données sont ensuite rendues publiques et sont donc accessibles à tous les citoyens canadiens. Ces données de grande qualité sont abondamment utilisées par les chercheurs et les étudiants pour mieux comprendre notre société. J’utilise aussi très souvent ces données dans le cadre de mon enseignement et mes collègues en font de même.

Il n’y a absolument aucune raison justifiant que le Québec ne soit pas déjà doté d’une telle infrastructure qui permettrait aux chercheurs québécois de travailler et de publier plus souvent en français.

Ces travaux auraient aussi l’avantage d’avoir un intérêt évident pour la vaste majorité des Québécois. Comme la plupart de mes collègues, je serais pour ma part enthousiasmé que les compétences que j’ai acquises en partie grâce à l’appui de ma société puissent lui être plus directement utiles.

Je ne veux évidemment pas prêcher uniquement pour ma paroisse et j’utilise ici mon propre champ de recherche comme exemple. Je soupçonne que des solutions similaires pourraient stimuler l’usage du français dans bien d’autres domaines, qu’ils soient universitaires ou non. Non seulement de telles initiatives ne sont pas forcément coûteuses, elles peuvent aussi être très simples à implanter. Finalement, il me semble évident qu’elles peuvent aussi bénéficier d’un vaste appui dans la population.

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