La conférence du Pr Cyrulnik, organisée par « TOUS CREOLES », sur le campus de Schoelcher l’autre vendredi a donc été perturbée par des noiristes surfant sur la vague du mouvement anti-épandage aérien.
Etant de tout temps opposé à la récupération du concept de Créolité par les premiers__que j’appelle les « blanchistes »__je n’ai pas assisté à ladite conférence, mais les échos que j’en ai eus démontrent qu’il s’agit d’une tempête dans un verre de rhum. Quand blanchistes et noiristes s’affrontent verbalement, la grande majorité des Martiniquais n’en a rien à cirer. Cela ne concerne que deux cent cinquante personnes d’un côté et une cinquantaine de l’autre. Trois cent quidams qui ne représentent qu’eux-mêmes !
Occupons-nous d’abord des blanchistes. Si j’approuve l’idée d’une réconciliation de tous les Martiniquais quelle que soit leur origine ethnique, j’ai du mal à comprendre pourquoi ces réconciliateurs ne se réfèrent pas à ce qui s’est passé en Afrique du Sud. Il s’agit pourtant d’un exemple à la fois édifiant et magnifique. Des comités « Vérité et Réconciliation » ont été mis en place à travers tout le pays de Nelson Mandela et les crimes et autres turpitudes des Blancs créoles sud-africains (les Afrikaners) ont été mis à nu, exposés sur la place publique, décortiqués, disséqués, cela dans la presse écrite, à la radio et à la télévision. C’est cela l’étape « VERITE ». Puis, dans un second temps, est venue l’étape « RECONCILIATION » à savoir le partage équitable des richesses économiques de l’Afrique du Sud entre toutes ses composantes. Cette étape est loin d’être achevée de nos jours, mais elle semble en bonne voie si l’on en juge par le nombre de dirigeants d’entreprises noirs que compte désormais le pays. Or, en Martinique, « TOUS CREOLES » veut zapper l’étape « VERITE » et cela est tout simplement inacceptable ! Pire, cette association veut passer à la troisième étape, celle de la « RESILIENCE » c’est-à-dire de l’oubli des souffrances endurées pendant trois siècles par les ancêtres de la plupart des Martiniquais. Cela est encore plus inacceptable ! La question du pouvoir économique béké doit être d’abord et avant tout mise sur la table quand bien même il est vrai qu’ils ne sont pas les seuls capitalistes et « profiteurs », la Galéria, par exemple, le plus grand centre commercial de la Martinique, n’appartenant pas aux békés. Il faut qu’on sache pourquoi 1% de notre population possède près de 40 ou 50% des richesses. Il faut ensuite qu’on fasse tout pour que cette situation inique soit progressivement modifiée. Comme en Afrique du Sud. On aura compris que si je suis farouchement opposé au pouvoir béké, je rejette le slogan imbécile qu’est « Bétjé déwò ! ».
Venons-en maintenant aux noiristes ! Ils disent rejeter la créolisation car il s’agirait d’un crime contre l’humanité. Comme si on pouvait réécrire l’histoire ! Comme si les Français pouvaient éternellement reprocher aux Romains d’avoir envahi la Gaule ou les Berbères reprocher aux Arabes d’avoir occupé l’Afrique du Nord. Or, dans tout processus historique, il y a du mauvais et du bon, du pire et du moins pire. Le génocide des Amérindiens et l’esclavage des Noirs furent des crimes contre l’humanité en leur temps et leurs auteurs méritent d’être dénoncés, mais on ne peut pas revenir en arrière ! L’Europe a certes conquis l’Amérique mais une nouvelle civilisation a fini par se « créer » (racine du mot « créole » pour ceux qui l’ignoreraient encore), une civilisation nouvelle, certes nées sur les bases d’un impérialisme destructeur, mais qui, petit à petit, a su inventer une nouvelle forme d’humanité. Une civilisation riche de quasiment toutes les civilisations du monde. Une civilisation qui, paradoxalement peut-être, a préfiguré l’actuel mouvement de globalisation/mondialisation et qui s’est donnée pour socle l’identité multiple. Mais foin de philosophie ! Si nos noiristes étaient logiques avec eux-mêmes, ils devraient rejeter Simon Bolivar, José Marti, Fidel Castro ou Che Guevara qui sont des « Blancs » et des descendants de colons. Nos noiristes devraient aussi rejeter la langue du Blanc, la toge d’avocat du Blanc, le Code Civil et le Code pénal du Blanc, la BMW ou le 4/4 du Blanc. Or, ces messieurs-dames n’en font RIEN ! Le plus comique est que certains sont à la fois pro-Castro et pro-Obama. Ils sont allés en août dernier parader avec 300 de leurs compères, aux frais du contribuable martiniquais, au Festival de Santiago de Cuba où ils ont chanté la solidarité entre la Martinique et Cuba. Un seul d’entre eux a-t-il dénoncé le fait que le gouvernement cubain depuis 50 ans est composé d’une écrasante majorité de Blancs alors que les Noirs et métis sont au moins 60% de la population ? Surtout pas ! Trop peur de faire de la peine à Fidel et Raul Castro sans doute. Et ce mois-ci, ils étaient tous derrière Obama parce qu’il est noir !!! Fini l’impérialisme yankee ! Oubliés la Palestine, le Tibet, l’Irak, l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire, le Sri-Lanka, Grenade ou le Venezuela ! Vive les USA puisqu’ils sont dirigés par un Noir ! Or ledit Noir n’a rien fait pour supprimer le blocus étasunien qui étrangle le peuple cubain depuis cinq décennies. Donc d’un côté, on célèbre l’amitié martinico-cubaine et de l’autre on supporte un président yankee qui met Cuba à genoux. Comprenne qui pourra ! Nos noiristes ne sont pas à une contradiction près. Dans leur vie quotidienne, ils nagent tous dans un manjé-kochon de contradictions.
Je renvoie donc dos à dos blanchistes et noiristes. En tant que celui qui a écrit le premier roman en créole martiniquais, celui qui a rédigé le premier dictionnaire de « titim » martiniquais, celui qui a rédigé le premier dictionnaire du créole martiniquais, qui a participé à la fondation de l’ASSAUPAMAR, qui a travaillé 25 ans au sein du GEREC et j’en passe, je n’ai pas de leçons à recevoir des noiristes. Mais je lance un avertissement tant à ces derniers qu’aux blanchistes, si jamais un jour, vous vous avisez de venir perturber une de mes conférences, sa pé ké pasé kon sa !
Vini bien, si zot ka vini !
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